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Les routes de la mort
Publié dans El Watan le 27 - 08 - 2007

Car le véhicule est un moyen agréable pour se déplacer sans risques, sans se fatiguer, et en toutes circonstances. L'être humain dispose alors d'un degré de liberté supplémentaire.
Néanmoins, la voiture n'est qu'une machine dénuée d'autonomie et d'intelligence. Elle obéit aux commandes que lui transmet le pilote, alors, si celui-ci est un démon, le deuil plane sur la route. Il faut croire d'ailleurs que les démons de la route sont en grand nombre puisque les victimes de la circulation routière dans notre pays se chiffrent par milliers annuellement. La voiture fait partie d'un système dont les autres éléments sont la route, le conducteur et les services de l'Etat.
La route
La route constitue le support sur lequel se déplace le véhicule. De ce fait, elle doit être sans risque pour les organes du véhicule (suspension, direction,…).
L'idéal est d'avoir une route possédant une surface plane, uniforme et homogène.
La route est composée généralement de plusieurs voies matérialisées par des bandes de peinture qui facilitent le déplacement des files de véhicules. Sur bon nombre de nos routes, la peinture est soit inexistante, soit défraîchie et peu visible. Les nids de poule, aux profondeurs diverses, surgissent brusquement et agissent dangereusement sur les réflexes du conducteur. Il en est de même des plaques en fonte de la Seaal, qui, de toute évidence, ne font pas bon ménage avec le bitume. Les «dos-d'âne» (comparaison inappropriée car cet animal est docile et offre tous les services demandés par le maître), aux dimensions (hauteur, largeur) variables, sont érigés sur les routes sans signalisation de proximité adéquate ; en particulier rien ne les distingue du bitume environnant. Encore une fois, un peu de peinture visible ne leur fera que du bien, autant qu'aux automobilistes. Sur les bordures des chaussée, les bouches d'évacuation des eaux pluviales s'offrent comme des trous béants menaçant d'engloutir les pneus des véhicules qui oseront leur passer dessus. Enfin, l'empilement successif de couches de bitume tend à surélever anormalement la chaussée par rapport au reste (les trottoirs, par exemple).
D'ordinaire, les plaques de signalisation jalonnent le routes. Elles sont placées de façon visible et opportune pour informer et prévenir les conducteurs. Des plaques sont réservées normalement aux vitesses maximales autorisées ; sur nos routes et autoroutes, ces plaques de limitation de vitesses sont inexistantes.
Sur les routes, l'heure est à la vigilance. Mais l'automobiliste isolé et en difficulté a besoin de secours. Aussi, il est bon de réfléchir à la création de centres d'appels dont les numéros seront portés à la connaissance des usagers de la route par des plaques bordant les axes routiers.
L'obscurité nocturne et les pluies abondantes accentuent encore davantage les dangers présentés par toutes ces entraves.
Les conducteurs
Les conducteurs sont des personnes majeures des deux sexes et de tous les âges. Ils diffèrent également par leurs aptitudes physiques (notamment les réflexes et la vue) et leurs niveaux intellectuels. En principe, tous les conducteurs sont titulaires d'un «permis de conduire» et pleinement conscients de la responsabilité qu'ils endossent à l'égard de leurs passages et des autres usagers de la route. Malheureusement, les infractions constatées sur les routes et les dégâts graves causés par les accidents de la route posent la question de l'incapacité de certains conducteurs et de leur inconscience.
Citons pour exemple, sans être exhaustif, quelques entorses graves au code de la route :
– Certains automobilistes adorent coller au pare-choc du véhicule qui les précède pour le contraindre dans la précipitation à les laisser passer. Savent-ils, ces conducteurs, qu'il faut toujours laisser entre deux véhicules consécutifs une distance minimale de sécurité qui dépend de l'état de la route (sèche ou humide), de la vitesse et du temps de réaction du conducteur ?
– Certains automobilistes empruntent sur l'autoroute la file la plus à gauche et changent brutalement de files pour s'engouffrer dans la bretelle de sortie d'autoroute située à leur droite. Savent-ils, ces conducteurs, que lorsqu'on envisage de prendre la bretelle située à droite, il faut emprunter la file de droite ?
– Certains automobilistes doublent à toute vitesse par la droite en empruntant la bande d'arrêt d'urgence. Savent-ils, ces conducteurs, que la «bande d'arrêt d'urgence» est réservée aux automobilistes en difficulté (pannes, malaise,…) ?
– Certains automobilistes préfèrent accélérer lorsque le véhicule qui les précède sur la même file signale son intention de changer de file. Savent-ils, ces conducteurs, que lorsqu'un véhicule signale son intention de changer de file, le véhicule qui les suit doit garder la même allure ?
– Certains automobilistes prennent les virages à gauche en les coupant sans se soucier des véhicules qui viennent dans l'autre sens. Savent-ils, ces conducteurs, que lorsqu'on coupe un virage, on empiète sur la voie réservée aux véhicules venant en sens inverse ?
