Le monde fait face à une grave crise financière. Un krach généralisé qui affecte de plus en plus les principales places financières dans le monde, entraînant un ralentissement de toute l'économie mondiale. En dépit de cette récession, la majorité des experts et analystes algériens continuent d'affirmer qu'il n'y a pas de quoi s'alarmer : cette crise n'aura pas d'impact sur notre économie. Le gouvernement continue, pour sa part, à rassurer quant aux possibilités de l'Algérie d'endiguer les effets immédiats de la crise financière actuelle. Le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, a réfuté toutes les hypothèses pessimistes : «L'Algérie ne court aucun risque dans l'immédiat quant aux retombées de l'effondrement des cours du pétrole sur le marché international. L'Algérie a garanti la réalisation de ses revenus ordinaires du secteur des hydrocarbures pour l'année 2008, dont la valeur s'établit à 80 milliards de dollars.» Toutefois, l'euphorie de Chakib Khelil n'est pas tout à fait absolue. Concernant l'impact de la crise sur les revenus de l'Algérie, tirés principalement de la fiscalité pétrolière, le ministre n'a pas écarté des répercussions à l'avenir non moins drastiques et n'a pas exclu l'effet de contagion sur l'économie nationale et ce, en tenant compte «de la récession économique que cette crise risque d'engendrer avec ce que cela induit comme recul de la demande pétrolière sur les marchés internationaux». 2 milliards de dollars : un volume des exportations dérisoire Il s'agit là du plus grand risque pour l'Algérie puisque les exportations du secteur des hydrocarbures constituent 97% de nos revenus. Les 3% restants se composent des revenus des exportations de demi-produits, de produits bruts (déchets ferreux, phosphates), de produits alimentaires (les eaux minérales et gazéifiées, les dattes, les crevettes…), de biens d'équipements industriels ou encore de biens de consommation non alimentaires (cartons, tapis). Ces exportations «en réalité ne sont pas significatives. En volume, nous atteignons péniblement, cette fin 2008, presque 2 milliards de dollars. La hausse enregistrée ces deux dernières années n'est pas due à une dynamique des exportations mais à l'impact du taux de change du dollar par rapport à l'euro. Nous exportons hors hydrocarbures essentiellement en euro et, de ce fait, notre volume a été valorisé face à la dépréciation du dollar», a affirmé M. Benini, le directeur d'Algex (Agence algérienne de promotion du commerce extérieur). Ce responsable affirme que l'impact de la crise sur les exportations algériennes n'est pas important. Car, «même si l'Algérie perdait les 3% de ces exportations, donc ces 2 milliards de dollars de revenus hors hydrocarbures, cela ne représenterait pas plus que l'équivalent de la baisse d'un point ou deux dans le prix du baril de pétrole». Même sur le plan social, l'impact ne sera pas ressenti, affirme M. Benini, expliquant que la majorité des entreprises exportatrices n'ont pas l'exportation comme unique activité. «Ces entreprises écoulent leurs produits sur le marché local et l'exportation ne représente qu'un pourcentage minime de leur chiffre d'affaires. Cet état de fait ne pourrait pas avoir des conséquences sur l'équilibre financier de ces entités.» Il reconnaîtra néanmoins que certaines grandes entreprises pourraient être durement touchées mais que leur nombre n'excède pas la dizaine. M. Benini ne donnera pas d'exemple mais soutiendra qu'il sera difficile à des entreprises qui fabriquent des produits peu consommés localement de les écouler. Ainsi, il apparaît évident que les entreprises productrices de ciment ne seraient pas gravement touchées du moment que le marché local est très important -ce qui constitue une soupape de sécurité- et le secteur du BTPH n'est pas gravement touché. A contrario, la nouvelle usine de Mediterranean Float Glass (MFG), filiale à 100% du groupe Cevital, qui produit des feuilles de verre plat, risque de rencontrer certaines difficultés puisque 70% de la production est destinée à l'exportation. A moyen et long terme et si la crise financière dure dans le temps, les premières entreprises à subir son impact sont celles qui importent la matière première «car les prix des intrants vont augmenter puisque de multiples usines vont fermer outre-mer. Le coût de production va augmenter, la commercialisation du produit sur les marchés extérieurs va être très difficile et cela va se répercuter sur ces entreprises». L'économie