Une foule de personnes, constamment en mouvement, attend impatiemment l'arrivée des sardiniers. A chaque accostage d'un sardinier, c'est la ruée vers un nouvel «arrivant». Parmi cette foule, l'attention est souvent attirée par cette présence massive de jeunes enfants, véritables intrus en ces lieux réservés normalement aux adultes. Ils sont très jeunes, habillés en haillons, leurs vêtements crasseux sentent de loin l'odeur du poisson pourri. Les uns ont été prématurément éjectés de l'école, les autres sont encore scolarisés. La misère et la pauvreté se lisent dans leur regard. Les yeux enflés par le manque de sommeil, panier en main, ces mioches sont sans cesse à l'affût et sur le qui-vive. Dès qu'un sardinier accoste, c'est l'assaut pour ramasser les quelques poissons oubliés sur le pont du bateau. Les plus familiers, et certains privilégiés, sont autorisés à monter à bord pour extraire la sardine restée accrochée aux filets. Malgré les injures proférées par les «raïs», ces gosses ne désespèrent pas. Ils renouvellent continuellement leurs tentatives et finissent souvent par être compensés. Dans l'immense hangar faisant office de marché de gros des produits halieutiques, ces mômes, les plus costaux, rivalisent tant bien que mal pour prouver leur hardiesse aux mandataires espérant que ces derniers fassent appel à leurs petits bras pour porter les caisses.