Ce plan a été rejeté globalement et dans le détail par le Premier ministre israélien, Ariel Sharon. Cinquante-huit ans après le partage par l'ONU (résolution 181/II du 29 novembre 1947), de la Palestine historique entre deux Etats, l'un juif et l'autre arabe, les Palestiniens sont toujours en attente de la réalisation de ce rêve, jusqu'ici inaccessible, alors que l'Etat hébreu, Israël, est aujourd'hui la seule puissance régionale du Moyen-Orient. L'échec des Palestiniens à réaliser leur ambition à créer leur Etat indépendant est prioritairement un échec du monde arabe et plus singulièrement celui de son organisation politique, la Ligue arabe. Cela est un constat, mais un constat qui dit toute la faiblesse, sinon, la pusillanimité d'une Ligue arabe, et donc du monde arabe, à défendre devant les instances internationales le dossier palestinien. De fait, cette impotence se traduit concrètement par le fait qu'Israël, qui a toujours refusé d'appliquer les résolutions du Conseil de sécurité, n'a jamais été inquiété du fait qu'il ne se conforme pas au droit et lois internationaux que sont les résolutions de l'ONU. Sans revenir sur l'historique de la spoliation du peuple palestinien par Israël, que peut, aujourd'hui, concrètement, faire la Ligue arabe pour, outre aider les Palestiniens à édifier enfin leur Etat indépendant, revenir comme partie prenante dans le conflit israélo-palestinien et contribuer à faire mettre en application toutes les résolutions des Nations unies, les accords d'Oslo et la «Feuille de route», et surtout faire admettre le principe cardinal de toute paix avec Israël consistant dans l'échange de la paix contre la terre. Contrainte par la précipitation des évènements, -induite par les changements géostratégiques dans le monde-, à prendre l'initiative, la Ligue arabe a présenté lors du Sommet arabe de Beyrouth en 2002, un plan de paix révolutionnaire dans lequel, il n'était proposé rien moins qu'une «paix globale» avec Israël, et éventuellement une reconnaissance mutuelle, en échange du retrait total d'Israël des territoires arabes occupés en 1967 et le retour à la situation prévalant, le 4 juin 1967. Ce plan a été rejeté globalement et dans le détail par le Premier ministre israélien, Ariel Sharon. Or, voici que la Jordanie propose un plan similaire, affirme Amman, au plan initial adopté par le Sommet arabe de Beyrouth, mais «restructuré» pour devenir «lisible» pour les Israéliens. Et Israël d'accueillir avec «enthousiasme» un plan -si effectivement il s'inspire de celui de 2002 comme le soutiennent les Jordaniens-, qu'il rejeta sans autre forme de procès voici trois ans. Alors que s'est-il passé, ou que se passe-t-il, pour que ce qui en 2002 était inacceptable pour Israël le devienne en 2005 ? Pourtant, le ministre jordanien des Affaires étrangères, Hani Moulki, indiquait hier à Alger, en marge de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères, que «le fond est resté inchangé et l'objectif a été atteint. Nous voulions réactiver un plan de paix qui est resté lettre morte depuis son adoption et nous avons réussi». Réussi à avoir l'approbation d'Israël au plan jordanien «restructuré»? Il faut le croire eu égard aux réactions «très positives» des Israéliens. Ainsi, hier, très élogieux quant à l'initiative jordanienne un responsable à la présidence du Conseil est allé jusqu'à estimer que «le simple fait que la Jordanie ait présenté une telle proposition traduit un début de changement au sein du monde arabe». Cette approbation est toutefois tempérée par d'autres voix israéliennes qui s'interrogent «Reste à savoir si les pays modérés parviendront à donner le ton lors de ce sommet» prévu demain et mercredi a-t-il ajouté. C'est quoi finalement un arabe «modéré»? La question n'est pas seulement académique, car il semble que pour Israël (et les Etats-Unis) tout Arabe qui défend ses droits et sa dignité est, sinon un terroriste, à la limite quelqu'un d'indocile, à la tête dure, qui ne comprend pas qui sont les maîtres, alors que l'Arabe «modéré» sait lui, reconnaître les faits et rester à sa place. Et c'est à peine là une caricature, et la «Feuille de route» plan de paix international, est là pour nous rappeler qu'Israël propose et le quartette (parrain du plan de paix qui comprend les USA, l'UE, l'ONU et la Russie) dispose. Pour enfoncer le clou, relevant la réaction du vice-Premier ministre israélien, le travailliste Shimon Peres, qui se félicitant de l'initiative jordanienne, tempère son propos en ajoutant: «La Ligue arabe doit décider si elle est une ligue pour la paix, ou pour la poursuite du conflit». Ce qui pour Israël, peut-être interprété comme ceci, «une ligue arabe pour la paix», c'est celle qui agréer Israël sans réclamer le retrait des troupes israéliennes, ni l'application du principe, «la terre contre la paix», «une Ligue arabe pour la poursuite du conflit» c'est celle qui veut contre toute vérité faire appliquer les résolutions de l'ONU, réclamer le retrait israélien, défendre le droit des Palestiniens à ériger un Etat fiable et disposant de tous les attributs de la souveraineté, y compris une armée, alors qu'Israël ne veut à côté d'elle qu'un Etat fragmenté, sans consistance et surtout «pacifié» c'est-à-dire sans armée, ni service de sécurité performant. Relancer un plan de paix avec Israël, c'est d'abord l'acceptation par l'Etat hébreu de sa supervision par la communauté internationale et non uniquement par les Etats-Unis qui apparaissent comme partie et juge dans le conflit israélo-arabe. C'est aussi, faire sien ce principe universel, qui a permis la finalisation de l'accord d'Oslo, l'échange de la terre contre la paix. Israël demande beaucoup de sacrifices et de concessions aux Palestiniens, mais lui-même n'en fait aucun et demande toujours d'autres concessions à chaque concession faite par les Palestiniens. C'est celle-là la réalité du conflit israélo-palestinien en 2005. En tout état de cause, la proposition jordanienne a suscité beaucoup de réserves, notamment de la part des Palestiniens, de la Syrie et du Liban qui ont rejeté la nouvelle mouture jordanienne. Hier, le ministre palestinien des Affaires étrangères, Nacer Al-Qidwa, a été chargé de travailler sur une nouvelle formulation. Il reste que l'initiative de la Jordanie a quelque peu brouillé les cartes, alors que l'on apprenait hier que le roi de Jordanie, Abdallah II, ne viendra pas à Alger pour défendre devant ses pairs arabes, son plan de paix, a déclaré hier le chef de la diplomatie jordanienne, du fait «d'engagements déjà pris auprès d'investisseurs aux Etats-Unis». Ce qui est à tout le moins étrange alors que la date du Sommet d'Alger est connue depuis une année.