Débat n Mohamed-Lakhdar Maougal, universitaire et auteur de plusieurs ouvrages critiques, était, dimanche, l?invité du café philosophique qui s?est tenu à la Bibliothèque nationale. Lors de cette rencontre, l?intervenant a présenté l?ouvrage collectif Elites algériennes, histoire et conscience de caste qu?il a dirigé et paru aux Editions Apic. Il commence d?abord son intervention par expliquer les motivations qui l?ont poussé à se pencher sur la question. «C?est d?un point de vue institutionnel que j?ai entamé ce travail, explique-t-il, et ce afin de sortir la culture algérienne de ses faux débats pour lui faire prendre d?autres chemins que ceux que tentent de lui imposer aujourd?hui des institutions dont le but premier est d?effacer l?esprit de résistance et de militantisme qui oblige à révéler les distorsions et les impostures diverses devenues monnaie courante dans les pratiques d?institutions en dérives.» «Y a-t-il une élite ? ou des élites ? en Algérie ?» s?interroge-t-il. D?abord une élite ne veut pas dire une nomenclature d?intellectuels. C?est plus que cela. Il s?agit d?un creuset de personnes conscientes du présent et qui interpellent et interrogent le vécu, c?est-à-dire des producteurs de discours et des artisans d?idées. «La société algérienne était en ébullition dans les années 1990», dit-il. Et d?ajouter : «Il y avait autant d?idées et d?opinions qui circulaient et se confrontaient. Cela a amené à refondre la société tout entière.» Ainsi, un projet de société se profilait et il fallait, en conséquence, le caractériser. «Ce mouvement ? l?islamisme ? était-il vraiment une élite ?, se demande M. Maougal, puisque, ces partisans véhiculaient un ordre vieux de plusieurs siècles, celui de Ibn Taymiya.» D?où les interrogations : «Peut-on constituer une élite qui a le pouvoir de bouleverser la société avec des idées révolues, avec un savoir archaïque ? D?où viennent ces élites qui émergeaient ? Qui dirige ? Qui pense ?» M. Maougal précise que l?élite ne peut être constituée par des personnes qui n?ont aucune formation et aucune culture. C?est-à-dire des personnes qui ne s?inscrivent pas dans la modernité. Il oppose ainsi l'islamisme au modernisme. Il explique, par ailleurs, que l?Algérie n?a pas de mouvement élitiste. Car en se tournant vers l?Histoire, en la saisissant et en l?interrogeant, il regrette que l?Algérie n?ait pas connu vraiment d?élites. Les intellectuels qui émergeaient étaient circonscrits dans un cadre contraignant ce qui empêchait les élites d?évoluer, de trouver une synergie à leur action combative et réformiste et de se régénérer. Il illustre sa pensée avec le cas de l?Emir Abdelkader qui a constitué un Etat, mais qui était, selon lui, basé sur un savoir archaïque et qui ne répondait nullement aux exigences du moment, d?où sa défaite face à l?envahisseur. Des élites se sont certes constituées en Algérie, et cela dans des situations de crise, mais cela n?est pas suffisant, car elles ne se sont pas donné les moyens de perdurer et de se renouveler. L?Etat, au lendemain de l?indépendance, n?a pas nourri le souci de s?investir dans l?intellectuel. Ses prérogatives étaient de créer des cadres et non pas des élites, et cela pour pouvoir gérer la société et lui imposer son ordre. Ainsi, les élites du mouvement national qui étaient actives se sont-elles étiolées après l?indépendance. La question qui se pose aujourd?hui est de savoir s?il y a un espoir pour que naissent des élites en Algérie ?