Rafael Correa, candidat de la gauche équatorienne, a remporté le second tour de l'élection présidentielle en réunissant 57% des voix après dépouillement de la quasi-totalité des bulletins, a annoncé mardi un responsable électoral. Après dépouillement de 97% des suffrages, cet économiste formé aux Etats-Unis était crédité de 57,07% des voix contre 42,93% au candidat conservateur Alvaro Noboa, alias "le roi de la banane" dont l'Equateur est le premier exportateur mondial. Correa va ainsi devenir le deuxième dirigeant d'un pays latino-américain à s'inspirer de la révolution bolivarienne. Ancien ministre de l'Economie âgé de 43 ans, Correa a fait campagne en dénonçant les élites politiques accusées de ne pas avoir réduit la pauvreté qui affecte plus de la moitié des 13 millions d'Equatoriens. Il s'est prononcé pour le rejet de la zone de libre échange que les Etats-Unis s'efforcent de mettre sur pied et il a prôné en outre la renégociation de la dette extérieure et des contrats conclus avec des firmes étrangères dans le secteur pétrolier. Mardi, il a déclaré qu'il était favorable à la mise en place d'une assemblée constituante chargée d'élaborer une nouvelle constitution, nécessaire selon lui pour lutter contre la corruption au Congrès et réduire l'influence des partis sur les institutions indépendantes, notamment la justice. Le mot "révolution" chapeaute le "Plan de gouvernement" de l'économiste de gauche. L'ambition est la "construction d'une souveraineté latino-américaine" libérée des Etats-Unis, comme le veut aussi la révolution bolivarienne menée au Venezuela par Hugo Chavez. L'élection de Rafael Correa est une victoire politique pour le président vénézuélien Hugo Chavez. Ce dernier espère que l'Equateur suivra la mouvance "bolivarienne" qui unit déjà Cuba, le Venezuela, la Bolivie et peut-être bientôt aussi le Nicaragua, si le sandiniste Daniel Ortega, élu président le 5 novembre dernier, retrouvait ses vieux accents révolutionnaires qui se sont émoussés. "Les Latino-Américains, nous sommes tous bolivariens" clame le Plan de gouvernement de la coalition Alianza Pais (Alliance Pays) de Rafael Correa, saluant ainsi plus qu'implicitement l'ambition d'Hugo Chavez de lutter pour l'unité sud-américaine comme le fit au 19e siècle, alors contre la domination espagnole, le libertador historique Simon Bolivar. Chavez dit avoir félicité par téléphone "ce jeune patriote équatorien" (Correa) après sa victoire. "Chavez est mon ami personnel, mais dans ma maison ce ne sont pas mes amis qui commandent" précise toutefois le vainqueur de la présidentielle. A Washington, le porte-parole du Département d'Etat, Sean McCormack, a qualifié le processus électoral équatorien "d'assez transparent, libre et impartial". Il a assuré que les Etats-Unis sont disposés à collaborer avec l'exécutif issu de ces élections, quelle que soit son idéologie. Pendant la campagne électorale du premier tour, Rafael Correa avait qualifié George W. Bush de "président extrêmement lourdaud qui a fait grand tort à son pays et au monde". A La Havane, le presse cubaine s'est félicitée de la victoire de Rafael Correa, l'assimilant à une nouvelle défaite des Etats-Unis en Amérique latine. Le duel Bush-Chavez a marqué peu ou prou toutes les élections présidentielles convoquées depuis novembre 2005 dans onze pays latino-américains, y compris le Venezuela, qui réélira probablement Hugo Chavez le 3 décembre. Ce marathon électoral continental sans précédent devrait se conclure sur 4 victoires de la gauche radicale (en Bolivie, au Nicaragua, en Equateur et au Venezuela), 4 aussi de la social-démocratie ou de présidents qui la pratiquent sans nécessairement la revendiquer (au Chili, au Costa Rica, au Pérou et au Brésil) et 3 victoires de la droite libérale ou conservatrice (au Honduras, en Colombie et au Mexique). Toutes tendances confondues, la gauche latino-américaine aura donc remporté (en incluant par anticipation le Venezuela) 8 des 11 dernières élections présidentielles. Elle gouverne par ailleurs aussi en Argentine, en Uruguay et à Cuba. Au total, la gauche dirige 11 des 19 pays latino-américains (ceux dont la langue officielle est l'espagnol, plus le Brésil). Cette proportion confirme le reflux de l'influence des Etats-Unis sur leur propre continent. Pour peu, il aurait fallu parler de leur solitude si, le 2 juillet dernier, la gauche d'Andres Manuel Lopez Obrador avait obtenu l'infime 0,59% qui lui manque pour gouverner le Mexique. Les "gringos" paient dans leur ancienne arrière-cour le coût différé des dictatures militaires que Washington soutenait et le prix très actuel des dérapages de leur croisade antiterroriste mondiale. Pour de grands projets économiques, la nouvelle gauche latino-américaine se laisse courtiser par la Chine, le Japon, l'Union européenne et même la Russie.