Le président Bouteflika se rendra-t-il en France au mois de juin pour une visite d'Etat à l'invitation que lui avait faite en décembre 2007 le président Sarkozy ? Paris et Alger ne seraient-ils pas (pas encore) en phase sur les dossiers bilatéraux qui douvent être abordés par les deux chefs d'Etat ? Paris (France). De notre bureau Du côté français, on se contente de dire : « Nous attendons le président Bouteflika. » « Nous y travaillons. » C'est ce que nous a affirmé, vendredi après-midi, l'ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, qui venait d'assister à un hommage rendu au nationaliste et poète algérien Moufdi Zakaria, à l'occasion du centenaire de sa naissance, à la Bibliothèque nationale de France. Une cérémonie organisée à l'initiative de la fondation Mufdi Zakaria et de l'association France Algérie. Alors que nous avons noté la présence du représentant diplomatique français en Algérie, dans la capitale de son pays, l'absence de l'ambassadeur d'Algérie en France à cette même cérémonie, Missoum Sbih, n'est pas passée inaperçue. « Appelé pour une réunion de travail » à Alger, Missoum Sbih a été représenté par le numéro 2 de l'ambassade d'Algérie en France. Ce chassé-croisé des ambassadeurs des deux pays est-il une simple coïncidence ? Serait-il lié à la préparation de la visite du président Bouteflika en France et des dossiers qui l'accompagneront ? La date du mois de juin avancée par l'ambassadeur de France à Alger le 22 mars n'a pas reçu, à ce jour, de confirmation officielle, ni par Alger ni par Paris. Ballet des ambassadeurs Le principe de cette visite n'est toutefois pas remis en cause. « Aucune date n'a été fixée pour cette visite, même si le mois de juin a été évoqué. Nous travaillons avec les autorités algériennes à sa préparation », a indiqué Eric Chevallier, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, lors d'un point de presse animé jeudi. La veille, Abdelaziz Belkhadem, ministre d'Etat et représentant personnel du président de la République, précisait que la date de cette visite n'était toujours pas arrêtée. Pour sa part, Jean-Marie Bockel, le secrétaire d'Etat français à la Défense et aux Anciens combattants, qui vient de séjourner à Alger, déclarait à la presse : « Nous avons évoqué la perspective de la visite du président Bouteflika. Nous travaillons dans un très bon esprit à la préparation de cette visite et nous sommes très en attente de pouvoir accueillir, comme il le mérite, le président Bouteflika. » Il est à rappeler que, le 22 avril dernier, l'ambassadeur de France en Algérie avait précisé qu'une invitation à se rendre à Paris en juin avait été transmise au président algérien. Le lendemain, en marge de l'audience qu'il venait d'accorder au président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale française, Axel Poniatowski, le chef de la diplomatie algérienne déclarait à la presse que le président Abdelaziz Bouteflika a accepté le principe de l'invitation que lui a adressée le président français, Nicolas Sarkozy, pour effectuer une visite d'Etat en France, mais sans avancer une quelconque date. Et d'ajouter : « Nous sommes en train de travailler, de part et d'autre, sur les questions qui pourraient être évoquées à l'occasion de cette visite. » Paris et Alger ne seraient-ils pas (pas encore) en phase sur les dossiers bilatéraux à aborder par les deux chefs d'Etat ? Du côté algérien, le chef de la diplomatie, Mourad Medelci, les a énoncés. Il s'agit de la communauté algérienne en France, de la libre circulation des personnes dont la question des visas, des investissements des entreprises françaises en Algérie, du passé colonial et de la question de la mémoire. Sur l'affaire des essais nucléaires français dans le Sahara, M. Medelci a rappelé à la faveur de sa rencontre avec le SG du ministère français des Affaires étrangères, Pierre Sellal, à Cordoue en marge de la réunion des « 5+5 », que les deux présidents ont convenu déjà, il y a plus d'un an, de traiter de la question des essais nucléaires français à Reggane « d'une manière plus diligentée », et a annoncé qu'une réunion supplémentaire allait se tenir bientôt à Alger. Cette réunion permettra, selon M. Medelci, de « dégager les thèmes de référence d'un travail d'identification aussi exhaustif que possible de la situation qui est celle des zones contaminées et à partir de là, il pourra être élaboré un programme d'action pour la décontamination ». Paris souhaite donner la priorité au volet économique, tourner la page du passé pour construire l'avenir. A Alger, on veut, en préalable, aplanir les questions du passé colonial, de la reconnaissance des crimes commis au nom de l'Etat français. Et c'est là, côté français, une question sensible plombée par les lobbies mémoriels réfractaires à une reconnaissance solennelle par l'Etat français de son passé colonial, voire d'un approfondissement des rapports franco-algériens. Du côté algérien, des pans entiers de la société sont en attente de cette reconnaissance par la France de leur ancien statut d'indigènes colonisés spoliés de leurs biens et de leur identité. Et si Paris souhaite laisser le temps faire son œuvre et procéder progressivement par petits pas, Alger veut une reconnaissance symbolique, forte et solennelle. « L'essentiel de nos préoccupations aujourd'hui tourne autour de la circulation des personnes et donc du développement humain, mais aussi autour de la nécessité de développer davantage la coopération économique, principalement à travers des investissements français en Algérie », a affirmé M. Medelci. Et d'ajouter : « Les rapports entre les deux pays doivent intégrer une gestion sincère, ouverte, engagée et confiante des questions relatives à la mémoire. » Le président Sarkozy, qui a été le premier chef d'Etat étranger à féliciter le président Bouteflika pour sa réélection pour un troisième mandat à la tête de l'Etat, a évoqué « la construction d'un partenariat d'exception ». Et c'est la mise en œuvre de ce partenariat d'exception qu'Alger attend et appelle de ses vœux et dont la dimension humaine est tout aussi importante que le volet économique.