Besoin n Ils viennent de quitter les bancs de l'école. Ils sont contraints de travailler pour aider leur pauvre famille et se prendre en charge. Cette activité ne requiert pas d'aptitudes particulières, mais ne garantit aucun avenir non plus. Ils se lèvent quotidiennement à cinq heures du matin pour préparer café, lait et thé. A six heures, le café maure ouvre ses portes aux premiers clients, les matinaux. Ils servent, ils font la vaisselle et préparent le café à ceux qui le demandent… Ils sont là comme des fourmis. Le patron exerce une pression des plus excessives sur ces adolescents lorsqu'un nombre important de clients pointe au comptoir. Ces jeunes n'ont pu opter pour une formation professionnelle leur permettant de décrocher des emplois plus décents, subissent le diktat de leur employeur sans oser réagir. «Je suis venu de Sétif et je travaille dans ce café depuis deux ans. J'ai quitté l'école à l'âge de seize ans pour venir travailler et aider financièrement ma famille. Chaque fin de mois, je descends au bled pour remettre quelque 7 000 DA à ma mère, avec lesquels, elle doit vivre et faire vivre mes trois petits frères. J'étais excellent à l'école, mais, suite au décès de mon père dans un accident de circulation, j'étais obligé de travailler», affirme Salah, 19 ans, serveur dans un café-restaurant à El-Biar. Ses anciens amis à l'école sont actuellement des étudiants à l'université d'Alger et il n'arrive pas à contenir son chagrin lorsqu'ils viennent lui demander des boissons ou autres consommations. «Au lycée, je leur ai toujours montré comment résoudre des exercices en mathématiques et en physique et, aujourd'hui, ils sont en train de me narguer», dit notre interlocuteur, qui regrette que la misère l'ait privé de poursuivre ses études. Pourquoi ces jeunes viennent à Alger pour de telles activités, alors que les cafés et les restaurants ne manquent pas dans leur ville natale ? «A Alger, on peut s'attendre à de belles surprises. Certains clients pourraient nous aider à décrocher des postes de travail dans de grandes entreprises, contrairement au bled où seuls nos semblables fréquentent ces échoppes. C'est toute la différence», répond Samir, serveur dans une pizzeria à Alger-Centre, originaire d'un village enclavé dans la wilaya de Béjaïa, ajoutant que plusieurs de ses amis ont pu trouver des postes d'emploi dans de grandes entreprises grâce à l'aide des clients qui, eux-mêmes, avant d'accéder à leur position actuelle, ont éprouvé la misère. C'est ainsi que ces adolescents acceptent ces conditions de travail dans l'espoir, parfois illusoire, d'un éventuel coup de chance.