Habituellement très réservé et aux propos très mesurés que le souverain jordanien a décidé, cette fois, de rompre avec cette habitude et d'asséner ce qui pour lui tient lieu de vérité. De vérité partagée puisque la situation au proche-orient inquiète au plus haut point. Et le message que le souverain a adressé, en priorité au monde occidental, est dénué d'ambiguïté. Ce sera la guerre, dit-il, si rien n'est fait pour régler le dossier palestinien, et toutes les questions liées à l'occupation israélienne. Il fixe même un délai au-delà duquel la situation actuelle pourrait basculer. Le roi Abdallah II a averti, hier, dans une interview au quotidien britannique The Times, que le monde pourrait être « aspiré dans un autre conflit » au Proche-Orient d'ici 12 à 18 mois en cas de nouveau report des pourparlers de paix. Le roi a souligné qu'il était crucial qu'un signal clair sorte des discussions prévues à Washington, fin mai, entre le président américain Barack Obama et le nouveau Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. « Si nous reportons nos négociations de paix, il y aura alors un nouveau conflit entre les Arabes ou les musulmans et Israël dans les 12 à 18 prochains mois », a mis en garde le souverain, qui, visiblement accorde peu d'importance à l'activisme du Premier ministre israélien qui rencontrait, hier, le chef de l'Etat égyptien. Pour lui, il faut aller à l'essentiel, d'autant que le président américain s'est clairement prononcé en faveur de la création d'un Etat palestinien indépendant, mettant fin aux supputations répandues par des personnalités américaines en vue, comme celles de l'ancien ambassadeur, John Bolton, en faveur d'une solution à un Etat, niant de ce fait les droits nationaux du peuple palestinien. Une telle déclaration est faite alors que M. Barack Obama pourrait présenter les grande lignes d'un plan de paix pour le Proche-orient lors d'un discours-clef à l'adresse du monde musulman au Caire en juin prochain. Le plan de paix américain implique 57 Etats et pourrait comprendre une reconnaissance d'Israël par les pays arabes et musulmans, selon le roi Abdallah. « Tous les yeux seront braqués vers Washington », a-t-il déclaré. « S'il n'y a pas de signaux et de directives clairs pour chacun d'entre nous, il y aura le sentiment qu'il s'agit juste d'un autre gouvernement américain qui va nous laisser tomber ». Si « la décision (issue des discussions Obama-Netanyahu) est que ce n'est pas le bon moment (pour de nouvelles négociations) (...) alors le monde risque d'être aspiré vers un autre conflit au Proche-Orient », a-t-il averti. Avec une solution impliquant 57 Etats, « nous offrons à un tiers (des pays) du monde de les accueillir en ouvrant les bras », a relevé le monarque. « L'avenir n'est pas le Jourdain ou le plateau du Golan ou le Sinaï, l'avenir c'est le Maroc dans l'Atlantique, ou l'Indonésie dans le Pacifique. C'est cela la récompense », a-t-il souligné. Abdallah II, qui devait se rendre hier à Damas, a souligné que la Syrie, dénoncée par les Etats-Unis comme un pays soutenant le terrorisme, pourrait faire son retour dans le concert des nations à cette occasion. Le roi de Jordanie qui a décrit sa plus récente rencontre avec M. Netanyahu, il y a une dizaine d'années, comme « la moins agréable » de son règne, a jugé que l'atmosphère dans la région était difficile. Mais « nous devons faire avec ce dans quoi nous sommes embourbés », a-t-il souligné. Justement, Netanyahu bouge, c'est le moins que l'on puisse dire, mais rien de plus. Il tente à sa manière de torpiller le rendez-vous américain. Il en avait donné la preuve lors de sa première élection comme premier ministre en 1996. L'homme n'a pas changé, comme la société qui a voté pour lui.