Il s'agit, donc, d'éviter les barrières et les obstacles architecturaux, et de concevoir les projets, de telle sorte que l'utilisation indépendante de toutes les constructions et de tous les aménagements soit aussi garantie aux personnes handicapées physiques et sensorielles. Au cours des 20 dernières années, en Europe, d'innombrables exemples concrets ont révélé que la construction adaptée aux personnes handicapées était non seulement possible au niveau technique, mais aussi raisonnablement exigible selon le principe de la proportionnalité. Si la planification est correcte et tient compte assez tôt des besoins des personnes handicapées, presque toutes les mesures sont réalisables sans engendrer de coûts supplémentaires, ou, alors, les dépenses supplémentaires n'excèdent pas 2,5% de la totalité des coûts. Bien sûr, les coûts supplémentaires sont importants lorsqu'on améliore une construction déjà existante. Toutefois, pour les transformations aussi, il est possible de trouver des solutions en planifiant avec précaution. Des solutions qui satisfont aussi bien aux besoins des personnes handicapées qu'aux exigences de rentabilité. La crainte, largement répandue de coûts supplémentaires inadmissibles, se base sur des représentations erronées du prix de la qualité requise ou des mesures à prendre. Un exemple classique : la construction des appartements. L'objet n'est pas de construire de nombreux logements spéciaux pour personnes handicapées, dont les installations spéciales font grimper les prix. Il s'agit de concevoir tous les appartements «normaux» de telle sorte qu'ils puissent être adaptés facilement, le cas échéant, aux besoins des personnes handicapées. L'exemple d'un maître de l'ouvrage privé dans une ville en Europe a montré que c'est possible. Après avoir terminé la construction d'un quartier d'habitation, en étroite collaboration avec les représentants des personnes handicapées, ils confirment : «Ils ont réalisé un lotissement comprenant plus de deux cents appartements en suivant leurs directives à la lettre. 90% des appartements pourraient, le cas échéant, être adaptés pour des personnes handicapées, et cela ne leur a pas coûté un centime de plus». A l'heure actuelle, le problème majeur de la construction adaptée aux personnes handicapées, en Algérie, réside plus dans la question de savoir comment s'y prendre et si c'est raisonnablement exigible ou proportionnel. La concertation est, aujourd'hui, une pièce essentielle dans l'élaboration des projets. Elle permet aux décideurs, gestionnaires et professionnels, d'associer les usagers aux choix de conception et de réalisation. Afin d'atteindre l'objectif d'accessibilité et de qualité pour tous, il leur faut prendre en compte la diversité des déficiences, leur spécificité, le contexte du projet et le comportement futur des usagers. Cela implique qu'un dialogue soit établi le plus en amont possible avec des représentants de personnes à mobilité réduite. Mais, pour que cet échange soit productif, il doit être rigoureusement organisé. Qui associer ? A quel moment ? Dans quel cadre institutionnel ? Comment faire en sorte que chacun puisse s'exprimer et comprendre ce qui est en débat ? L'accessibilité fait partie des règles de la construction au même titre que la sécurité incendie. Mais, faute d'information et de formation appropriées, un grand nombre de professionnels méconnaissent les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. La grande difficulté réside avant tout dans le fait que la mise en pratique et l'observation des règles sont insuffisantes. L'urgence d'appliquer les lois est flagrante. A deux exceptions près, il n'existe aucune prescription pour la construction adaptée aux personnes handicapées dans toutes les lois algériennes d'édilité est toutes les réglementations du bâtiment. Toutefois, environ 20 à 30% seulement de ce qui serait nécessaire et aussi faisable. De plus, les réglementations algériennes sont de qualité diverses et pour la majeure partie incomplètes (article 30 de loi no 02/09 relative à la protection et à la promotion des personnes handicapées). Vide juridique Afin de remplir le devoir dans le domaine de la construction, il s'agit donc pour les Algériens, non pas de redévelopper entièrement une nouvelle législation, mais d'optimiser les lois et les réglementations existant déjà dans la plupart des structures de la construction et, surtout, de garantir ce qui fait le plus défaut à leur application. Selon la longue expérience des autres pays, le concept de la construction adaptée aux personnes handicapées se heurte, malgré les faits évoqués, au scepticisme ou au refus dans la majorité des cas. Toutefois, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur un exemple représentatif. Ce qui est faisable dans une Algérie et qui y est accepté sans contestation doit être possible dans tous les autres. Il n'existe pas, en Algérie, des réglementations du droit de la construction et des procédures d'application à l'heure actuelle. Ce qui prouve qu'il y a un vide juridique dans ce domaine -l'égalité des droits des personnes handicapées — peut aussi être rempli dans le domaine de la construction. «En ce qui concerne le handicap, on a fait une évolution textuelle, on n'a pas encore fait d'évolution culturelle. Le handicap est encore quelque chose de lointain, voire de honteux. Cela laisse soit dans l'indifférence, soit dans l'ignorance, car on n'ose pas s'en approcher. En parler encore et toujours permet donc une prise de conscience. Les journaux quotidiens parlent du handicap aujourd'hui, c'est déjà une avancée», «C'est avec des travaux comme ceux que nous pensons, qu'on va avancer là-dessus.» L'élément important à ne pas oublier est le droit de recours qui fait défaut (service pour la construction adaptée aux handicapés inexistant chez nous), avec effet à l'égard des tiers. Après quarante ans et depuis l'indépendance du pays, diverses conclusions essentielles et révélatrices peuvent être tirées de l'application de la construction adaptée aux personnes handicapées Dans le respect des besoins des personnes handicapées dans le domaine de la construction, considérés pratiquement comme allant de soi, est considérablement plus grand que dans plusieurs pays du monde, et ce, grâce à l'ensemble des instruments mis en place pour que les lois soient appliquées. Il n'a pas été question d'augmentation générale des coûts de construction, et des discussions permanentes sur des coûts supplémentaires ou sur la praticabilité d'un projet n'ont pas eu lieu. Un mode de construction adapté aux personnes handicapées est tout à fait supportable pour le secteur économique de la construction et l'économie nationale. Par conséquent, on peut raisonnablement exiger qu'il soit respecté. A l'heure actuelle, le contrôle systématique effectué a peu d'effet didactique sur les architectes et les maîtres d'œuvre. Le droit de recours des associations peut avoir un effet préventif décisif. Toutefois, il est inexistant même dans les rares cas. L'effet à l'égard des tiers s'avère un instrument extrêmement économique et léger pour éviter que les personnes handicapées ne soient pas discriminées (des expériences semblables ont été faites aux USA et en Europe). Pour obtenir le même effet par le biais d'autres instruments, il faudrait des mesures nettement moins économiques, comme une densité de la réglementation plus grande et plus détaillée, un contrôle plus poussé, une plus grande faculté à tenir compte des personnes handicapées dans la planification de la part des concepteurs et des maîtres de l'ouvrage, etc. Un modèle montre la direction à suivre pour que les principes de la construction adaptée puissent être appliqués de manière concrète. Il n'y a pas de raisons pour que le même chemin ne puisse pas être suivi dans tous les autres pays. Une réglementation dans se sens doit permettre d'aboutir à l'égalité des droits des citoyens dans le domaine de la construction, domaine dont la responsabilité incombe aux institutions concernées et ce, indépendamment du domicile de chaque citoyen. L'auteur est : Chargé d'études au GRE BADR Bouira Cadre du mouvement associatif