Le président Bouteflika « est le moins nuisible de ceux qui ont prétendu à la présidence, mais cela ne m'empêche pas de le soutenir dans l'idée de réconciliation nationale ». C'est l'aveu prononcé, sur un ton toutefois souriant, par Ahmed Ben Bella hier à l'hôtel El Aurassi (Alger). Invité du forum du quotidien arabophone El Djazaïr News, l'ancien président de la République fera, par la même occasion, la remarque suivante : « C'est lui (Bouteflika) qui m'a fait rentrer en prison » lors du coup d'Etat du 19 juin 1965. Or, insistera Ben Bella, « si, aujourd'hui, je soutiens le projet de l'amnistie générale, ce n'est pas pour Bouteflika, mais pour le salut de mon pays ». Car, argumentera-t-il, « il faut sortir de la voie de la violence, malgré le fait qu'il y a des gens qui ne veulent pas qu'il y ait des changements ». Ben Bella observera que, par rapport à la tragédie nationale, « personne n'est blanc comme neige », en référence à certains responsables de l'Etat. Car, selon lui, « la crise algérienne n'est pas née du néant » et « il y a des personnes qui veulent torpiller l'initiative de l'amnistie générale ». Une initiative pour laquelle il travaille dans le cadre de la Commission nationale de l'amnistie générale (CNAG) en qualité de président d'honneur. « Des responsables de la CNAG sont partis chez le président de la République et il leur a dit : ‘'Allez voir M. Ben Bella'' », tiendra à relever ce dernier. Pour cela, il dit être en contact avec certains membres de l'ex-Armée islamique du salut (AIS) et des représentants du pouvoir afin de trouver « un traitement à un certain nombre de problèmes en suspens », depuis les accords entrant dans le cadre de la concorde civile. Il avertit que « si des solutions ne sont pas apportées, des repentis peuvent très bien reprendre le chemin des maquis », car, ajoutera-t-il, « des armes sont encore cachées ». Pour étayer cet avertissement, Ben Bella citera l'exemple d'« une trentaine de repentis qui ont été arrêtés lors de barrages routiers et déplacés d'une prison à une autre » et de certains qui « sont toujours au chômage parce qu'ils n'ont pas été réintégrés dans leur ancien poste de travail ». Tout en rappelant l'amélioration de la situation, depuis trois ans, en matière sécuritaire, l'ancien chef de l'Etat admet qu'il y a « des frémissements de l'établissement total de la sécurité ». Avec en plus cette note d'espoir pour le futur : « Si on continue sur cette voie, dans 10 ans le géant de la région (maghrébine) sera l'Algérie. » Interpellé sur la question des archs, Ben Bella avancera, sans hésitation, qu'il y a « des gens qui alimentent cette crise » dont il tient à « dénoncer » les agissements. Une occasion également d'énoncer : « Le FLN est la propriété de tout le peuple algérien et il appartient à celui qui veut créer un parti d'utiliser un autre sigle. » Rattrapant, à sa manière, l'actualité de ces jours-ci, Ben Bella estime : « Si durant l'époque coloniale, on avait Burgeaud comme exemple de propriétaire foncier, aujourd'hui 30 Burgeaud sont nés et veulent créer une sorte de Côte d'Azur à l'algérienne. » Il récusera, également, l'idée selon laquelle l'amnistie générale englobe la question des harkis, des pieds-noirs et des juifs.