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Quel sol fais-je ? Quelle harpe ai-je ?
Haroun Rachid. Co-compositeur de Qassaman, chef d'orchestre
Publié dans El Watan le 04 - 06 - 2009

« La liberté signifie la responsabilité. C'est pourquoi la plupart des hommes la craignent. »
Bernard Shaw
Haroun Rachid !
A la simple évocation de ce prestigieux nom, on se surprend à rêver aux mille et une nuits, à cette période faste et prospère dont le maître d'œuvre, Haroun Rachid, cinquième calife, reste l'un des personnages qui a toujours fasciné les foules arabes en quête d'un bonheur et d'un prestige perdus.
C'est lui, en effet, qui va porter à son apogée l'empire arabe et la dynastie des Abbassides. Sous son règne, Baghdad devient la cité la plus remarquable de l'univers, les Arabes se contentent depuis de méditer sur les vestiges. Grandeur et misère de l'Irak plongé aujourd'hui dans la désolation et cerné par la mort. Alors, lorsque nous lui demandons pourquoi avoir choisi ce nom d'emprunt, notre interlocuteur s'anime, sursaute et exhibe sa carte d'identité : nom Haroun, prénom Rachid, qui signale à ce propos, comment son père, Benaïssa, modeste épicier au boulevard Bru, a dû faire ce choix. Un jour d'hiver, raconte Rachid, le propriétaire de l'immeuble où nous habitions, M. Fernando, ayant appris ma naissance, suggéra ce prénom à mon père. « Rachid avec Haroun ça fera la paire, lança-t-il et puis c'est un motif d'orgueil pour vous les Arabes, cela vous rappellera l'un des califes dont vous vous vantez tant. » Mon père, d'abord surpris, finit par accepter de bonne grâce cette proposition. Rachid est né par une nuit d'hiver de l'an 1932 à Belcourt. Il fit l'école indigène Ollivier, à l'allée des Mûriers, puis gravit les échelons jusqu'au certificat d'études qu'il décrocha en 1945. Il poussa ses études jusqu'à la classe terminale. En parallèle, il toucha à la musique grâce au concours du professeur Ferdinand Ribera, un Franco-Italien qui excellait dans le violon, au même titre d'ailleurs que son fils Charles, « un jeune très doué qui a été pour beaucoup dans mon perfectionnement. Cela m'a permis d'accéder en 1945 à l'annexe du conservatoire de Paris qui se trouvait à l'actuelle place des Martyrs. Mon père n'y trouvait pas d'inconvénient, même s'il insistait pour que je me mette plutôt au piano ! Evidemment, lorsque M. Ribera a vu que j'avais des dons, il n'hésita pas à m'encourager. Par un jeu de hasard et de circonstances, j'ai passé le concours, un concerto, et j'ai été admis. J'ai poursuivi mes cours aux côtés de Charles Monier », se souvient le musicologue, dont la destinée était toute tracée.
Une destinée toute tracée
C'est à la fin des années 1920 que l'Algérie a reçu la visite des premières troupes théâtrales du Moyen-Orient. Véritable découverte fascinante pour des Algériens, sevrés de spectacles. Au plan local, porté par sa voix de ténor, Bachtarzi sauvait la mise en modernisant les airs les plus traditionnels. C'est dans cette ambiance, et plus tard, bercé par les mélodies moyenorientales, surtout égyptiennes, que Rachid fit son chemin. La création d'une station de radiodiffusion à Alger, au milieu des années 1930, a beaucoup aidé les artistes, constituant un pendant à l'influence égyptienne grandissante. Rachid saura en tirer avantage en s'y produisant à la fin des années 1940, en s'attachant à préserver le cachet de l'authenticité. Bien que la musique algérienne moderne soit restée ouverte à toutes les influences, même celles des modes passagères (espagnolades, rambas, tangos, pop-music), elle a toujours su digérer ces influences sans trop laisser défigurer son originalité. Au déclenchement de la lutte armée, Rachid rangea ses instruments pour devenir chef de cellule OCFLN à Alger. Il est arrêté en 1957 par les paras et connaîtra les affres de la détention aux côtés de Messaoudi Zitouni, Sid Ali Abdelhamid, Tahar Chbouki, Ahmed Aroua, Aïssat Idir, Djermane Rabah, etc. Il est trimballé de camp en camp. De la piscine d'El Annassers à Sidi Chahmi, Paul Cazelles et Bossuet. En 1959 en pleine guerre, Rachid crée l'Orchestre national de variétés. « Quand, le