La télévision algérienne reflète l'image d'un pays sous-développé qui ne convient pas à la place de l'Algérie. » Tel est le constat flagrant d'un échec patent de la télévision algérienne défini par une journaliste algérienne exerçant à l'étranger. La présentatrice vedette du JT d'El Jazeera, Khadija Benguenna, récemment interviewée par notre confrère El Khabar. Cette assertion, en cette date significative (le 3 mai) observant une halte quant à la liberté de la presse, interpelle plus que jamais les décideurs et relance la sempiternelle question relative au déverrouillage du champ audiovisuel en Algérie. En clair, par apposition à la mire de l'ENTV, Khadija Benguenna parle de liberté de ton et d'affranchissement par rapport à la chape de plomb bouchant à l'émeri l'expression « directe ». Et par conséquent, un état des lieux d'une télévision se défaussant de l'air du temps. Plutôt jurassique par analogie à celles des autres pays du monde arabe et notamment du Maghreb (Maroc et Tunisie). En matière de débat contradictoire, c'est l'unicité de la « bienpensance obligée » à l'endroit du téléspectateur-citoyen algérien. Il faut bien le souligner, la télévision n'est pas un contre-pouvoir en Algérie. C'est une caisse de résonance et de dissonance étatique jurant avec le pluralisme des médias. Car la TV algérienne est unique et « inique » dans son programme proprement dit ! Malgré les euphémismes et autres leurres concernant la création de nouvelles chaînes TV (thématiques), pour ne pas dire clones, annoncées dans le cadre d'un projet de programme du gouvernement. Le paternalisme audiovisuel est là, présent, impérieux et omnipotent ! Et l'ouverture du champ audiovisuel n'est malheureusement pas une urgence dans l'ordre du jour du gouvernement. Motif invoqué : « La démocratie et l'Etat républicain ne sont pas encore à l'abri. Rien n'est irréversible si l'on ne reste pas vigilant. Tant que l'Etat, convalescent n'a pas suffisamment de garanties, il n'ouvrira pas le secteur à l'investissement privé. » Un couplet que l'on ressort comme argument massue ! A titre d'exemple, une situation surréaliste, voire caricaturale de l'ENTV à propos de l'absence éloquent du discours politique contradictoire. LE NON-SENS Lors des dernières présidentielles, des candidats en lice étaient contraints d'intervenir sur les chaînes TV satellitaires arabes et anglo-saxonnes pour s'exprimer... librement et, ça ne s'invente pas, s'adresser directement aux électeurs algériens. Et ce, faute d'émissions proposant un espace, une tribune et autres joutes oratoires opposant des hommes et des femmes de diverses colorations politiques s'exprimant en toute démocratie à la TV algérienne. Un non-sens ! Et puis, l'ENTV ne donne guère une image de télévision de service public, c'est plutôt « sévice » public, par définition, qui n'est pas haute quant à l'acception sémantique audiovisuelle de service public sous d'autres cieux, et ce, en matière de liberté d'action. L'exemple manifeste est celui de la chaîne britannique BBC, financée exclusivement par la redevance, bien que relevant du secteur public, elle jouit d'une très grande autonomie éditoriale. L'on se souvient du « clash » frontal avec le gouvernement de Tony Blair à l'issue de « l'exagération » (sexed up) de la menace irakienne, les armes de destruction massive et la fameuse affaire du Pr Kelly, ce spécialiste des armes de destruction massive qui avait été retrouvé mort dans un bois près de chez lui quelques jours après son audition par une commission parlementaire. Jerry Timmins, chef régional de la BBC pour l'Afrique et le Moyen-Orient, déclare à propos de la ligne éditoriale de la BBC dans une interview à El Watan : « La charte royale (loi et textes) en vigueur stipule que la BBC doit produire des informations impartiales et objectives. La BBC avait des problèmes à l'issue de cette affaire (Kelly). Parce qu'elle a fait ce qu'elle avait à faire. La BBC a prouvé qu'il n'existait pas d'armes de destruction massive en Irak. Mais le Premier ministre soutenait le contraire. Le gouvernement n'avait pas aimé cela. Mais ce qui est fondamental, c'est que le gouvernement est parti en guerre en Irak en invoquant une raison qui n'existe pas : les armes de destruction massive en Irak. Cela a été prouvé que c'était faux. Et jusqu'à aujourd'hui, on ne cesse de poser cette question au gouvernement et au Premier ministre. C'est le travail de journaliste de poser de telles questions. La BBC a le droit le plus légal et la responsabilité absolue de poser ce genre de questions. Et le public britannique reconnaît cela (cette qualité). Ainsi que la majorité des hommes politiques. C'est pour cela que la charte de la BBC est renouvelée tous les six mois (une caution de confiance). » La clé du déverrouillage de l'audiovisuel réside simplement dans une circulaire lapidaire, comme celle produite par Mouloud Hamrouche en 1990. Pour l'instant, l'ENTV se mire et rime avec désolation !