algérienne : la vulnérabilité est ailleurs Le directeur d'Algex a tenu à expliquer, par ailleurs, que la crise financière n'est pas la cause de la vulnérabilité de l'économie algérienne : «La vulnérabilité, il faut la situer ailleurs : c'est le cours du baril de pétrole, l'ouverture des frontières à une concurrence forte et parfois déloyale et le manque d'investissements.» Il expliquera alors que les PME/PMI algériennes disparaissent non pas parce qu'elles n'ont pas de marché à l'extérieur mais parce qu'elles sont concurrencées localement par des produits de mauvaise qualité, bas de gamme et qui ne sont pas soumis aux droits de douane. L'autre vulnérabilité de notre économie, selon ce responsable, est due au climat des affaires qui fait que les chefs des entreprises algériennes hésitent à investir et, par voie de conséquence, les étrangers affichent la même hésitation «alors qu'il y a une matière première, une main-d'œuvre assez qualifiée et un marché important, trois éléments qui devraient inciter à investir en Algérie». Revenant sur les exportations de l'Algérie, M. Benini a soutenu que la structure des exportations n'a pas évolué : «Nous sommes toujours orientés vers des exportations traditionnelles. Même si ce n'est pas de l'artisanat, c'est traditionnel. En l'occurrence, des minerais, de plus en plus de produits issus du raffinage des hydrocarbures, des produits bruts et des déchets ferreux. En termes de produits manufacturés, façonnés, industriels, c'est très peu. L'exportation de produits agricoles est dérisoire. Nous exportons un peu de produits agroalimentaires.» Au sujet de ces derniers, justement, M. Benini fait remarquer que leurs intrants sont importés : «Qu'il s'agisse de boissons, de laitage ou de pâtes alimentaires, les intrants sont importés.» Donc, même sur le plan des exportations des produits agroalimentaires, l'Algérie est dépendante vu l'absence d'une dynamique d'investissements. Pour le directeur d'Algex, il est primordial d'aller vers la création d'industries pour exporter nos produits après transformation, et faire baisser ainsi les exportations des produits bruts. «Il faut exporter davantage les produits agricoles et les transformer localement, parce que, justement, s'il devait y avoir un impact sur la crise mondiale, les industries dépendantes de l'importation seront touchées. Si le prix des intrants augmente, nos yaourts ou nos pâtes seront plus difficiles à vendre. Là on peut parler d'impact négatif sur les exportations. Jusqu'à aujourd'hui, ce n'est pas le cas pour la simple raison qu'après la flambée de 2007, la plupart des matières premières ont connu une baisse des prix, à l'instar du pétrole. C'est l'effet de la récession.» S'il est vrai qu'aucun problème ne se pose actuellement pour les sociétés d'exportations algériennes, il est vrai aussi, selon M. Benini, que «la stagnation des marchés mondiaux peut nous causer du tort. Parce que la plupart des marchés dans le monde sont en récession, il sera difficile de trouver des débouchés pour écouler nos produits». La récession peut offrir des opportunités à l'Algérie Mais cet impact ne peut être perçu qu'à moyen terme, explique encore ce responsable qui considère que même ce problème peut être contourné du fait que l'Algérie n'est pas un grand pays exportateur : «Il suffirait de mieux cibler les marchés. Nous avons exporté surtout vers l'Europe mais il y a les marchés maghrébin, du Golfe, du Moyen-Orient ou encore africain à explorer. Pour le moment, nous n'avons peut-être pas fait assez d'efforts pour exporter des produits pharmaceutiques, électriques ou encore électroniques, des domaines où nous avons un certain savoir-faire et des industries. Il faudra travailler davantage sur la mise aux normes, l'amélioration de la qualité et la recherche de marchés et c'est le rôle d'Algex qui essaye de donner plus de visibilité aux exportateurs qui ont des capacités.» D'ailleurs, Algex prévoit la tenue prochaine de plusieurs foires en Afrique. Revenant aux marchés européens, M. Benini considère que la récession qui frappe ces pays peut provoquer des effets positifs sur l'Algérie, lui permettant d'occuper de nouveaux marchés ou encore d'attirer l'investissement et profiter des délocalisations : «La crise des industries automobiles peut être une opportunité pour nous à titre d'exemple. Une délocalisation d'une usine de montage en Algérie, dont le marché est important, peut être bénéfique pour nous et pour le constructeur automobile.» H. Y.