Le seul vote auquel je voulais participer depuis 1997 et cela dans le but de m'opposer à l'appel au boycott du mouvement sectaire des aârouch piloté par le pouvoir, est celui de 2002. Les bombes lacrymogènes m'en ont empêché. Je sais que beaucoup de mes concitoyens ont émis le vœu de me voir présider aux destinées de notre commune. Ceci n'est pas un acte fantAIsiste Et justement, une des raisons qui font que je rechigne à me présenter aux suffrages est que le destin d'une commune, sous le régime jacobin qui dispose à sa guise de notre pays depuis son indépendance, est tributaire du bon vouloir de ceux qui détiennent le pouvoir central. Tout le monde sait que la seule alternative qui reste à l'élu est de dilapider les deniers publics ou de démissionner, cette dernière option étant, il faut le dire, très peu pratiquée. Il n'y a qu'à se référer à la chronique judiciaire pour se rendre compte à quel point nos élus s'occupent bien de leurs… poches. Je voudrais m'étaler un peu plus sur les raisons qui font que je ne peux être électeur et encore moins candidat à une quelconque élection. Même si en tant que démocrate convaincu, je me dois d'affirmer mon algérianité par l'acte civique de voter, je ne me sens pourtant pas moins Algérien que n'importe quel Algérien qui se rend aux urnes. Pour moi, c'est aussi un acte citoyen de rejeter toute élection organisée par un pouvoir illégitime. C'est une manière d'exprimer mon refus de lui donner une caution quelconque pour continuer à massacrer notre pays. La large abstention du peuple algérien lors des élections législatives du 17 mai passé n'est pas un acte fantaisiste, c'est un désaveu cinglant à l'égard de ceux qui le gouvernent : c'est une forme de résistance pacifique et toute tentative de lui donner une quelconque autre signification sera pure hypocrisie. Les Algériens doivent confirmer leur maturité politique en boycottant encore une fois les urnes le 029 novembre pour prouver à ceux qui ont ruiné le pays ainsi qu'aux partis politiques qui s'en rendent complices, que le 17 mai, ils savaient ce qu'ils faisaient. D'autant plus que les raisons qui nous ont amené à bouder les urnes en masse sont toujours d'actualité et même exacerbées pour certaines d'entre elles. Au moment où le pouvoir d'achat des citoyens honnêtes va decrescendo, le pouvoir politique, lui, installe des mécanismes qui permettent à une poignée de mafieux de voir leurs dividendes aller crescendo. Le fossé ne s'est jamais autant élargi entre la clientèle du régime et le peuple. Des soulèvements de la faim se produisent un peu partout sur le territoire national. Le chômage enfle et la précarisation de l'emploi jette de plus en plus de travailleurs à la rue devenant inexorablement la proie de la dépression nerveuse et du suicide. J'invite mes concitoyens à lire les communications présentées lors des débats d'EI Watan du jeudi 15 novembre par MM. Ben Bitour et Goumeziane, publiées dans les livraisons d'El Watan du samedi et dimanche passés, à propos de la situation économique de notre pays. Leurs analyses pertinentes font froid dans le dos. Elles prédisent pour notre pays un avenir douloureux à cause d'une gouvernance à caractère mercantiliste qui a déjà valu à d'autres pays, l'Espagne, le Portugal et l'Italie, en l'occurrence, de se retrouver à la traîne après la révolution scientifique des XVlle et XVIIIe siècles qu'ils avaient ratés parce qu'ils croyaient être à l'abri du besoin, nantis qu'ils étaient, des trésors amassés lors de leurs expéditions aux Amériques. Mr Benbitour, connu pouratant pour sa sagesse et son caractère pondéré, ne propose pas moins que de changer de régime. A ses yeux, c'est la condition sine qua non pour que l'Algérie puisse éviter le fiasco auquel sont en train de la mener ses dirigeants actuels qui, au lieu de redistribuer les dividendes du