Ce n'est pas une utopie. Un seul chiffre prouve que le miel pourrait être un des premiers produits d'exportation du pays : l'apiculture est possible dans 43 des 48 wilayas. Et les professionnels du secteur qui exposent à partir d'aujourd'hui et ce jusqu'au 14 novembre à la coopérative de Gué de Constantine vous le diront, des climats différents, des espèces florales à foison, des abeilles vaillantes, la nature a réuni ce qu'elle a de meilleur. De tous les pays de l'Union arabe des apiculteurs, qui se réunit du 21 au 25 novembre à Tripoli, l'Algérie est d'ailleurs le plus important producteur. Malheureusement, plusieurs obstacles empêchent le miel local de partir à l'assaut du marché international. – Les pesticides sont souvent épandus n'importe comment – «C'est le plus grand fléau après les maladies, surtout quand ils sont appliqués par des grands atomiseurs tractés, souligne Mahmoud Lekhal, président de la Fédération nationale des apiculteurs. Les agriculteurs font parfois des traitements sur les arbres fruitiers en pleine floraison ! Non seulement c'est interdit, car nocif pour le fruit dans lequel on retrouve le goût du pesticide, mais ça tue les abeilles. Certaines meurent sur la plante. D'autres arrivent à regagner la ruche et à contaminer les larves. Résultat : tout le couvain est massacré.» – Le miel frelaté et le miel d'importation de mauvaise qualité polluent le marché – «On sait qu'un réseau organisé fabrique du miel frelaté et le vend à la criée ou de porte-à-porte, à environ 1000 DA les 3 kilos, confie Mahmoud Lekhal. Dans des bocaux opaques, ils mélangent 200 g de miel et 800 g de sirop de sucre qu'ils fabriquent eux-mêmes.» Autre problème : depuis une dizaine d'années, des importateurs ramènent du miel bas de gamme d'origine douteuse. «Le phénomène s'est accentué car, entre 2000 et 2005, le secteur s'est concentré sur la production d'abeilles. Mais le consommateur algérien a exprimé une demande de plus en plus forte : le miel local n'étant pas disponible sur le marché, des opportunistes ont profité de l'occasion pour ramener du Granga de San Francisco, du miel grec, turc ou chinois.» – Les incendies de forêt dévastent la flore et la faune – Suite aux incendies de cet été, les apiculteurs ont perdu des milliers d'hectares. Car les flammes ne ravagent pas seulement les ruches placées dans la forêt. Elles détruisent aussi la flore que les abeilles butinent et tous les essaims sauvages qui logent dans les troncs, les rochers… Or, c'est à partir de ces essaims que les apiculteurs procèdent aux hybridations d'espèces. – Les traitements sont livrés trop tard – «Les apiculteurs ont besoin de traiter deux fois par an : en février/mars et en septembre/octobre, explique-t-il. Or, si les traitements sont aujourd'hui bien maîtrisés, encore faut-il qu'ils nous parviennent à temps, car nous les importons. Et les importateurs, pour diverses raisons, nous livrent en général trop tard.» Par ailleurs, beaucoup d'apiculteurs n'ont pas les moyens d'acheter les produits, vendus très chers. – Les techniques modernes ne sont pas développées faute de moyens – Les apiculteurs effectuent en moyenne une récolte par an, alors qu'ils pourraient en faire jusqu'à sept, en pratiquant la transhumance. C'est-à-dire en transportant les ruches dans des zones – parfois à 500 km – où la floraison intervient à des époques différentes. «Le Plan national de développement agricole a soutenu le matériel, mais n'a pas subventionné le moyen de transport, note Mahmoud Lekhal. Pour la plupart des apiculteurs, impossible donc de développer la transhumance.» – Il manque un réseau de commercialisation – L'apiculteur ne peut à la fois produire et commercialiser ses produits : il aurait besoin d'une structure qui prend en charge la collecte, l'analyse puis la distribution. «A l'image de France Miel, nous essayons de lancer avec plusieurs apiculteurs une coopérative Algérie Miel, précise l'apiculteur, mais elle n'en est encore qu'au stade embryonnaire.» – La fiscalité étouffe les apiculteurs – «Il faut changer le régime fiscal. L'apiculteur est un agriculteur. Or, il est taxé comme un commerçant, ce n'est pas normal. Il faut laisser aux jeunes le temps de s'installer au moins cinq ans», demande le président. Certes, l'investissement de départ est minime – entre 50 000 et 70 000 DA pour 10 ruches et les accessoires – mais une ruche ne produit que l'année d'après. «Le secteur mérite qu'on prenne ces éléments en compte, car il crée de l'emploi. Un apiculteur qui s'installe tout seul a besoin d'un assistant dès l'année qui suit.» – Carrefour des apiculteurs, du 7 au 14 novembre, à la coopérative apicole de Gué de Constantine, Alger. De 8h à 17h, entrée libre.