Agé de 25 ans, H. Abdelwahab ressemble à ces jeunes que l'on croise tous les jours dans la rue. Néanmoins, les vieux vêtements raccommodés qu'il porte trahissent l'échelon de son statut social. Selon l'acte d'accusation, en août 2008, il s'est emparé d'une paire de ciseaux et a porté trois coups au thorax de son père, H. Amara, 52 ans, après une énième altercation au domicile familial, sis au faubourg St-Pierre. La victime a succombé sur les lieux suite à une forte hémorragie. Elle s'est vidée de son sang bien avant l'arrivée des secours. L'auteur du parricide a pris la fuite sans se soucier du sort de son géniteur. Il a été épinglé après une brève cavale par les enquêteurs de la police criminelle. Les yeux brillants, il déclare sans ambages d'une voix rauque : « Oui j'ai tué mon père. Je voulais en finir avec cette misère qui me collait à la peau depuis ma tendre enfance. » Le président l'invite à expliquer clairement ce qui l'a poussé à commettre son acte. « Prenez tout votre temps, nous vous écoutons », lui dit-il. L'accusé balaie d'un regard inquisiteur les membres du tribunal criminel, temporise un moment pour chercher ses mots, avant de narrer : « Ma famille, qui s'entasse dans un taudis malpropre, a toujours vécu la misère. J'ai intégré le monde du travail à l'âge de 10 ans. Mon père m'a obligé à quitter l'école sous la pression de ma marâtre. Il me menait la vie dure en me battant régulièrement. » « A un âge mineur, vous avez été condamné à 5 ans de prison ferme pour avoir grièvement blessé votre père avec un tournevis. Vous n'avez purgé que 18 mois de votre peine avant d'être libéré », l'interrompt le magistrat. H. Abdelwahab semble avoir été pris au dépourvu, il balbutie : « J'ai bénéficié d'une grâce pour bonne conduite. » Il change subitement de couleur et ses yeux de furet lancent des éclairs lorsqu'il glapit : « J'aurais préféré rester en prison que d'être à la maison avec mon père et ma marâtre. Là au moins j'avais la paix. » Cette confidence interloque le plus imperturbable des présents à l'audience du tribunal criminel, le 17 mai. Le représentant du ministère public a fait remarquer que « l'accusé s'emmêle dans des déclarations contradictoires pour justifier son odieux acte et tente de susciter la compassion ». L'avocat général a conclu son réquisitoire en requérant la peine capitale. Commis d'office, le défenseur met en évidence dans sa plaidoirie la déplorable situation sociale de son mandant et les mauvais traitements qu'on lui a infligés durant son enfance avant de demander le bénéfice des circonstances atténuantes. Au terme des délibérations, le tribunal criminel a maintenu la peine requise. La requête de la défense a été rejetée par le jury.