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La révision constitutionnelle et…. le syndrome Bourguiba
Publié dans El Watan le 12 - 11 - 2008

Nous ajoutions, tout en pensant que c'était là l'essentiel, compte tenu de la maladie visiblement handicapante du Président, qu'il s'agissait «d'assurer dès maintenant la pérennité du système bouteflikien». L'idée défendue était que le Président avait mis sept ans pour asseoir un pouvoir absolu, en se défaisant de tous les contre-pouvoirs, réels ou supposés, en instituant un système politique totalement soumis à son bon vouloir et en se créant au passage de fortes inimitiés de tous les clans éloignés, en douceur ou avec pertes et fracas, du centre de la décision politique.
L'article 74
La disparition subite de Bouteflika ou une maladie fortement handicapante l'empêchant durablement de gouverner aboutiraient certainement au retour vengeur des anciens barons (ceux que la phraséologie style FFS appelaient «le pouvoir réel»).
«Le risque est réel, ajoutions-nous, d'assister, si rien n'est fait pour la contenir dès maintenant, à une véritable ‘'débouteflikatisation'' et à un retour au système ante. C'est ce risque que la nouvelle Constitution s'évertuera à éliminer. Comment ? D'abord en instaurant, dès le mandat présent, un système de transmission du pouvoir à une personne préalablement désignée…»
Quelle grossière erreur de jugement ! Nous croyions naïvement que Bouteflika, Grand Homme Politique (avec des majuscules !), ne pouvait raisonner qu'en homme d'Etat, défendant envers et contre tous des idées et des valeurs auxquelles il croyait profondément et soucieux de la pérennisation de ce qu'il construisait avec autant d'habileté et de patience. Or, la manière dont viennent d'être décidées les quelques retouches de la Constitution, et surtout leur contenu, mettent en évidence tout autre chose : il ne s'agit en fait que de se maintenir coûte que coûte au pouvoir, en reformulant l'article 74 de la Constitution qui lui ouvre toutes grandes les portes d'un troisième mandat, et pourquoi pas, d'un quatrième et…
Bien sûr, il fallait enrober cette réforme, essentielle et capitale pour lui, dans un galimatias d'explications, d'essence politique et éthique, qui mettent en avant la souveraineté populaire (le droit inaliénable du peuple, source unique de la souveraineté, d'élire librement qui il veut… sous-entendu lui !. Or, l'article 74, tel qu'il était formulé, interdisait à ce peuple souverain de le réélire une deuxième, voire une troisième fois. L'ancien article 74 faisait donc œuvre de lèse-souveraineté populaire ! Il fallait donc l'amender et faire sauter le verrou du nombre limité de mandats présidentiels.
Le peuple souverain vient donc d'être pleinement remis dans son droit : celui de maintenir à son poste, tout aussi souverainement et librement, l'actuel Président qui, bien évidemment, lui a donné pleine et entière satisfaction au cours de ses précédents mandats. Et si le Président avait auparavant reconnu publiquement et solennellement l'échec de toute la politique qu'il avait mise en œuvre, il n'est tout de même pas allé jusqu'à reconnaître sa propre responsabilité dans ce cuisant échec : ce sont les gouvernements chargés de son application qui ont échoué, pas lui !
Pour faire passer plus facilement la pilule, le Président a ajouté quelques autres petites réformes constitutionnelles dont l'importance, et l'urgence n'échappent à personne : la défense des symboles de l'Etat issus de la révolution de Novembre 54 et la création d'une espèce de ségrégation positive envers les femmes qui doivent bénéficier d'une meilleure place au sein de la société algérienne. Pour le premier point, il s'agit en fait de constitutionnaliser un droit qui existe déjà concrètement depuis l'indépendance du pays : donner légalement un droit de propriété du pays aux membres de la famille révolutionnaire «qui l'a libéré du joug colonial». Il fallait constitutionnaliser le fait que seuls ceux qui ont été moudjahidine, fils de moudjahidine (et bientôt, petits-fils de moudjahidine), fils de chahids (et bientôt, petits-fils de chahids) ont le droit au partage de la rente en Algérie.
