Sous les trombes d'eau, Salonique avait retrouvé sa belle allure de capitale grecque du cinéma, en hissant d'abord le pavillon national avec la très complète rétrospective de Nikos Papatakis, artiste combien proche de l'Algérie, signataire du fameux manifeste des 121 contre la politique coloniale française et filmant dans Opéra Mundi les épisodes tragiques de la répression. Plusieurs temps forts aussi avec la rétrospective de Hou Hsia Hsien, cinéaste taiwanais et non des moindres, dont les œuvres laissent chaque fois de vifs souvenirs. Sans compter la présentation du cinéma mexicain au pluriel (Emilio Fernandez, Guillerno del Toro, Paul Leduc, Félipe Cazals, entre autres). Dix-huit films brassant une période de 50 ans de production. Films patriotiques (Viva Zapata), comédies et mélodrames, documentaires historiques (Reed, Mexico insurgente) et jusqu'au très classique Los Olvidados (Luis Bunuel), c'est toute la richesse et la confusion du cinéma du Mexique qui s'affichaient avec éclat au festival de Salonique. On avait craint qu'avec la nouvelle organisation, le festival de Salonique allait se replier sur lui-même et se limiter au cinéma grec et de la région. Au contraire, la toute nouvelle directrice Despina Mouzaki s'est bien tirée d'affaire. Elle a hissé les voiles au vent qui soufflait pendant plusieurs jours en tempête et conduit le festival sur les rivages les plus lointains : Chine, Iran, Amérique centrale, Corée du Sud, Palestine… La jeunesse grecque bruyante et enthousiaste – il y a 50 000 étudiants à l'université de Salonique – constituait le plus fort contingent des spectateurs et avait accès libre à toutes les salles. Ruée donc sur le travail de l'habile directeur-photo Vittorio Storaro, dont on pouvait voir aussi bien Apocalypse Now, en présence de Francis Ford Coppola que le film de Rachid Benhadj, Mirka, joué par Vanessa Redgrave et Gérard Depardieu. Le cinéaste, doublé d'un brillant dramaturge, Patrice Chérou, était aussi à Salonique au premier plan avec tous ses films y compris son dernier Gabrielle, finalement mis en scène. La délicate et voluptueuse Emmanuelle Béart était pour sa part seulement sur l'écran dans L'Enfer, filmé par le Bosniaque Danis Tanovic, une œuvre frémissante et tragique dans l'esprit du célèbre metteur en scène Krysztof Kieslorski, très tôt disparu, et qui avait le projet de boucler un cycle adossé aux écrits de Dante. De son côté, le cinéaste palestinien Rachid Mashrawi présentait l'Attente, sur un sujet qui lui tenait à cœur : la situation des camps de réfugiés, une œuvre sérieuse, très soutenue à Salonique lors de ses projections. Alors que le centre du cinéma grec attirait l'attention des médias internationaux en fournissant une documentation richement éditée et en présentant 21 longs métrages fiction, 6 documentaires et une série de courts métrages, 2 excellentes œuvres grecques participaient à la compétition : Kinetea de Yorgos Lantinos et Douce Mémoire de Kiriakos Katzourakis. En dépit des difficultés financières, car les jeunes olympiques coûtent très cher au pays, le cinéma grec fait preuve de dynamisme en comptant plus sur le secteur privé, la coproduction européenne que sur l'argent de l'Etat. Dans cet esprit, des changements radicaux sont en cours concernant la production. Le festival de Salonique mettait cette année un point d'honneur à aider les cinéastes en Grèce et à soutenir aussi les projets apportés par les réalisateurs de la région des Balkans. Dans le port de Salonique, siège épatant du festival à faire pâmer Cannes et sa Croisette, flottent des tankers géants et de hauts navires de croisière, alors que des légions de cinéphiles s'adonnent aux plaisirs de mille images.