« Autant la libération de quatre otages, dont le diplomate onusien, Robert Fowler, détenus par le GSPC au nord du Mali depuis plus de quatre mois, a suscité le soulagement auprès des familles, autant elle a laissé derrière elle des zones d'ombre », selon les observateurs. Jamais une prise d'otages n'a suscité autant d'interrogations que ces deux dernières, menées par deux groupes du GSPC, dont les chefs, Abou Zeïd et Belmokhtar, sont de véritables rivaux qui se disputent un terrain, devenu au fil du temps le théâtre d'enlèvements à répétition, où le gain financier semble prendre le dessus sur la revendication politico-religieuse. Après avoir observé un silence de marbre autour de cette affaire, la présidence malienne a rendu public, mercredi dernier, un communiqué dans lequel elle annonce la libération le jour même « des deux diplomates canadiens, Robert Fowler et Louis Guay, ainsi que de deux touristes, une Allemande, Mariane Petzold, et une Suissesse, Gabriela Greiner, retenus en otages dans la bande saharienne ». La présidence a tenu à « saluer les notables, les élus et les personnes de bonne volonté qui ont contribué à cet heureux dénouement » sans pour autant les citer. Jeudi, seront organisées deux réceptions : la première au profit des deux diplomates canadiens, Robert Fowler et Louis Guay, et la seconde en l'honneur de l'Allemande Marianne Petzold et de la Suissesse, Gabriella Greiner. Les quatre otages ont été accueillis, très tôt dans la matinée à l'aéroport de Bamako, par des représentants maliens et des diplomates de leurs pays respectifs. A cette occasion, ATT a annoncé publiquement que son homologue burkinabé, Blaise Compaoré, « avait participé au dénouement » de cette prise d'otages et à ce titre, il a déclaré : « Je voudrais remercier mon frère Blaise Compaoré, le président du Burkina, qui depuis le début jusqu'à aujourd'hui nous a apporté son soutien. Il a participé au dénouement heureux. » En ne précisant pas le rôle joué par Blaise Compaoré, le président malien laisse ainsi l'opinion publique sur sa faim. Cela d'autant que deux touristes sont encore détenus par le GSPC, au nord du Mali, et leur sort pourrait être lié à « ces efforts de négociation ». Cette libération est, pour beaucoup, un vrai casse-tête. D'abord par l'implication du Burkina Faso, ce pays qui, rappelons-le, avait accueilli, en 1994, les militants du parti dissous et les extrémistes islamistes expulsés de France, après avoir été assignés à résidence. Bon nombre d'entre eux entretiennent des relations avec Belmokhtar, en sa qualité d'ancien militant du parti dissous. Y a-t-il un quelconque lien avec l'affaire des otages ? Nous n'en savons pas grand-chose pour l'instant d'autant que les autorités maliennes sont restées très avares sur le sujet. Le président Amadou Toumani Touré indique juste que « le Canada ne nous a jamais rien demandé. C'est la première fois que ce pays nous dit : nous avons un problème dans la bande sahélo-saharienne. Nous voulons que le Mali s'investisse pour son dénouement. Nous n'avons pas réfléchi une minute. Nous avons dit que si le Canada nous le demande, nous le ferons. Nous le faisons au nom de notre amitié et pour l'ambassadeur Robert Fowler qui, en raison de sa riche expérience, a été envoyé sur notre continent pour aider à la paix ». Il précise que « la question des otages n'était pas le problème du Canada seul, mais aussi de tout le continent africain » avant de remercier Blaise Compaoré, à propos duquel il déclare : « Dès le début de l'affaire, nous avons travaillé ensemble. Nous l'avons informé régulièrement de l'évolution de la situation. Il a soutenu notre action. Je voudrais lui dire merci pour ce qu'il a fait. » Le chef de l'Etat a précisé : « Notre pays est fier d'avoir contribué à la libération des otages. » Des propos évasifs. Mais, ce qui est certain pour des sources au fait de ce dossier, c'est que cette libération n'a pas été faite sans contrepartie. Il est vrai qu'officiellement, Belmokhtar n'a pas demandé de rançon, mais plutôt la libération de deux salafistes, dont l'un de ses proches collaborateurs, arrêtés par les autorités maliennes. Mais, son rival recherchait plutôt l'argent qui lui manque pour asseoir son autorité et son pouvoir sur la zone sahélo-sahélienne. Qu'est-ce qui a poussé Abou Zeïd à accepter de libérer deux otages parmi les quatre qu'il détenait, et Belmokhtar à libérer les deux diplomates qu'il avait repris des mains des contrebandiers ? Est-ce un gage de bonne volonté de la part de Belmokhtar et une manière pour Abou Zeïd de se débarrasser de deux otages âgées (les deux femmes sont âgées de 60 et 77 ans) qui risquaient de succomber aux dures conditions de détention ? Belmokhtar n'aurait jamais « commandité » l'enlèvement des diplomates onusiens, si c'était pour les libérer sans contrepartie, de même qu'Abou Zeïd n'aurait jamais pris le risque de prendre en otage 4 touristes allemands, suisse et britannique, si c'est pour les relâcher après une détention de plusieurs mois sans rien gagner en retour. En fait de nombreuses interrogations restent donc en suspens et les réponses ne peuvent être données que par ceux-là mêmes qui mènent les tractations avec les ravisseurs, à savoir, les notables du nord du Mali.