Tel un ballon de baudruche, la fièvre qui a failli faire exploser le thermomètre des interventions dans le débat général autour du projet de plan d'action du gouvernement (plus de 200 intervenants enregistrés) est subitement tombée comme par enchantement au moment du vote. Les députés ont adopté hier à une large majorité le plan d'action du gouvernement Ouyahia. Au regard de la configuration politique de l'APN où les partis de la majorité présidentielle règnent en maîtres absolus, Ouyahia s'était présenté à l'hémicycle serein et rassuré quant à son examen de passage devant l'Assemblée qui n'était qu'une simple formalité d'usage. Et pourtant, à bien écouter les interventions de la plupart des députés qui se sont succédé dans le débat général, y compris ceux de la majorité présidentielle, les dures réalités locales avaient souvent pris le dessus sur la discipline partisane. Le pouvoir du direct de la télévision qui place le député sous les projecteurs de la caméra et de ses électeurs pousse les parlementaires à basculer dans l'opposition, le temps d'un passage à la télévision, pour donner l'impression d'être à l'écoute des préoccupations de leurs concitoyens, espérant ainsi par cette pirouette cathodique se maintenir à l'APN en se muant en opposants virtuels. C'est d'ailleurs la seule explication à cette inflation d'interventions que l'on enregistre invariablement avec une forte impression du déjà-vu en pareilles occasions. Les critiques nombreuses formulées par les députés de toutes obédiences sur le projet du programme d'action du gouvernement dans ses différents volets ainsi que les réalités souvent dures, rapportées par les députés sur les conditions de vie difficiles des populations des wilayas de l'intérieur du pays qui ne sont que le résultat d'une politique dans laquelle l'équipe dirigeante en place est pleinement responsable, traduisent en fait le véritable vote des députés. La démocratie à l'intérieur des partis ne devrait pas en souffrir parce qu'un député, qu'il appartienne à la majorité ou à l'opposition ne s'aligne pas aveuglément sur sa formation politique au moment du vote. C'est même un signe de bonne santé du système politique du pays. On a vu ailleurs comment des députés n'hésitent pas à mettre en jeu leur carrière politique pour rester fidèles à leurs convictions et au contrat les liant à leurs électeurs en faisant, au besoin, de la dissidence au sein de leur parti et en le quittant, le cas extrême, lorsque l'air devient irrespirable pour eux. A l'heure où le débat est ouvert sur le nomadisme des députés qui passent sans pudeur d'un parti à un autre – on quitte sans état d'âme une petite formation qui n'a d'autre attrait à offrir que le militantisme pour rejoindre des partis du pouvoir ou au pouvoir –, l'enracinement de la démocratie au Parlement commande aussi d'affranchir les parlementaires du joug anesthésiant des chapelles partisanes. Quelle que soit sa sensibilité politique, un député doit pouvoir préserver par-dessus tout sa liberté de critiquer, d'émettre des réserves par rapport aux positions de son parti, voire de voter contre. La démocratie se construit de la base au sommet. Si les choses fonctionnaient de cette manière, le Premier ministre, lorsqu'il se présente devant le Parlement, saura qu'il n'aura pas la partie facile, qu'il ne pourra pas faire avaler n'importe quelle couleuvre aux députés, y compris aux élus de la majorité présidentielle. Il n'aura pas à prêcher devant des convaincus, mais à convaincre par la force des arguments et du débat contradictoire.