Le récent ouvrage collectif Elites algériennes, Histoire et conscience de caste, dirigé par M. L. Maougal et S. N. Boudiaf, sorti en juin des éditions APIC, est présenté comme acte d'un ensemble de recherches « autour de notre patrimoine aussi bien historique qu'intellectuel ; aussi bien matériel qu'immatériel ». Les auteurs (dont aussi Aïcha Kassoul, Malika Kebas et Thanina Maougal) tentent d'y établir une synthèse. « Des guerres puniques aux guérillas islamiques », autour de la question fondamentale de l'existence ou de l'inexistence des élites dans la réalité sociologique algérienne. Trop vaste programme à collationner en 200 pages estimeront, à juste raison, certains lecteurs avertis du grave déficit de la recherche académique sur ce terrain de recherche. En particulier dans ses expressions des deux dernières décennies : exode exsangue des formateurs et diplômés de l'université ; terreur islamiste sur l'espace public ; maintien du monopole d'Etat sur les canaux décisifs de communication avec la société (télé, radio, ressources matérielles de recherche), émergence brutale de standards néolibéraux s'imposant par de mirifiques gratifications d'argent aux yeux des élites, etc. Sentiers battus Notons au crédit de cet ouvrage cependant de relancer, dans cette conjoncture où les consciences semblent s'assoupir comme tétanisées par les fulgurants bouleversements de la société, des questionnements sur le travail des intellectuels. Le document vient enrichir en particulier les travaux menés dans le domaine par Djeghloul, El Kenz, Tlemçani, Djabi, Arous et Smati. Les auteurs le proposent comme « contribution à sortir la culture algérienne de ses faux débats pour lui faire prendre d'autres chemins que ceux que tentent de lui imposer aujourd'hui des institutions dont le but premier est d'effacer l'esprit de résistance et de militance qui oblige à révéler les distorsions et les impostures diverses devenues monnaie courante dans les pratiques d'institutions en dérive ». On fonde le vœu que ce document, porté par un esprit critique aiguisé et de solides préoccupations d'intervention sociale, suscite émulation et questionnements en particulier à l'université pour de fécondes recherches empiriques sur les productions, trajectoires et postures des élites algériennes d'aujourd'hui, d'ici ou d'exil.