Le reste, c'est-à-dire le peuple, n'a pour droits que ceux d'applaudir et de remercier ad vitam aeternam ses maîtres libérateurs. Le deuxième point paraît, en première analyse, plus noble et moins matériellement intéressé : il s'agit de reconnaître à la femme un rôle majeur dans la société ; celui qu'elle est en droit d'attendre de par son poids démographique (plus de la moitié de la population) et de par le rôle majeur qu'elle a joué dans la révolution de Novembre pour le recouvrement de la souveraineté nationale et après l'indépendance, en tant qu'actrice majeure du développement du pays dans tous les domaines. Mais on ne peut qu'être sceptique quant aux arrières-pensées d'une telle mesure : d'une part, toutes les Constitutions consécutives de l'Algérie ont reconnu l'égalité juridique entre l'homme et la femme ; elle n'avait donc pas réellement besoin d'un nouveau coup de pouce constitutionnel pour la remettre au premier plan, d'autre part, la position du Président sur le combat des femmes algériennes pour le recouvrement de leurs droits est connue et a été plusieurs fois réitérée : oui pour l'égalité, mais dans le cadre de la tradition arabo-islamique ; ce qui constitue un refus pur et simple d'accepter l'égalité entière entre l'homme et la femme.
Le geste, qui aurait été la preuve de la volonté du Président de replacer la femme au centre de la société, était de faire en sorte d'abroger définitivement la loi scélérate portant code de la famille et d'appliquer simplement les dispositions du code civil dans toutes les affaires concernant le droit de la famille. Or, ce geste n'est pas venu tout au long des deux mandats présidentiels et ne viendra pas du suivant.
Revenons maintenant à ce qui est le véritable objet de la présente contribution : la présidence à vie qui va être concrètement instituée en Algérie, une fois la réforme constitutionnelle ratifiée par les parlementaires réunis en congrès.
Quelles que soient les raisons invoquées, dont l'inénarrable «souveraineté du peuple», il ne s'agit en fait que de permettre à l'actuel Président de rester à son poste de commande tout le temps qu'il le désirera. Ce qui veut dire éternellement, si Dieu lui prête vie, tout ce temps-là. Il n'y a dans les réformes introduites absolument rien qui indique un souci de préparer l'avenir de quoi que ce soit, même pas du système mis en place, ce qui aurait été le minimum que l'on pouvait attendre d'un homme d'Etat qui connaît parfaitement les défis qui attendent ceux qui, irrémédiablement, lui succéderont dans la gouvernance du pays. La réforme constitutionnelle présente n'organise pas l'après-Bouteflika. Même le changement d'appellation du poste de «chef du gouvernement» remplacé par celui de «Premier ministre» ne signifie rien d'autre qu'un rappel à l'ordre institutionnel signifiant que le chef de l'exécutif n'est autre que le président de la République et que le Premier ministre n'est que «le premier parmi les ministres» et qu'il n'est réellement responsable que devant lui.
Instabilité gouvernementale
Dans la nouvelle mouture de la Constitution, le Président est au centre du pouvoir : en fait il est le pouvoir. Tout émane de lui et il n'a de compte à rendre à aucune autre institution.
La possibilité constitutionnelle de créer, en cas de besoin, deux postes de vice-Premier ministre fait partie d'un jeu politique qui ne sert qu'à «positionner» les actuels ministres d'Etat, chefs de parti de l'alliance présidentielle. Ce qui, une fois de plus, montre que dans l'esprit du Président, l'alliance est constituée définitivement de trois partis, qu'elle est faite pour durer et pour le servir. Et que le jeu des chaises musicales va continuer longtemps, tout le temps qu'il sera en poste.
Le Premier ministre sera toujours choisi parmi les membres de l'alliance, au gré des besoins et/ou des humeurs du Président. La nouvelle mouture de la Constitution ouvre donc bien grande la voie à une instabilité gouvernementale. Tout se passe donc comme si le Président refuse absolument d'imaginer une Algérie où il ne sera plus. Le pays se trouvera donc dans la situation où trois premiers ministres potentiels (les trois chefs de parti de l'alliance présidentielle) s'échangeront souvent leurs places, en fonction des services rendus au chef ou pour tout autre raison connue et voulue de lui seul. Avec le temps, le jeu des chaises musicales s'accélérera et une instabilité gouvernementale chronique s'installera.
Cela s'est déjà vu en Tunisie qui, il y a quelque temps déjà, était dans la même configuration politique, avec un président changeant de Premier ministre au gré de ses humeurs et du jeu malsain de son entourage. Le risque est donc grand que l'Algérie vive une situation identique dans un avenir plus ou moins proche.