premier, j'ai dirigé à la baguette, les Egyptiens, pourtant réputés, qui apprenaient les partitions par cœur, en riaient. Cela ne les a pas empêchés quelques semaines après d'en faire autant. » Puis Rachid lance l'Orchestre symphonique. Lamine Bechichi, son ami, ancien ministre et musicologue dira de lui : « Rachid avait des capacités innées pour diriger. Sous sa direction, les musiciens sont tous devenus par la suite des chefs d'orchestre. » Rachid rappelle que c'est à son initiative et à ses frais qu'il a fait venir de l'étranger Boudjemia Merzak, virtuose s'il en fut, Taysir Akleh, son épouse Nadia. D'autres qui ont travaillé sous sa houlette comme Kortebi Cherif, Malek Ahmed, Abdellah Kriou se sont tracé un chemin singulier. « Quand Rachid se met à faire de la bonne musique, à fignoler de jolies mélodies et qu'en plus il a le privilège de pouvoir jongler avec les mots et les vers, rares sont ceux qui peuvent lui résister », confie l'un de ses vieux amis. « Je peux m'enorgueillir d'avoir créé l'orchestre symphonique avec des musiciens de plusieurs nationalités qui exerçaient en Algérie. Cet orchestre était considéré comme le deuxième en Afrique après l'Egypte. » Et puis, rassemblant des fragments de souvenirs épars, Rachid se souvient que l'une de ses compositions, Nassamat, avait été exécutée par les Soviétiques à Moscou, le morceau leur ayant plu. Par delà les dizaines de morceaux dont les plus notables sont Nassim, Min dimaï el qoloub, Nachid el oummal, Rachid n'est pas peu fier d'être co-compositeur de Qassaman. Les percussions qui font l'entrée en matière de l'hymne national, rugueuses, martiales et déterminées, c'est lui. « C'est le seul hymne au monde qui commence par la percussion. C'est original. » commente-t-il. Lamine Bechichi, auteur de recherches sur les chants patriotiques a fait remarquer que la version « tchèque » du compositeur égyptien Mohamed Faouzi, ne comportait pas l'entrée « percutante » créée par Haroun.
Qassaman, c'est aussi lui
A l'actif de Rachid, de nombreuses compositions. Il improvise avec les notes des partitions qui marqueront d'un style et d'un esprit cette époque d'invention où la musique était déjà une fenêtre ouverte sur la liberté. Je ne sais qui avait dit que la musique dans les dangers, élève plus haut les pensées. Rachid, qui s'en est inspiré, a longtemps côtoyé le Dr Ahmed Aroua, « un homme sincère et pur » qui était à la fois médecin, poète, penseur, nationaliste morchid et humaniste. Les paroles de l'hymne des travailleurs Nachid el oummal ont été écrites par lui au camp de détention de Bossuet. C'est à l'instigation de Aïssat Idir, créateur de l'UGTA, détenu lui aussi, qu'Aroua se mit à écrire les paroles sublimes de cet hymne. « Je me souviens que Aïssat Idir ne cessait de contacter, dans la baraque du camp, Aroua pour discuter avec lui des idées clés qu'il fallait faire ressortir dans l'hymne. Aïssat était exigeant et Aroua très patient. Lorsque la mouture finale des paroles du nachid fut agréée par Aïssat Idir et Aroua, pendant l'hiver 1957/1958, ils sont venus me trouver à ma baraque pour que j'en compose la musique. L'entreprise n'était pas si simple, car dans ce camp de Bossuet où je me trouvais avec Aroua et Aïssat, je n'avais ni instrument ni papier à musique à ma portée. Mais comme on dit, avec la volonté on fait des miracles et avec des bouts de papier et la mémoire, la musique de Nachid el oummal fut composée par moi en ce même hiver. Cela n'empêcha pas Aroua, qui était un perfectionniste, de changer de temps à autre une parole ou une autre au poème de l'hymne. Aïssat, quant à lui, venait me demander de fredonner la mélodie du chant que je venais de composer, peut-être pour voir s'il était assez martial. Puis vint le jour où commencèrent les répétitions avec la chorale des détenus de Bossuet. Le camp se métamorphosa en grande salle des fêtes. Nachid el oummal fusait de partout jusqu'au jour de sa présentation officielle aux membres de l'UGTA, clandestinement, à cause des miradors qui nous cernaient de toutes parts. » Depuis, Rachid est professeur au conservatoire, chef d'orchestre, compositeur.
