Il ne se passe pas une semaine sans qu'éclatent ça ou là des mouvements de protestation avec, comme mesure d'accompagnement, la fermeture de routes ou la dégradation de biens publics et parfois privés. Inondations, effondrements, accidents de la circulation, pénurie d'eau, de gaz ou d'électricité, affichage de liste des logements, discrimination quelconque… et c'est l'émeute. Les routes sont barrées avec des pierres, des troncs d'arbres et des pneus enflammés. Les autorités autrefois sensibles à cette forme de contestation ne s'émeuvent plus et banalisent les incidents. Si les protestataires ne font pas preuve de bonne volonté, on envoie la troupe et s'ensuit une riposte musclée avec matraquage, gaz lacrymogènes, interpellation et mise à l'écrou. Le 21 avril, au lendemain de l'investiture de Bouteflika, la population des quartiers de Dréan, de Chbaïta, de Besbès, de Chihani et de Chatt se soulevait et barrait les routes, toutes les routes de cette région parmi lesquelles celles, névralgiques, qui mènent de Annaba à Tunis, El Kala, El Tarf, Guelma, Souk-Ahras et Tébessa. Des édifices publics ont été la cible des protestataires, comme le commissariat de Chbaïta. Motif principal : le chômage et le favoritisme dans l'octroi des postes de travail créés parcimonieusement par les entreprises présentées comme étant pourvoyeuses d'emplois comme la japonaise Cojaal qui construit l'autoroute. Jamais les émeutes n'avaient pris une telle ampleur et on a craint le pire. C'est-à-dire l'étincelle de cette explosion sociale annoncée çà et là. Dans la même zone de la wilaya, un mois auparavant pendant la campagne électorale, la population se soulevait aussi et barrait les mêmes routes pour protester, parce qu'on étalait vite et bien de l'asphalte frais sur l'itinéraire que devait emprunter Abdelaziz Belkhadem en campagne pour Bouteflika. On a encore donné de la troupe et mis la ville de Dréan sous haute surveillance policière. A la mi-janvier, spontanément et sans concertation, la population de Chatt, Ben Mhidi et Aïn El Assel se révoltait et coupait la circulation pour protester contre l'absence de l'Etat et des secours lors des inondations de cette période. Les inondations ont également fait sortir de chez eux les habitants du camp de faucheurs à El Kala, Ach Lahmar de Aîn El Assel. A Kbouda, où se trouve la base vie de Cojaal, la RN 44, artère vitale de la wilaya d'El Tarf est fermée à la circulation presque une fois par mois. Motif : l'emploi et le chômage. Les émeutes cycliques sont de plus en plus violentes. Il y a eu des blessés dans les deux camps dont certains ont été atteints par balle. Autre fait qui mérite d'être souligné, lors de ces manifestations, des casseurs mais aussi des voleurs et des racketteurs se sont mêlés aux protestataires. Avec l'assentiment presque coupable de ces derniers qui craignent de s'opposer aux voyous. Des automobilistes qui ont cherché à franchir en ont fait les frais. Ils ont été menacés et détroussés. El Tarf est régulièrement secouée par les émeutes au point où on ne s'en offusque même plus. Pourquoi dans cette wilaya plus que partout ailleurs et plus encore dans sa partie occidentale ? C'est un signe qui mérite qu'on s'y intéresse. Dréan, Besbès, Chihani, Chbaïta, Ben Mhidi, Chatt constituent la ceinture de la métropole annabie. Autrefois, cette zone, où se trouve Besbès qui a été la commune française la plus riche pendant la colonisation, et où les cultures industrielles étaient florissantes, servait aussi de cités-dortoir à cette partie du pays où ont été implantés de grands complexes industriels. Aujourd'hui, on produit des céréales dans les périmètres irrigués et le fleuron de l'industrie algérienne est passé aux mains d'étrangers avec à la clé le dégraissement drastiques des effectifs. Officiellement le chômage est de 17% dans la wilaya, mais on est loin de la réalité.