Aussi différents que sont les festivals de Thessalonique en Grèce et de Rotterdam aux Pays-Bas, il n'en demeure pas moins, comme on l'a souvent vu ces dernières années, que l'on retrouve la même attitude très rigoureuse et très anticonformiste dans leur programmation, leur fonctionnement et même leur fréquentation. Pas de célébration ad nauseam des stars d'Hollywood comme à Rome récemment. Pas de coups médiatiques dérisoires et convenus. Mais une attirance commune vers les œuvres significatives, vers les auteurs qui ont une haute vision du cinéma. Souvent à Rotterdam, on ressort quelques auteurs classiques perdus de vue. Cette année à Thessalonique, il y a le chapitre fort passionnant de Mikio Naruse, un auteur qui incarne le mieux la beauté du cinéma classique nippon, avec Ozu, Kinoshita, Mizogushi, Kurozawa. Voilà une occasion unique de revoir à Thessalonique les chefs d'œuvres comme Les Derniers chrysanthèmes (1953) ou Nuages flottants (1955). Sans pathos, en noir et blanc et très peu de dialogues, entre mélodrames et forts caractères, les films de Mikio Naruse se passent dans les bas-fonds de Tokyo, dans les bars glauques et les maisons de geishas. Son actrice fétiche, la remarquable Hidéko Takamine, est toujours filmée dans le rôle d'une femme-courage qui se bat contre l'intolérance, la jalousie, l'égoïsme de son entourage. Très attendue aussi, la rétrospective William Klein, synthèse parfaite entre cinéma et portraits photographiques. Voir ses films sur Cassius Clay et sur la tragique et brève aventure des Black Panthers (le cinéaste avait filmé à Alger la vie en désordre de Cleaver et de sa femme Kathleen). La grande vitalité retrouvée du cinéma grec, aujourd'hui présent dans tous les grands festivals, s'annonce à Thessalonique avec une sélection de 16 œuvres (2006-2007) où se côtoient les mises en scène de Costas Skifas, Konstantina Voulgaris, Nikolas Dimitropolos, Stavros Stangos…Une autre section grecque est consacrée au «film noir». A quoi s'ajouteront les hommages à Nikos Nikolaidis et à Nikos Kazantsakis, pour les films adaptés de ses romans : La Dernière Tentation du Christ de Martin Scorsese, Celui qui doit mourir de Jules Dassin et Alexis Zorba de Michalis Kakogiannis. Mais qui pourra voir tous les 280 films au programme ? Un choix s'impose avec une priorité pour les médias, les 16 films, premières et secondes œuvres, choisies pour la compétition officielle qui viennent de Chine, de l'Inde, du Mexique, d'Estonie, de Grèce… Sous la présidence de Georges Corraface et la direction de Despina Mouzaki, le festival de Thessalonique est une institution qui marche.