La musique, ennemie du mal
Là où est la musique, il n'y a pas de place pour le mal, disait Cervantès, qui fut captif à Alger et dont le quartier de Rachid à Belcourt porte le nom. Pour Rachid, l'âme humaine est toujours assoiffée d'amour, d'argent. Pour celui qui a soif, la musique représente tout. « Je me suis toujours interrogé et ce n'est pas de la démagogie. Les Algériens sont attirés par la musique et le rythme. Malheureusement cette potentialité n'est pas orientée vers l'harmonie, elle reste confinée dans l'animation. On peut dire qu'au point de vue distraction, il y a de tout mais le niveau laisse à désirer. C'est de la musiquette », plaisante-t-il. Y a-t-il des efforts pour encourager la création ? La mine dubitative en guise de réponse en dit long. Et puis, notre musicien de nous raconter cette anecdote : « J'étais membre d'une association avec le regretté Abdelwahab Salim qui avait un grand projet et avait sollicité 1 milliard des autorités. Celles-ci lui avaient répondu qu'il y avait des priorités et que cet argent ferait mieux de servir à l'achat d'une cargaison de… lentilles ! Moi je dis que la musique est aussi une priorité. Il faut cultiver les esprits au même titre que la pomme de terre. Mais à voir la réalité, il y a de quoi pleu- rer ! Cela fait mal au cœur de voir tant de déperditions ! » Rachid, qui se dit influencé par le romantisme de Beethoven, se méfie toutefois des intrusions occidentales qui dénaturent les musiques originelles et les rendent plus vulnérables. « La musique orientale est en train de dépérir, tout comme le raï pour lequel j'ai beaucoup de respect, quand bien même cette musique a été dévoyée par certains qui l'utilisent à des fins peu recommandables. C'est comme le vent. A l'instar des modes, ce style a tendance à disparaître même s'il permet à des jeunes de se défouler, de dégager leur surplus d'énergie, d'exprimer leur détresse et leur mal être. » Un message à livrer aux jeunes épris de musique ? Rachid fait appel à cette métaphore pour exprimer son sentiment. « Un jour, on avait apostrophé Edison, le célèbre inventeur américain, Maître, lui a-t-on dit, vous avez du génie ? Il leur répondit peut-être, prenant la précaution de les avertir. C'est 1% d'inspiration et 99% de transpiration. » « Je dis aux jeunes de s'accrocher, de faire avec cœur ce qu'ils aiment de ne jamais désespérer de faire des recherches et de ne pas hésiter à se rapprocher de la musique universelle. L'environnement n'est peut-être pas propice, mais il faut se battre. C'est le prix à payer pour sortir des chemins tortueux et incertains. En définitive, c'est important la musique. C'est la seule chose qui fédère les jeunes et, comme dirait Nietzsche sans elle la vie serait une erreur. »
PARCOURS
Enfant de Belcourt, Haroun Rachid y est né le 30 janvier 1932. Il y a fait toutes ses classes, tout en aidant son père, épicier au boulevard Bru. Attiré par la musique, il fera le Conservatoire d'Alger et en sortira avec une solide formation. Membre de l'OCFLN, il sera arrêté et détenu à Bossuet de 1957 à 1961. A l'indépendance, il sera à l'origine de la création des orchestres de variétés et symphonique. Il est co-compositeur de l'hymne national Qassaman. A son actif, plusieurs compositions et une carrière de formateur en qualité de professeur émérite au Conservatoire d'Alger. A 77 ans, Rachid continue d'activer car, comme il le soutient, « ce métier n'a pas de limites ».


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