– Et d'autres.
Cette façon de conduire incite à se poser des questions, notamment sur l'enseignement dispensé dans les «auto-écoles». Aussi, parler des conducteurs de véhicules fait penser aux autos-écoles, ces établissements à vocation commerciale qui ont pour mission l'apprentissage de la conduite aux non-initiés. Tout d'abord, il y a lieu de relever l'exiguïté des locaux servant d'auto-écoles, ce qui ne permet pas d'accueillir plusieurs élèves en même temps pour projecteur de diapositives, par exemple. Ensuite, il y a les compétences pédagogiques de moniteurs d'auto-écoles ; celles-ci sont plutôt modestes pour un grand nombre d'entre eux. Car, il s'agit de trouver les mots justes pour transmettre des connaissances à des personnes ne justifiant pas toutes des mêmes capacités d'assimilation. C'est là un grand problème. Les cours de code par exemple se font selon la méthode traditionnelle : le moniteur déroule des planches (puisées dans un classeur) qu'il commente selon l'humeur du moment ; les notions de mécanique sont tout simplement ignorées.
Il paraît donc indispensable d'introduire des supports pédagogiques modernes (projecteurs de diapositives, par exemple) qui limitent l'intervention du moniteur. Quant aux cours de conduite, les moniteurs rechignent à expliquer, dans le détail, à leurs élèves, les gestes qu'il faut entreprendre. Souvent, il se mettent plutôt à hurler quand une faute est commise.
Aussi, ils préfèrent manipuler eux-mêmes les pédales et le volant, et leurrent leurs stagiaires. Les examens de passage des candidats au permis de conduire ne sont pas exempts de reproches. Les examinateurs ne font pas preuve d'exigence, et laissent passer des candidats dont la maîtrise du véhicule dans les conditions réelles de circulation est plus que douteuse.
L'état
Devant l'hécatombe observée sur nos routes, les lamentations ne régleront rien. Il faut agir en appliquant d'abord des mesures répressives destinées à neutraliser les conducteurs réfractaires qui enfreignent les règles édictées par le code de la route. Si les sanctions prévues par la loi en vigueur s'avèrent improductives, rien n'empêche l'Etat d'envisager l'amendement de la loi dans le sens de son durcissement.
Mais la répression à elle seule ne suffit pas. Il faut aussi envisager des mesures de prévention axées sur l'information du public. L'Etat dispose avec la télévision d'un moyen de communication étendu, présent dans tous les foyers algériens.
Diffuser par ce canal, à des heures de grande écoute, des spots destinés à vulgariser les règles de conduite et du code de la route contribuera à corriger les erreurs de certains, à combler les lacunes des autres, et à améliorer les connaissances de tous. Reste que l'apprentissage du permis de conduire se fait dans les auto-écoles. L'Etat, qui donne les agréments, doit être exigeant et vigilant quant à la formation sérieuse des candidats au permis de conduire. Les locaux destinés à abriter des auto-écoles doivent être spacieux pour contenir un certain nombre d'élèves, et y installer du matériel moderne pour l'enseignement théorique. Les méthodes d'enseignement du permis doivent être rénovées et des stages de formation pédagogique des moniteurs instaurés. Les modalités d'examen de passage sont aussi à revoir ; on ne doit plus se contenter d'un tour de piste et de quelques plaques pour délivrer un permis de conduire.
Le véhicule
Le véhicule est ce moyen inventé par le génie humain pour voyager. Il est conçu pour assurer la sécurité des usagers de la route si le conducteur adopte une conduite conforme au code de la route. Mais le véhicule s'use avec l'usage, et le devoir du propriétaire est de bien réparer l'usure. Ce qui n'est pas toujours le cas, malheureusement. Les indices apparents de cette négligence coupable sont visibles, par exemple, dans les ampoules grillées (clignotant, stop…), et non remplacées, la pression des pneumatiques inadaptée, le mauvaise réglage des feux (code, phare), etc. Il appartient, dans ces cas-là, aux services de la sécurité routière (police, gendarmerie) de sévir pour prévenir le pire. Mais ce n'est pas tout ; quelquefois, face à la cherté de pièces d'origine, il est fait appel aux pièces usagées récupérées «à la cause» ou aux pièces d'origines douteuses dites «Taïwan», ce qui transforme le véhicule en cercueil roulant.
La vie humaine est précieuse et irremplaçable. L'Etat a donc le devoir de faire le maximum pour diminuer de façon durable et significative le nombre d'accidents graves de la circulation dans notre pays. Il en a les moyens et les capacités.
L'Etat doit veiller d'abord à l'entretien des routes sous les aspects. Il doit agir également par la répression, sans distinction, envers les chauffards, et lancer une réforme du permis de conduire. Il y va de la vie de centaines de personnes et de l'avenir de leurs enfants.
L'auteur est : Enseignant à l'université


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