Lors de cette rencontre, ces professionnels, massivement présents, n'ont pas fait dans la figuration. Actants et acteurs de l'audiovisuel, ils ont dévoilé la marginalisation, le népotisme et autre opacité des fonds financiers régnant à l'ENTV. Ils ont dénoncé l'ostracisme quant à l'appel à projets pour les productions nationales. Aussi, ont-ils appelé à un plan de relance des activités audiovisuelles et cinématographiques. Pour Sid Ali Fettar et Saïd Mehdaoui, l'ENTV ne reflète pas l'image algérienne. « Il y a urgence », a lancé Boualem Aïssaoui, auteur d'un appel lancé le 23 février dernier pour « un plan de relance de l'activité audiovisuelle et cinématographique ». « Toutes les télévisions du monde fonctionnent avec des appels à projets et que le meilleur projet l'emporte. Les professionnels sont consultés pour la confection des grilles de programmes. Les barèmes ne doivent pas être figés. Ils doivent être réaménagés en fonction de certains paramètres que tout le monde connaît », a-t-il relevé. Les professionnels, selon lui, appellent à l'élaboration d'un accord de partenariat avec la télévision avec des exigences de part et d'autre. « Nous avons observé que le lancement des deux chaînes, Tamazight et Coran, s'est fait sans appel à programmes. Tout se fait dans l'opacité, pour être prudent ! », a-t-il observé. Depuis l'installation du nouveau directeur général de l'ENTV, il n'y a pas eu, selon lui, de consultation organisée avec les partenaires que sont les producteurs et réalisateurs privés. Selon Abderazak Hellal, la commission de lecture des scénarios de l'ENTV est à l'arrêt. D'où l'impossibilité de présenter de nouveaux projets de production. Il a relevé que chaque deux mois, chaque foyer paye 100 DA en droits fixes à l'ENTV à travers la facture de Sonelgaz. « Multiplier 600 DA par le nombre de compteurs d'électricité payés chaque année et faites vos calculs sur l'importance de ces ressources. Où va cet argent ? Et quelle en est la somme ? Et je ne parle pas de l'argent de la publicité ! », a appuyé Abderazak Hellal. Lamine Merbah a remarqué que le citoyen contribuable est en droit d'exiger des comptes à la Télévision publique. « Une télévision dans laquelle, il ne se retrouve pas. Il préfère zapper sur d'autres chaînes », a-t-il observé. La télévision, selon Abdelnour Chelouche, ne peut être dirigée selon l'humeur d'un seul homme. Selon lui, le gouvernement qui monopolise le secteur audiovisuel doit veiller à nommer des responsables capables de relancer le secteur. Abdelnour Chelouche a critiqué la fondation du Fennec d'or dont il était l'un des fondateurs. « Je me suis retiré après la quatrième édition parce que j'ai constaté que c'était une affaire matérielle. L'intérêt pour la production nationale passait au second plan », a-t-il déclaré. Youssef Hami, qui a produit le feuilleton algéro-syrien Indama tatamaradou el akhlaq (Quand la morale se rebelle), a regretté les critiques qui ont suivi l'attribution de plusieurs distinctions à cette production lors de la cérémonie des Fennecs d'or (organisée jeudi 23 avril 2009). « Pourquoi rien n'a été dit l'année écoulée lorsque des prix ont été attribués à des Français lors des Fennecs d'or ? Et pourquoi, on ne salue pas le talent de la jeune scénariste algérienne qui assure 30 épisodes de 52 minutes de ce feuilleton ? », s'est-interrogé le responsable de Atlas Production. La production algérienne est, selon Mohamed Houidhek, complètement marginalisée à l'ENTV. « La personnalité algérienne est absente dans cette télévision. Quand on regarde les programmes de la télévision syrienne ou marocaine, on retrouve la personnalité syrienne et marocaine », a-t-il remarqué citant l'exemple de la chaîne marocaine 2M. « Quand le producteur ou le créateur n'est pas maître dans son pays, où le sera-t-il ? », s'est-il interrogé en évoquant ceux qui ont réussi ailleurs comme Merzak Allouache. Il a rappelé que l'actrice syrienne Mouna Wassef a été honorée en Algérie à cinq reprises alors que plusieurs cinéastes algériens ne l'ont jamais été dans leur pays. « Quel est le taux de l'image algérienne que l'Algérien moyen regarde par jour ? Combien de minutes l'Algérien regarde son image ? », s'est interrogé, de son côté, Saïd Mehdaoui. « Chez nous, il ne suffit pas d'avoir les critères réels artistiques et techniques pour produire des films ou des documentaires. Il faut avoir d'autres critères... Certains, du jour au lendemain, se sont érigés en réalisateurs et sont même devenus des références », a-t-il dénoncé. Mohamed Houidhek a regretté l'absence à la réunion de certains cinéastes comme Sid Ali Mazif, Rabah Laradji ou Mohamed Chouikh. « Il faut qu'on se retrouve et qu'on parle d'une seule voix. Il est devenu impératif d'avoir une organisation commune aux réalisateurs et producteurs », a proposé Mohamed Houidhek. Benamar Bakhti est allé dans le même sens, regrettant que les professionnels n'aient pas su saisir l'occasion pour se regrouper et défendre leurs droits. « Il n'y a pas de suivi. Souvent, les intérêts personnels priment. Et voilà, où on en est arrivés ! Chacun veut avoir des relations personnelles avec les décideurs », a-t-il noté. Benamar Bakhti a relevé que l'opacité totale entoure la commission de lecture de textes de l'ENTV. « C'est une commission consultative qui donne son point de vue, mais elle n'a pas le droit de décider sur un projet », a-t-il noté. Il a dénoncé « le monopole » exercé par « des illustres inconnus » sur la production à la télévision. Le progrès ne sera possible, d'après lui, qu'avec la transparence dans les rapports entre la télévision, les producteurs et réalisateurs. Selon Abderazak Hellal, la réglementation qui régente l'activité des sociétés de production audiovisuelle privée est claire et floue à la fois. « Dès que vous ouvrez une boîte de production, vous êtes tenus de payer les impôts », a-t-il observé. Boualem Aïssaoui a rappelé que les professionnels n'ont pas cessé ces dernières années d'interpeller les responsables sur la situation du secteur audiovisuel. « Nous avons apporté des contributions, certaines ont été prises en charge, d'autres non », a-t-il souligné. La réunion d'hier se veut être la continuité de celle du 23 mars dernier après laquelle dix propositions ont été faites et remises aux autorités et aux six candidats à l'élection présidentielle du 9 avril 2009. Il s'agit, entre autres, d'organiser les assises du cinéma et de l'audiovisuel, d'édifier une cité du cinéma et de l'audiovisuel, de réaménager le cahier des charges de l'ENTV en vue d'augmenter la part des producteurs privés dans la grille des programmes, de garantir la pérennité de la contribution de l'Etat au Fonds d'aide à la production cinématographique (FDATIC) et de créer un forum des producteurs.