Aînée de sa famille, Amel a 16 ans. 16 ans de bidonville. 16 ans de précarité. Elle a quitté les bancs de l'école cinq ans plus tôt. « Je n'arrivais plus à faire mes devoirs à la lumière d'une bougie, et à présent, impossible d'accéder à une formation professionnelle, j'ai le niveau 6e AF. » Elle enchaîne : « Nous sommes descendus de Bzim Dahraoui. Vous connaissez ? C'est un autre bidonville surpeuplé. Mes frères sont nés ici et tout porte à croire que nous y mourrons tous. » Amel affiche son étonnement de nous voir escalader la dune menant à Haï Gouatine. L'oléoduc n'est pas loin. On voit ses canalisations serpenter le sable à quelques mètres des gourbis. Encerclée de rochers, cette portion du bidonville des 136 Logements jouxte le quartier de Toumiat et donne le dos aux artisans. Au seuil de sa bicoque située à l'entrée du quartier, la jeune fille ne cesse de scruter l'horizon et ne rate aucun visiteur. Amel est d'autant plus étonnée par notre présence qu'elle pense qu'il s'agit d'une tournée des services communaux qui « viennent régulièrement nous recenser ». « Vous venez nous compter ? D'habitude, ils n'envoient pas de femmes », lance-t-elle en nous invitant tout de même à l'intérieur. Une personne dort près de la porte tout près d'un matelas et de la vaisselle rangée à même le sol. Depuis le mois de juin, le calvaire estival a commencé. « Sayer fina el weyl » littéralement « Nous vivons l'enfer ». Après un violent vent de sable qui a duré une semaine, la canicule est au rendez-vous. Une chaleur suffocante règne sous les plaques de fer blanc tapissées de bâche. Amel nous parle de sa mère hypertendue, partie faire la sieste en face, chez sa sœur. La tante habite une maison plus potable dotée d'un ventilateur, située aux 136 Logements. « Mon petit frère a la santé fragile. Il est affaibli par une anémie et ma mère ne supporte plus le chehili qui souffle sur nous toute la journée. Elle s'échappe un peu... »