Constitutionnellement, les dispositions antes restent donc applicables en cas de décès ou d'empêchement du Président en poste. Le président du Sénat assurera l'intérim pour organiser, dans un délai de 45 jours, de nouvelles élections présidentielles, sans que lui-même n'ait le droit de briguer le mandat. Mais dans la situation politique dans laquelle se trouve le pays, l'avenir est loin d'être serein. La vacance probable du pouvoir à un terme plus ou moins éloigné risque d'aboutir à un nouveau chaos politique qui ne bénéficiera pas cette fois d'un arbitrage de l'armée que l'actuel Président a réussi, après quelques années d'exercice du pouvoir, à éloigner (définitivement ?) du champ politique. Imaginons le scénario le plus probable : le président du Conseil de la nation devient président de la République par intérim et organise de nouvelles élections présidentielles.
Les candidats, qui ont quelques chances de l'emporter, seront issus des partis formant l'actuelle alliance présidentielle (plus quelques autres actuellement dans l'opposition dite démocratique qui, encore une fois, ne feront que de la figuration, tant ils sont divisés et incapables de s'entendre sur une plateforme minimale de gouvernement).
L'alliance présidentielle ne survivra pas à la disparition de son inspirateur : chacun des partis reprendra ses billes et voudra présenter son propre candidat. Les islamistes du MSP, qui préparent depuis longtemps ce moment, seront les premiers bénéficiaires de l'élection : ils disposent d'une base populaire et territoriale importante, d'organisations relais efficaces et bien entraînées qui leur feront gagner les élections haut la main (si bien sûr, ils règlent définitivement leur problème de leadership).
L'islamisation des institutions (ce qui reste encore à islamiser) pourra donc se mettre en marche. L'armée ne pourra pas jouer un rôle d'arbitre et encore moins celui de sauveteur des acquis républicains. La voie sera ouverte à l'islamisme politique qui, aujourd'hui, fait le dos rond, tout en pratiquant très efficacement l'entrisme.
Le FLN, qui connaît actuellement une sérieuse crise de leadership et qui est traversé par des courants idéologiques différents, risque de perdre le peu de crédibilité qui lui reste (liée au statut de parti du Président qu'il perdra à la disparition de ce dernier) au cours de cette élection majeure, dont il sortira complètement lessivé.
Le RND, risque lui aussi de perdre des plumes, bien qu'il soit plus stable et plus serein du fait qu'il ne semble pas avoir jusqu'à présent de problèmes de leadership. Le seul rival naturel de Ahmed Ouyahia ne peut pas avoir de prétentions présidentielles. Il s'agit, bien entendu de Abdelkader Bensalah, le président du Conseil de la nation, qui, dans l'hypothèse posée plus haut, sera le président de la république par intérim et n'aura donc pas le droit d'être candidat aux élections présidentielles.
Ahmed Ouyahia, secrétaire général du parti semble celui qui est le mieux placé pour prétendre à l'héritage de Bouteflika. Mais c'est compter sans ce dernier qui semble refuser tout ce qui peut lui rappeler son départ du pouvoir. Il peut donc faire en sorte d'éliminer un potentiel remplaçant de la scène politique, en le destituant de son poste et en lui créant des problèmes insurmontables au sein du parti qu'il dirige (les potentiels «redresseurs» sont légion dans les partis politiques nationaux).
Cela est bien entendu vrai pour tous les autres potentiels concurrents. La révision constitutionnelle en cours est une démonstration magistrale de l'absence totale chez son auteur d'une vision prospective du devenir du pays, que les citoyens sont en droit d'attendre du premier responsable de l'Etat. Elle met en évidence que tout ce qui a de l'importance pour lui, c'est l'instant présent et l'exercice solitaire du pouvoir qu'il a mis beaucoup de temps à récupérer et consolider et dont il veut jouir sans retenue et surtout, sans à avoir peur d'une quelconque concurrence et de l'avenir.
Cela rappelle la situation vécue, il y a quelque temps par un pays voisin, la Tunisie, dont la stabilité gouvernementale a pâti des humeurs changeantes de son président à vie qui a dû subir longtemps les affres d'une gouvernance chaotique d'un Président totalement coupé de la réalité. En Algérie aussi, nous nous trouvons dans la situation de quelqu'un qui a goûté aux délices du pouvoir absolu et qui ne veut en aucun cas le perdre. Est-ce cela qui attend le pays, avec un Président qui tient à rester indéfiniment au pouvoir ?
Rachid Grim : Politologue
Note de renvoi
(1) «La Constitution, une révision… pour quoi faire ?», R. Grim , El Watan des 5 et 6/11/2006.


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