pétrole, comme l'a souligné M. Hadj Nacer, ex-directeur de la Banque d'Algérie, lors d'un autre forum d'El Watan, se complaisent dans la distribution de celles-ci, transformant au passage les Algériens en quémandeurs. Le ministère de la Solidarité nationale distribue l'argent du peuple à ceux qui font allégeance aux tenants du pouvoir, au prorata du nombre de courbettes. Malheureusement, les Algériens, y compris ceux qui ne sont pas vraiment dans le besoin, ont de plus en plus tendance à élargir le cercle des quémandeurs. Dans ces conditions, aller voter, c'est donner un blanc -seing au régime qui nous mènera, à Dieu ne plaise, droit au mur. Sur un autre plan, autrement plus symptomatique de la déliquescence de notre système des valeurs et plus pernicieux à long terme, le secteur de l'éducation est en train de transformer la société algérienne, via les contingents d'analphabètes trilingues qu'il produit, en un conglomérat d'individus auxquels on a inculqué l'idée que la débrouillardise à valeur de doctorat d'Etat. Les docteurs d'Etat, eux, n'ont qu'à s'exiler pour exercer leur talent. Après avoir cru que nous nous étions débarrassés de la réforme scolaire de 1976 qui s'est appuyée sur la pédagogie du réflexe conditionné expérimentée dans des écoles spécialisées, financées par les industriels américains et destinées aux débiles mentaux, ne voilà-t-il pas qu'on nous ramène encore une fois d'Amérique, une nouvelle approche pédagogique appelée «approche par compétences» pour adapter l'école algérienne aux exigences du marché. Que peut un simple élu ? En l'expurgeant de l'enseignement des savoirs et en orientant sa pédagogie sur l'apprentissage des compétences, l'école algérienne va peut-être produire une main-d'œuvre qualifiée, mais elle fournira, à terme, aux pays sous-développés des intellectuels inaptes à le hisser à l'indépendance que nous souhaitons. Dans ces conditions, aller voter, c'est aider ce régime à se maintenir en place pour faire de nos enfants des esclaves des temps modernes. D'aucuns parmi les partis politiques nous expliquent leur participation par le fait que les élections locales permettront de placer des hommes à proximité des citoyens dont ils connaîtront plus facilement les besoins qu'ils s'efforceront de satisfaire et limiter un tant soit peu les méfaits de ce régime. Soit. Mais alors, feignent-ils d'oublier que nous sommes sous état d'urgence ? Que le P/APC ou même le président d'APW n'ont que la marge de manœuvre de distribuer les aides sociales ? Un simple secrétaire général d'APC possède plus de prérogatives que le P/APC lui-même. Il m'est arrivé d'assister à un savonnage en règle d'un P/APC par un secrétaire général de daïra sans que l'édile daigne lever les yeux. Que peut un simple élu devant un chef de daïra ou un wali ? C'est tout juste s'il peut solliciter une entrevue avec eux plus facilement qu'un simple citoyen. De plus, que ne nous a-t-on pas rabâché, maintes et maintes fois, particulièrement les partis supposés d'opposition, pour justifier leur participation, qu'ils proposaient des hommes intègres et honnêtes prêts à se sacrifier pour le bien de leurs électeurs et qui allaient par leur simple présence empêcher les «mafieux» de prendre les rênes des localités ? Nous les avons vus à l'œuvre. Il est vrai qu'ils ont empêché les «mafieux» de voler les deniers publics, ils les ont dilapidés eux-mêmes. Alors, dans ces conditions, aller voter, c'est élire des hommes qui vont permettre au régime de se perpétuer. Pour ma part, je ne voterai plus jamais tant que le régime qui préside aux destinées de notre pays reste en place. Je suis persuadé que la résistance pacifique par le refus de se rendre aux urnes va ébranler ce régime qui finira par céder sa place à un autre plus démocratique et plus soucieux des intérêts de l'Algérie et du bien-être des Algériens.