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Retour sur Che, de Steven Soderbergh : Un film mensonger
Publié dans El Watan le 18 - 06 - 2008

Il a centré sur l'individu en oubliant son côté héroïque. D'abord insister lourdement sur la maladie, le handicap de Che Guevara qui était asthmatique, comme tout le monde le sait, était-ce un élément fondamental pour expliquer la personnalité du Che ? C'est comme si on évoquait Camus uniquement à travers sa tuberculose ou Sartre pour son œil droit de travers… Le vrai Che Guevara n'est pas dans ce film, car rien de son engagement politique, son dévouement pour son pays d'adoption et pour le reste du monde où la révolution était en cours n'y est relaté. Si on n'inscrit pas Che Guevara dans cette réalité internationale historique, économique, sociale, on ne peut rien comprendre à son personnage. Et l'Américain Soderbergh n'a rien compris. Le parti pris de Soderbergh est de réduire Che Guevara à un homme ordinaire, à n'importe qui, alors que justement le Che n'était pas n'importe qui. Sinon, il ne serait pas une légende du XXe siècle ! Dans la forme aussi, le film de Soderbergh est tellement pesant, mal fichu que le spectateur lambda (on pense ici au public américain) risque fort de s'ennuyer souverainement et de déserter la salle. Un autre parti pris injuste de Soderbergh, c'est la longue et effroyable séquence de la mort de Che Guevara, filmé comme un chien qu'on abat. On a les larmes aux yeux, quand on voit de quelle cruelle manière le réalisateur assassine le Che une seconde fois. Celui dont Jean-Paul Sartre disait en 1960 : «Che Guevara est l'être humain le plus complet de notre époque», est dans ce film réduit à rien. A travers un regard un peu plus bienveillant, Richard Fleischer en 1969, avec Omar Sharif dans le rôle du Che et Richard Dindo en 1994 dans un documentaire sur Le Journal de Bolivie, ont évoqué la vie du Che de manière différente, plus honnête. Pas un Soderbergh qui a tenté de faire oublier que l'illustre «Commandanté» de la Sierra Maestra a dirigé la réforme agraire à Cuba, a présidé la Banque nationale (les billets portaient sa signature), occupé le poste de ministre de l'Industrie, en même temps, Che Guevara s'employait à faire sauter les verrous, à desserrer l'étau impérialiste autour de Cuba, en créant la Tricontinentale et en lançant son fameux appel pour faire «deux, trois Vietnam
Dans le film de Soderbergh il n'y a aucune trace de tout cela. Ni de ses voyages en Chine, au Japon, en Afrique, en Algérie à plusieurs reprises où il y a prononcé son dernier discours public le 24 février 1965. Si on enlève tout cela à Che Guevara, personne ne peut comprendre la suite, ni pourquoi il a décidé de tout plaquer à la Havane pour partir en Bolivie aux côtés des révolutionnaires qui voulaient renverser le régime pourri de Barrientos. En 2006, le jour même où il a été élu à la tête de la République de Bolivie, le président Morales a mis un grand portrait d'Ernesto Che Guevara dans la suite présidentielle du palais de La Paz. Preuve que l'héroïsme, le sacrifice, la bravoure du «Commandanté» demeurent comme un point d'ancrage très fort pour toute l'Amérique latine. Mais allez demander au pauvre Soderbergh de comprendre tout cela !

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