Le service d'obstétrique-gynécologie d'un CHU d'Alger est presque au grand complet devant la barre de la cour d'appel d'Alger le 4 mars 2008. Du chef de service à l'assistant en passant par le résident, la sage-femme, les infirmières ou encore les préposés aux petits soins. En somme, tout le personnel médical et paramédical qui a eu à s'occuper, de près ou de loin, d'une dame venue accoucher dans la nuit du 22 au 23 décembre 2003. Une nuit d'hiver que le mari de la dame en question, présent à l'audience, n'est pas prêt d'oublier. L'homme d'une quarantaine d'années s'est présenté à la cour en tant que partie civile. Il représente sa défunte femme qui rendit l'âme cette nuit-là sur la table d'opération suite à une césarienne. Le bébé succombe aussi quelques minutes après. «J'ai perdu ma femme et mon bébé. Je ne suis pas là pour me venger, je veux simplement que justice soit faite», a-t-il déclaré d'emblée. L'homme, accompagné de ses proches, retient difficilement ses larmes. Il raconte les faits qu'il dit avoir vécus, notamment le fait que la défunte ne présentait aucun signe grave. «Elle marchait tant bien que mal. Disons une démarche d'une femme qui va accoucher. Elle se tenait bien sur ses pieds lorsque je l'ai fait admettre dans cet hôpital. Tout s'est passé rapidement, consultation, table d'opération… et enfin l'irréparable. Je voyais le personnel courir à droite et à gauche alors que mon épouse, Allah Yerham'ha, avait déjà rendu le dernier souffle. Elle avait le ventre grand ouvert et du sang partout», poursuit le monsieur, avant d'éclater en sanglots. L'émotion est à son comble. Le président, le procureur, le greffier, les avocats et même les prévenus et les témoins ne cachent pas leur compassion. Le président de l'audience appelle ensuite le médecin résident qui a opéré la défunte. Avait-il la latitude d'opérer ou pas ? L'opération était-elle incontournable ? La défunte pouvait-elle accoucher par voie basse ? Telles sont les questions posées par le juge. L'interrogatoire s'adressait aussi bien au médecin qu'à la responsable hiérarchique de ce dernier. «Le résident avait la compétence d'opérer monsieur le président. Si les choses ont mal tourné, ce n'est pas de sa faute», a déclaré la femme médecin. Le président ne semble pas convaincu par la déclaration de cette responsable. Il voudrait savoir où se trouvait cette dernière lorsque le jeune résident avait pris la décision d' «ouvrir» la malheureuse dame. La cour voulait également savoir si la responsable avait donné son aval avant d'actionner le bistouri. Selon la prévenue, l'aval n'avait pas lieu d'être. Le médecin avait agi en toute responsabilité. Il était souverain d'autant que le cas constituait une urgence absolue. Il n'avait donc pas besoin d'une autorisation de son chef hiérarchique. «Où étiez-vous ?», relance le juge. «J'étais dans les services», répond la responsable. Celle-ci se présente ensuite au niveau du bloc. Il était trop tard. La femme qui a déjà accouché par le passé «le plus normalement du monde» venait de quitter ce monde, le corps gisant dans une mare de sang, une hémorragie s'étant enclenchée subitement. Après l'audition des témoins, c'est au tour des avocats de prendre la parole. Ceux représentant la partie civile demandent des réparations. Ceux de la partie incriminée demandent la clémence. Le verdict tombe le 18 mars 2008 pour le chef d'accusation d'homicide involontaire. Un an avec sursis est prononcé à l'encontre des deux prévenus, le médecin résident et son chef de service, peine assortie d'une amende de 150 millions de centimes.