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Boubacar Gaoussou Diarra. Directeur du Centre africain d'étude sur le terrorisme (Caert)
Publié dans El Watan le 02 - 04 - 2008

– Le Centre africain d'étude et de recherche sur le terrorisme (Caert) organise aujourd'hui un séminaire de formation ayant pour thème la lutte contre le terrorisme. Peut-on connaître les objectifs d'une telle initiative et à qui est-elle destinée ?
– Cette formation est destinée aux experts en matière de lutte contre le terrorisme des six pays d'Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Mauritanie et République arabe sahraouie démocratique) et à laquelle prendront part également des experts occidentaux appartenant à des institutions régionales et locales. Il s'agit, entre autres, de spécialistes du terrorisme exerçant au sein de l'Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe (Osce), du Centre Kofi Annan du Ghana, du centre World College du Nigeria, du Centre égyptien, de l'Office des Nations unies de lutte contre la drogue et la criminalité (Onudc), du Centre d'étude stratégique africaine (Cesa). Nous voulons allier l'expérience des hommes de terrain à celle des experts issus de laboratoires d'étude et de recherche afin d'arriver à cerner les vraies menaces, comme le terrorisme, et d'identifier les moyens de lutte.
– En d'autres termes…
– En d'autres termes, nous essayons de nous focaliser sur un thème précis, comme le terrorisme par exemple, pour mettre en contact direct les experts des pays concernés afin qu'ils échangent leurs informations, s'entendent sur une stratégie commune de lutte, mais aussi qu'ils profitent des expériences des Occidentaux dans le domaine, représentés par leurs spécialistes. Il est important de souligner que, depuis 2004, le terrorisme a beaucoup évolué dans la région du Maghreb et du Sahel, où les groupes islamiques armés, qui se revendiquent d'Al Qaïda, semblent de plus en plus nombreux et bénéficient d'une liberté de mouvement inquiétante. Il est à ce titre nécessaire que la vision de lutte contre le terrorisme soit plus approfondie et concertée entre l'ensemble des Etats de la région. Lors de ce séminaire, les experts vont tenter de répondre à plusieurs questions stratégiques, par exemple : Est-ce qu'il y a un lien entre les groupes islamistes armés activant dans cette région et Al Qaïda ? Quelles sont les nouvelles menaces ? Quels sont ses points de vulnérabilité ? Qu'est-ce qui pousse les jeunes à rallier ces mouvements extrémistes ? Est-ce que la misère est le seul facteur qui aide au recrutement ? Pourquoi le choix de la région saharienne par les terroristes islamistes ? En fait, nous voulons photographier ce que nous appelons les points focaux et les soumettre aux spécialistes des pays concernés pour être débattus.
– Vous dites que le terrorisme a évolué en Afrique du Nord et dans la région subsaharienne. Mais des pays comme le Mali, le Niger et le Tchad sont pourtant absents à ce séminaire…
– Nous respectons la répartition géographique de l'Afrique faite par l'Union africaine. Le Mali et le Niger font partie de l'Afrique de l'Ouest, le Tchad est intégré dans la région de l'Afrique centrale, et le Soudan, par exemple, se situe parmi les pays de l'Afrique de l'Est. Chacune de ces régions a bénéficié d'un séminaire de formation. Nous en sommes au quatrième. Il s'agit de programmes d'accès à la connaissance des menaces, des vulnérabilités et du terrorisme. Ce phénomène semble intéresser tous les pays. L'objectif est d'ouvrir le débat entre les spécialistes du terrain pour trouver une sortie de crise basée sur le renforcement de la coopération entre les Etats africains dans les domaines militaire et sécuritaire, mais aussi des capacités de lutte de nos pays avec l'aide et l'assistance de nos partenaires occidentaux.
– Mais le terrorisme ne touche pas uniquement la sous-région de l'Afrique du Nord puisque de nombreux pays comme la Somalie, la Tanzanie et le Kenya en ont souffert. Quelle aide le Caert peut-il apporter ?
– Effectivement, de nombreux pays du continent sont confrontés au terrorisme, et le fait que d'autres ont été jusqu'ici épargnés ne veut pas dire qu'ils sont immunisés. Le danger est réel parce qu'il n'a pas de frontière. Dans ce sens, plusieurs séminaires de formation ont été organisés au profit des experts des pays de l'Afrique de l'Ouest, de l'Est, australe et centrale. En 2007, les experts des 15 pays de l'Afrique de l'Ouest ont pris part à Nairobie, capitale du Kenya, à une formation suivie d'une autre qui s'est tenue à Johannesburg (Afrique du Sud) au profit des experts de l'Afrique australe. Dans deux ou trois mois, nous comptons réunir les spécialistes des pays de l'Afrique centrale. Les problèmes diffèrent d'une région africaine à une autre. Si les pays de l'Afrique du Nord sont plus sensibles au phénomène du terrorisme, d'autres régions souffrent plutôt de la criminalité, de la contrebande, du trafic de drogue et du trafic des êtres humains, des conflits tribaux, etc. Vous voyez qu'il n'y a pas que le terrorisme. C'est pour cela que nous voulons avoir des photographies des menaces réelles pour chaque région à travers des séminaires de formation qui impliquent non seulement les hommes du terrain, mais aussi les communautés économiques régionales qui disposent d'instruments de lutte et peuvent apporter leur aide en participant aux débats sur ce que nous appelons les points focaux.
– Pensez-vous que l'expertise africaine est suffisante pour faire face à ces phénomènes de violence et de trafic en tout genre ?
– Pas du tout. Nous avons besoin de l'expertise de nos partenaires occidentaux auxquels nous faisons souvent appel pour qu'ils nous assistent dans les sessions de formation. Nous profitons aussi des ressources financières pour assurer les programmes de renforcement des capacités d'intervention des experts africains. Ces formations sont très importantes pour nous parce qu'il est question de coordonner les efforts entre les pays, notamment frontaliers, et d'arriver à une stratégie commune de lutte appuyée ou plutôt accompagnée par nos partenaires occidentaux. Il se peut qu'à la fin de ces cycles de formation se profile l'utilité d'autres séminaires sur des thèmes biens précis, comme l'extrémisme, la cybercriminalité, le financement du terrorisme, le blanchiment de capitaux, la criminalité organisée, etc. Il faudra définir d'abord les menaces qui guettent les régions et par la suite élaborer les stratégies de lutte dont a besoin chaque région. Les formations lancées par le Caert, depuis son ouverture en 2004, sont très importantes. Le programme n'a pas connu une bonne vitesse de croisière du fait que le centre avait besoin de renforcer ses capacités humaines et matérielles. Nous voulons être au diapason pour un plaidoyer tous azimuts orienté surtout sur le financement de la formation des hommes du terrain. Nous pensons avoir bien évolué depuis plus de trois ans notamment grâce à l'accompagnement assuré par le gouvernement algérien qui est très sensible notamment à la question du terrorisme. Il est important de souligner que la tenue de ce genre de séminaires en dehors de l'Algérie est difficile à organiser pour des raisons de sécurité. D'ailleurs, la prochaine ayant pour thème «L'extrémisme et le terrorisme» aura lieu à Alger au mois de juin 2008. Elle sera suivie par une autre consacrée au thème du «crime organisé», et avant la fin de l'année, Alger abritera un séminaire de formation consacré au «financement du terrorisme». Pour assurer la tenue de telles formations, il faudra garantir la sécurité de toute la logistique qui en découle et surtout la sécurité des experts.


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