Les premiers habitants de Taourirt-Ighil ont débarqué, venant d'Alger, au milieu des années 80, au moment où les lotissements commençaient à voir le jour, puis une course effrénée vers l'acquisition d'un lot de terrain s'était engagée. Actuellement, le chef-lieu enregistre près d'une centaine de foyers habités, avec ses 50 logements évolutifs, 45 logements sociaux, une trentaine de maisons de particuliers et quelques commerces. Les résidants rencontrés parlent des différentes APC avec beaucoup de colère et d'amertume. Les uns vont jusqu'à qualifier cette situation «de véritable hogra». Taourirt-Ighil est pourtant doté de toutes les infrastructures de base, mais aucune n'est fonctionnelle, hormis le CEM. La poste, laissée à l'abandon total, se trouve dans un état lamentable et nécessite tout un autre budget pour sa réfection. Le siège de l'APC et l'école primaire sont occupés par les troupes de l'ANP depuis une douzaine d'années. La polyclinique est annexée par le CEM et fait office de réfectoire aux élèves. Le CFPA se trouve aussi dans une situation de délabrement avancé avec quasiment toutes les vitres de la façade ouest brisées parce que sans clôture extérieure. La population de Taourirt-Ighil, qui a participé au sit-in observé devant la daïra la semaine dernière, a porté ses revendications plus haut et demande une meilleure prise en charge de ses problèmes quotidiens. «Nous voulons l'ouverture de notre école», dit Zahir, un enseignant. «Nous avons près de 70 élèves qui sont scolarisés à plusieurs kilomètres loin d'ici, à Adekar, alors qu'une école existe chez nous». Un autre jeune homme, Samir, dit ne pas parvenir à chasser de sa tête l'image tragique d'un écolier de Taourirt fauché par un camion à Adekar, il y a quelques années. «Nos enfants souffrent énormément, poursuit-il, surtout avec nos hivers sibériens, même les adultes ont parfois du mal à quitter leurs maisons». Un enseignant occupant un logement évolutif affirme que ses voisins qui veulent vendre leurs logements pour aller vers des cieux plus cléments sont nombreux. «Rien n'évolue ici, j'ai même la nette conviction que la situation se dégrade davantage de jour en jour», note-t-il. Hormis la ruelle qui mène directement au CEM qui est goudronnée, toutes les autres sont recouvertes de tuf. Certaines sont même boueuses en hiver. Pour l'AEP, les résidents de la partie est se plaignent de l'eau qui ne coule pas de leurs robinets parce que «les conduites sont défectueuses». Plus loin, plusieurs jeunes, garçons et filles, tentent de pirater «un peu d'eau buvable» à partir de la fontaine fermée de Taourirt-Ighil, construite en 1858, comme il est indiqué sur une pierre sculptée de l'époque coloniale. Quant à l'électrification, elle n'est survenue qu'à la fin des années 90. «Le conflit» qui a éclaté ces jours-ci et qui s'est traduit par l'observation de deux sit-in devant la daïra d'Adekar traduit toutes ces frustrations mais aussi cache des rivalités villageoises. Les autorités locales n'ont rien fait pour apaiser ces rivalités et mettre autour d'une table les parties concernées. Un élu a été agressé au passage de sa voiture et a reçu plusieurs points de suture, à la fin de la semaine écoulée. Par ailleurs, on vient d'apprendre que le wali a reçu toutes les parties concernées pour les écouter. D'après un représentant, une commission sera incessamment dépêchée pour enquêter sur les lieux et une feuille de route sera élaborée pour un règlement progressif des problèmes posés.