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La perle perdue de «la côte du Saphir»
Publié dans El Watan le 24 - 07 - 2007


Tichy (Béjaïa) : De notre envoyé spécial
Travaux par-ci, stationnement anarchique par-là, Tichy se perd dans le désordre ambiant en ce début de la haute saison. Les travaux d'élargissement de la voie publique, qui durent depuis deux ans, rendent la circulation difficile en ces moments de grande affluence. La RN9, qui traverse la ville, connaît une ambiance fébrile. Tout le monde est pénalisé : les commerçants, les hôteliers, les estivants… «J''étais contraint de baisser rideau et de louer de l'autre côté de la rue parce que je n'avais plus de clientèle», lâche un propriétaire d'un taxiphone à la lisière du siège de la daïra. Pour les hôteliers, c'est toute la saison qui est gâchée. C'est l'avis du directeur de l'hôtel Club Alloui, pour lequel le timing est très mal choisi. Vivant au rythme des désagréments quotidiens, les riverains blâment les autorités locales. Du côté des pouvoirs publics, l'explication est simple : pour élargir la route, il fallait toucher à des propriétés privées. Cela nécessite un arrêt d'expropriation. «La procédure a pris plus de temps que prévu à cause de certaines requêtes de particuliers (…)», souligne Nasreddine Guemari, chef de la daïra de Tichy, rassurant au passage que le chantier ne durera pas tout l'été. A ce décor désolant, s'ajoutent les innombrables constructions sans cachet architectural qui amochent le cadre environnant. La densité de l'immobilier fait qu'il serait très difficile d'imaginer des rattrapages à court terme. Des hôtels, des bars-restaurants, des discothèques et d'autres commerces prennent place au bord de la route, altérant le beau paysage qui fait la beauté de Tichy. Le drame urbanistique a atteint le village touristique Capritour. Si la partie appelée Les Amandiers a bien séduit nombre de personnes, l'extension dénommée Les Jasmins n'a pas été au goût des résidents.
Des prix hors de portée
La raison ? Le béton a pris la place de la flore. Cela n'empêche pas néanmoins les amateurs de soirées animées de choisir ce village comme lieu de villégiature. Avec son riche programme d'animation, Capritour capte une clientèle venant des localités limitrophes. A l'intérieur du village, des propriétaires proposent leurs appartements à la location sur des affiches collées aux murs. La demande étant plus forte que l'offre, les prix explosent : un F2 (toutes commodités) à 40 000 DA la semaine. Un F3 à 45 000 DA. Pour les villas, c'est aux alentours de 60 000 DA la semaine. Ce qui est loin d'être à la portée du citoyen au statut social moyen. La location est moins chère en ville. Mais là aussi, les prix n'arrangent pas les bourses moyennes. A titre d'exemple, le prix d'un mois de sous-location d'un F3 — vue sur mer — peut atteindre en haute saison (août) les
90 000 DA.
Cela dit, Tichy compte le plus grand parc hôtelier de Béjaïa. Elle dispose de 14 hôtels de standing variable : de 4 étoiles à zéro étoile, alors que la wilaya de Jijel possède 25 hôtels. L'établissement le plus réputé reste Les Hammadites (étatique). Classé 3 étoiles, cet hôtel construit selon le goût architectural du célébrissime architecte français Fernand Pouillon garde tant bien que mal son standing. Les prix varient entre 3500 DA la nuit selon la chambre choisie (single, double, suite…). Les Hammadites, ouvert en 1972, se distingue aussi par son luxuriant jardin, soigneusement entretenu. Au Club Alloui et Syphax, deux autres hôtels balnéaires, les prix de location oscillent entre 4000 et 6500 DA, en demi-pension.
Les produits proposés aux touristes se ressemblent au détail près : soleil, mer, restauration et animation. Le menu aussi. «Partout, steak frites», pour paraphraser le directeur du tourisme de la wilaya de Béjaïa qui déplore la non-exploitation de notre richesse culinaire. Rares sont les menus où l'on peut trouver par exemple le légendaire couscous qui est bien vendu par nos voisins marocains. La différence entre ces établissements se trouve, peut-être, dans la qualité de l'accueil. Ces hôtels, comme tous les autres, tels que La Grande terrasse, Le Saphir bleu et Villa d'Est… (non balnéaires), font le gros de leur bénéfice durant la période estivale. «La basse saison est morte», telle est la phrase qui revient dans la bouche des gérants d'hôtels rencontrés. Aux yeux des professionnels, 100 jours de plage sont insuffisants pour un pays ensoleillé. Le Maroc arrive à vendre son soleil sur une période allant jusqu'à 6 mois, relève un cadre du secteur.
Déficit
Le chargé de la communication de l'APC de Tichy, Mouloud Mersel, est catégorique : «On ne pourra pas développer le tourisme sur deux mois d'activité.» Il explique que l'APC dépense 8 millions de dinars pour préparer la saison estivale et ne gagne en fin de saison que 2 à 3 millions. Soit un déficit annuel de 5 millions de dinars. Les revenus de la commune couvrent seulement sept mois de salaires des employés. Les cinq mois restants sont pris en charge par la subvention d'équilibre de l'Etat. Même la population de Tichy ne bénéficie pas vraiment de cette activité saisonnière. L'incidence financière est minime. Pour M. Mersel, le problème se situe au niveau politique. «Un tel secteur ne doit pas être régenté par l'administration centrale», estime-t-il, avant d'ajouter sur un air ironique que le ministre du secteur leur avait envoyé une fois une circulaire leur expliquant comment nettoyer les plages. Pour lui, le tourisme ne deviendra jamais un secteur économique rentable si l'on ne laisse pas l'initiative aux autorités locales et à la société civile. Pour rattraper les retards et aller de l'avant, M. Mersel estime qu'il est plus que nécessaire de décentraliser le secteur. «Les idées sont là, dit-il. Il faut doter les communes des moyens nécessaires et leur donner carte blanche.» M. Mersel ne doute pas de la possibilité de développer le tourisme populaire, des montagnes… Mais cela doit, d'après lui, s'inscrire dans une vision globale qui s'appliquera à toute la wilaya.
«Tichy ne pourra pas relancer ses activités touristiques sans un cadre interurbain attractif», soutient-il.


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