Puisque ce léger «déverrouillage» ne concerne guère une ouverture médiatique proprement dite vers la libéralisation des ondes et de la mire actuelle de la télévision algérienne, et ce, dans l'immédiat. Comme si ce n'était pas une urgence pour la place de lucarne unique (avec des déclinaisons et autres extensions uniformisées) dans le concert des nations, plus précisément dans le monde arabe, où le paysage audiovisuel s'est déjà affranchi. Il suffit de «zapper» sur les télévisions satellitaires arabes et maghrébines comme 2M, Médi1 Sat, Magharibia, Hanibal TV, Nesma TV, MBC1,2, 3, 4 ou encore MBC Action, Al Arabya, Al Jazeera, Dubai TV… De front, le Maghreb est devenu un enjeu pour ces chaînes brassant large et coiffant au poteau la télévision algérienne en y «raflant» sa manne publicitaire. Un flagrant manque à gagner pour l'Algérie ! L'exemple évident de l'ouverture audiovisuelle au Maghreb est celui de Nesma TV. Une chaîne de télévision privée ayant démarré ses programmes en Tunisie avec comme émission phare une Star Academy Maghreb visant un public de cent millions de téléspectateurs en Afrique du Nord et en France. Lancée le 15 mars par le groupe tunisien Karoui & Karoui avec un budget de 30 millions de dollars, Nesma TV (air frais en arabe) émet depuis Paris sur les satellites Arabsat, Nilesat et Hotbird. La question est de savoir pourquoi enclencher un processus de transition vers une hypothétique ouverture du champ médiatique tant attendu par les Algériens. Faute de pluralisme audiovisuel, ils tournent le dos à l'ENTV et ses répliques pour ne pas dire ses chaînes clones vers d'autres cieux. Ceux des chaînes satellitaires arabes et européennes, notamment françaises. Cette sortie «médiatique» est un euphémisme d'une certaine forme de paternalisme portant un regard condescendant de l'Etat à l'endroit du peuple. Il y a une année, Hachemi Djiar, alors ministre de la Communication, avait affirmé et confirmé le verrouillage médiatique : «La démocratie et l'Etat républicain ne sont pas encore à l'abri. Rien n'est irréversible si l'on ne reste pas vigilant. Tant que l'Etat, convalescent, n'a pas suffisamment de garanties, il n'ouvrira pas le secteur à l'investissement privé…». Cette ouverture «homéopathique» du champ audiovisuel jure d'avec la liberté d'expression et ses discours politiques contradictoires et autres «caisses de résonance et de dissonance» affichant la différence. L'exemple patent et surréaliste était celui des dernières présidentielles. Des candidats étaient contraints d'intervenir sur les chaînes TV satellitaires arabes et anglo-saxonnes pour s'exprimer… librement et s'adresser directement aux électeurs algériens, faute d'émissions offrant une tribune et autres joutes oratoires opposant des hommes et des femmes de diverses colorations politiques s'exprimant en toute démocratie. Et puis, pour le gouvernement, les éventuelles chaînes TV et radios privées se défausseront immanquablement de celle du service plutôt un «sévice» public. Une télévision algérienne étatique lourdement omnipotente et surtout jurassique détonnant avec l'acception sémantique audiovisuelle de service public. Par analogie, la chaîne britannique BBC (financée exclusivement par la redevance), bien que relevant du secteur public, jouit d'une très grande autonomie éditoriale. L'on se souvient du «clash» frontal avec le gouvernement de Tony Blair à l'issue de «l'exagération» (sexed up) de la menace irakienne, les armes de destruction massive et la fameuse affaire du Pr Kelly, ce spécialiste des armes de destruction massive qui avait été retrouvé mort dans un bois près de chez lui, quelques jours après son audition par une commission parlementaire. Jerry Timmins, chef régional de la BBC pour l`Afrique et le Moyen-Orient, il y a huit mois, à Alger, nous avait déclaré à propos de la ligne éditoriale de la BBC : «La charte royale (loi et textes) en vigueur stipule que la BBC doit produire des informations impartiales et objectives. La BBC avait des problèmes à l'issue de cette affaire (Kelly) parce qu'elle a fait ce qu'elle avait à faire. La BBC a prouvé qu'il n'existait pas d'armes de destruction massive en Irak. Mais le Premier ministre soutenait le contraire. Le gouvernement n'avait pas aimé cela. Mais ce qui est fondamental, c'est que le gouvernement est parti en guerre en Irak en invoquant une raison qui n'existe pas : les armes de destruction massive en Irak. Cela a été prouvé que c'était faux. Et jusqu'à aujourd'hui, on ne cesse de poser cette question au gouvernement et au Premier ministre. C'est le travail de journaliste de poser de telles questions. La BBC a le droit le plus légal et la responsabilité absolue de poser ce genre de questions. Et le public britannique reconnaît cela (cette qualité). «Ainsi que la majorité des hommes politiques. C'est pour cela que la charte de la BBC est renouvelée chaque six mois (une caution de confiance) .