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En prévision de la crise alimentaire mondiale : Main basse sur les terres agricoles des pays pauvres
Publié dans El Watan le 21 - 04 - 2009

La flambée des cours des produits agricoles en 2007 et 2008 et la dépréciation des valeurs financières induite par la crise actuelle ont incité de gros investisseurs internationaux et même des Etats à se tourner vers l'acquisition, tous azimuts, de terres agricoles aujourd'hui considérées comme des actifs stratégiques.
Les fonds de retraite américains, les fonds spéculatifs internationaux, ainsi que des Etats, achètent à tour de bras des surfaces agricoles là où la législation foncière et la précarité économique des pays ciblés rendent les transactions possibles. De nombreux acteurs internationaux de la finance et de l'agroalimentaire s'y sont mis, parmi lesquels les Chinois, les Coréens du Sud, les Saoudiens et les Emiratis qui sont assurément ceux qui ont obtenu le plus de résultats. Ces derniers ont acquis, à eux seuls, 8 millions d'hectares de terres cultivables hors territoire national, soit environ 6 fois la surface agricole utile d'un pays comme la Belgique.
Visées sur les terres agricoles
C'est ainsi que, selon Grain, cette ONG internationale chargée de la promotion de la biodiversité agricole, la Chine aurait acheté pas moins de 2,5 millions d'hectares de terres cultivables en Russie, aux Philippines, au Kazakhstan, au Mexique, au Cameroun, à Cuba, en Ouganda, au Laos, en Tanzanie et en Australie. La Corée du Sud aurait, quant à elle, acquis quelque 2,3 millions d'hectares à Madagascar, au Soudan, en Mongolie, en Argentine et en Indonésie. L'Arabie Saoudite aurait, précise l'ONG, acheté environ 1,6 million d'hectares dans les deux pays musulmans que sont l'Indonésie et le Soudan. Les Emirats arabes ont, pour leur part, acquis 1,3 million d'hectares essentiellement au Pakistan, au Soudan, aux Philippines et… en Algérie, où des firmes émiraties auraient acquis plus de 1500 hectares, selon le rapport de l'ONG publié en octobre 2008 sous le titre Main basse sur les terres agricoles. Ces pays ne sont évidemment pas les seuls à avoir, pour des raisons de sécurité alimentaire, des visées sur des terres agricoles situées en dehors de leurs territoires. Le Qatar dispose, à titre d'exemple, de terres en Indonésie, au Koweït, en Birmanie, au Bahreïn et aux Philippines. La Libye serait sur le point d'acquérir plusieurs milliers d'hectares de terres fertiles en Ukraine, moyennant fourniture de pétrole et de gaz, tandis que la Jordanie lorgne du côté du Soudan où des promesses fermes d'acquisition lui auraient été faites. La même frénésie pour les terres agricoles extra-territoriales règne, selon certains médias français, qui citent le cas de la Roumanie où plus de 15 millions d'hectares de terres fertiles seraient déjà aux mains de divers pays d'Europe. Cette main basse sur le foncier agricole des pays sous-développés ne fait en réalité que commencer, tout portant à croire qu'elle ira en s'accélérant dans un proche avenir, sous les effets conjugués de la baisse tendancielle des rendements agricoles et de l'essor démographique, qui font déjà de la sécurité alimentaire un enjeu stratégique de premier ordre.
Risques de famine
Mais cette manière d'opérer, qui rappelle la sinistre époque de spoliation coloniale, fait courir aux pays forcés, pour diverses raisons, notamment économiques, de vendre une bonne partie de leurs terres fertiles, le risque d'entraîner leurs populations dans de terribles famines. Il faut, en effet, se rendre à l'évidence que les produits agricoles tirés des terres ainsi acquises serviront, d'abord et avant tout, aux populations des nouveaux propriétaires, plutôt qu'aux masses locales. Les pays en voie de développement ayant produit, dans la foulée de la mondialisation, une législation favorable à la cession de terres agricoles aux étrangers (vente directe, concession sur de très longues périodes, exploitation en partenariat étranger majoritaire, etc.), devraient d'ores et déjà penser à revoir la réglementation en cours, afin que les ventes de terres agricoles ne s'opèrent pas au détriment des intérêts de la nation, parmi lesquels la sécurité alimentaire. Le cas se pose avec acuité pour l'Algérie, qui dispose d'à peine 0,5 hectare de surface agricole utile par habitant. Une surface, de surcroît, en constante régression en raison de la croissance démographique, de l'avancée du désert et de l'érosion qui emporte chaque année des milliers d'hectares de bonnes terres. Dans les conditions que nous évoquons, il serait pour l'Algérie plus avantageux d'acheter des terres fertiles à l'étranger que de vendre le peu qui lui reste. C'est un débat que les Algériens peuvent se permettre maintenant qu'ils disposent d'importantes réserves de change, mais certainement pas après.


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