Les éléments de la troupe de flamenco Gitanos de Granada de Curro Albaicin, qui se sont produits, dimanche soir, à l'auditorium de l'USTO, ont dû être agréablement surpris de l'accueil extraordinaire que le public leur a réservé. Ils ont dû le ressentir au plus profond d'eux-mêmes pour l'avoir exprimé explicitement, mais aussi pour s'être dépassés dans ce spectacle prévu dans le cadre du festival espagnol en Oranie. Il faut dire qu'eux aussi ne manquaient pas de punch pour avoir tenu en haleine pendant plus d'une heure d'affilée une salle archicomble. La scène était pourtant dégarnie, juste une guitare classique, deux chanteurs et un couple de danseurs, mais c'était suffisant pour enflammer la salle. Tout était d'abord dans la puissance du vocal, dans les complaintes qui sortent des tripes des chanteurs comme pour extirper l'âme de l'Andalousie. Dans les rythmes de guitare dont les cordes sont malmenées par des doigts particulièrement nerveux, entrecoupés de quelques lignes mélodiques portées à leur apogée lorsque Fransisco Contreras Guard « Curro Albaicin », né dans le quartier du Sacromonte à Grenade, le 22 janvier 1948, au sein d'une famille de tradition flamenco, se mettra à déclamer un poème de Frederico Garcia Lorca louant Grenade. Mais le clou du spectacle reste la danse, elle aussi inimitable, des pas qui suivent des rythmes complexes où le tempo des mains répond en écho aux claquements des talons. Le public est resté ébahi devant les lignes évanescentes tracées par les corps, la fermeté des gestes et les allures altières, le regard tourné souvent vers le haut comme un désir d'atteindre les cimes. Au-delà de la performance, ce sont les passages sensuels qui ont marqué les spectateurs nombreux à applaudir chaleureusement sans se soucier du déroulement de la prestation. « Merci Oran, nous avons le même sang qui coule dans nos veines », lance Curro Albaicin. Le couple de danseurs, faisant partie de la jeune génération, a effectué des passages remarquables, de véritables images évoquant tantôt des scènes de cour, tantôt un trot de cheval synonyme de liberté ou même le travail du toréador qui flirte avec le danger. Autant pour le « cavalier » que la « cavalière », les séquences exécutées en solo traduisent une maîtrise des gestes qui dénotent l'intérêt accordé à la tradition. Celle-ci devait être portée à son paroxysme dans le numéro de « danse de claquettes » effectuée sur une estrade, comme un numéro de cirque digne d'un artiste de haute voltige. Une prestation à couper le souffle. Un véritable triomphe.