Le signal a été donné les mercredi et jeudi derniers dans la commune de Darguina, wilaya de Béjaïa. Le blocage des routes et la fermeture des sièges APC, devenus ces derniers mois l'ultime recours des citoyens dans leur quête d'un meilleur cadre de vie, ne laissent plus indifférentes les autorités de l'Etat même si la réponse n'est pas celle attendue. Le recours systématique à la rue, à défaut d'un dialogue avec les élus et la société, n'est en fait que la partie visible d'un profond malaise social. Le signal a été donné les mercredi et jeudi derniers dans la commune de Darguina, à 50 kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Béjaïa Les habitants de Tadargount, qui ont procédé au blocage de la RN 9, mercredi dernier dès le petit matin afin de dénoncer l'insuffisance en eau potable, ont été surpris par l'intervention des forces de sécurité. La colère des habitants de ce village trouve sa raison d'être dans l'absence de réponse concrète aux nombreuses doléances formulées auprès des autorités concernées pour mettre fin à la pénurie d'eau qui frappe, selon les manifestants, durement leur village. Face aux inconséquences qu'engendrait cette manière de protester, les pouvoirs publics se sont manifestés à leur tour afin d'ouvrir la voie de circulation aux nombreux usagers de cet important axe routier qui relie la wilaya de Béjaïa à celle de Sétif. Alors que le blocage se déroulait devant le siège de la Sûreté de daïra, les éléments de CRS ont eu à recourir au gaz lacrymogène pour disperser les manifestants qui ont répondu avec des jets de pierres. Le jeudi matin, les villageois sont revenus en force de bonne heure pour récidiver, mais c'était compter sans la détermination des autorités qui sont allées cette fois jusqu'aux arrestations. «Huit personnes ont été interpellées avant d'être relâchées», indiquait hier Madjid Bektache, député de la région. La route a de nouveau été rouverte à la circulation. Depuis le début de l'été, la colère citoyenne s'est manifestée de façon musclée dans de nombreuses régions de la wilaya de Béjaïa et de la Kabylie tout entière. Les sièges communaux, de daïra et les grands axes routiers sont pris d'assaut par des populations souvent touchées de plein fouet par de nombreuses insuffisances liées essentiellement aux pénuries d'eau, l'état piteux des axes routiers, l'assainissement, bref un cadre de vie loin d'être de tout repos. Si parfois, il s'agit de simple incompréhension comme ce fut le cas mercredi dernier au quartier Ihadaden, souvent les revendications soulevées sont largement justifiées. Elles dénotent amplement la léthargie qui mine certaines communes, aux commandes desquelles des élus beaucoup plus préoccupés par les luttes intestines et des histoires de destitution, devenues si récurrentes, au détriment du développement. En un mot, ils oublient, sciemment ou pas, la prise en charge des préoccupations réelles des habitants. Autant l'intervention est normale dans le sens où elle permet à d'autres citoyens loin du conflit de vaquer à leur quotidien, autant les pouvoirs publics doivent agir en direction des sources des problèmes. Des mesures d'accompagnement sont nécessaires pour éviter des cas de dérapages préjudiciables. L'histoire récente est encore vivace pour témoigner que rien ne se règle par la force. Dans la foulée de leur intervention à Darguina, les pouvoirs publics semblent prendre la mesure de la situation. En effet, avant-hier, le maire de Oued Ghir a été suspendu et remplacé par un autre élu de la même majorité. Il était jusque-là sous le coup d'une destitution votée par ses pairs. Une mesure qui s'inscrit en droite ligne de l'autre mesure de transfert des prérogatives des assemblées en crise aux chefs de daïra.