Les conditions météorologiques défavorables et la croissance des superficies cultivées dédiées aux biocarburants font flamber les cours du blé. Vendredi dernier, les 27 kg de blé (un boisseau) livrés en septembre s'échangeaient à 7,2575 dollars sur le Chicago Board Trade, un record. Résultat : en un an, le prix de la céréale a plus que doublé. Des déséquilibres alimentaires mondiaux pointent à l'horizon, surtout que les stocks mondiaux sont à leur plus bas niveau depuis deux décennies. «Les stocks de blé et de maïs sont tombés à 16% de la consommation mondiale», rappelle la Banque mondiale, dans son dernier rapport. Ceux-ci ne peuvent que continuer à décroître, car cette année aussi la production mondiale de céréales ne pourra pas faire face à la demande mondiale, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Pourtant, la production céréalière mondiale de 2007 est en bonne voie pour atteindre un niveau record de 2121 milliards de tonnes, d'après l'estimation publiée en juillet dernier par l'organisation onusienne. Ce chiffre en augmentation par rapport à l'année dernière n'est qu'un trompe-l'œil. En effet, pour la récolte mondiale de blé, le Conseil international des céréales (CIC) a abaissé de 7 millions de tonnes ses attentes, à 607 millions de tonnes. Une météo capricieuse, enregistrée en tout lieu de la planète, a touché les principaux producteurs mondiaux de blé. Les pluies et inondations en Europe de l'Ouest ainsi que l'aridité en Russie et surtout en Ukraine ont été au rendez-vous cette année. Un climat sec est enregistré, ces derniers jours, en Australie et en Argentine, ce qui risque de donner des récoltes moindres. Le Canada s'attend à une réduction de près de 20% par rapport à sa production de 2006, à la suite d'une période de sécheresse en juillet. Aux Etats-Unis, ce sont la pluie et les températures basses qui ont affecté les moissons en retardant les récoltes et en réduisant la qualité du blé. La demande en céréales des pays émergents, la Chine et l'Inde, suite à leur changement d'habitudes alimentaires, s'accroît. «Leurs récoltes sont plus importantes cette année, mais comme ces pays avaient eu des problèmes de production l'année dernière, ils continuent d'importer», souligne Bill Nelson, analyste d'AG Edwards. La FAO pointe le doigt vers les profondes mutations agricoles exercées par le marché des biocarburants. La culture du maïs occupe aujourd'hui environ 70% de la production céréalière. L'engouement mondial pour le bioéthanol a provoqué une envolée du prix du maïs qui se répercute sur les cours des denrées alimentaires. Suite à cette augmentation, de nombreux céréaliers préfèrent désormais se tourner vers les cultures destinées aux biocarburants, plus rentables, au détriment du soja, du blé ou du coton. Ils leur consacrent de plus grandes superficies. Au Mexique, l'envolée des cours du maïs a fait grimper en quelques mois de 40% à 100% le prix de la tortilla, base de l'alimentation de 50 millions de Mexicains. «Les biocarburants ont redéfini les prix agricoles» et devraient dans ce domaine avoir un impact important dans les 4 ou 5 ans à venir, estime Abdolreza Abbassian, de la FAO. La hausse des cours mondiaux des céréales se fera ressentir sur les pays pauvres, en particulier africains, importateurs de produits alimentaires. La FAO annonçait même, en juin, que les pays les plus vulnérables allaient voir leurs dépenses croître de 10%. Il faut encourager la production locale et traditionnelle comme le mil, le sorgho ou le manioc.