L'affaire Mecili entre dans une nouvelle phase avec la tenue de la fameuse confrontation entre le diplomate algérien, Mohamed Ziane Hasseni, soupçonné par la justice française d'être le commanditaire de l'assassinat de Ali Mecili, en avril 1987, et les deux témoins de cette affaire, à savoir le colonel Mohamed Samraoui et l'ancien capitaine Hichem Aboud. Au terme de cette confrontation de quatre heures et à laquelle Samraoui assistait via une visioconférence à partir de l'Allemagne, la défense de Ziane Hasseni a marqué un point décisif vers l'acquittement de son client. C'est qu'aujourd'hui, Mohamed Samraoui, principal accusateur de Hasseni, est revenu en partie sur ses accusations. Les détails de la confrontation. Jeudi 4 juin, la salle des confrontations au Tribunal de grande instance à Paris. Mohamed Ziane Hasseni, costume gris et chemise blanche, est assisté de ses deux avocats, Hervé Temmim et Jean-Louis Pelletier. D'Allemagne où il réside en qualité de réfugié politique, Mohamed Samraoui intervient à travers un visiophone. Antoine Comte, avocat de la partie civile et deux juges d'instruction, notamment Alain Philibeau, complètent le tableau. Le juge à Samraoui : « Est-ce que la personne que vous voyez à l'écran est bien le capitaine Hassani ? » « En émettant un léger doute, répond Samraoui, il s'agit de lui. » Il souligne reconnaître en Mohamed Ziane Hasseni la personne qu'il avait rencontrée en 1987 dans un hôtel à Skikda en présence de l'assassin présumé d'Ali Mecili, Abdelmalek Amellou. Ce jour-là, Amellou s'est fait remettre une valise contenant 800 000 francs, le prix pour lequel il s'était engagé à tuer Mecili. A son tour, Mohamed Ziane Hasseni soutient qu'il ne connaît pas Mohamed Samraoui, qu'il ne l'avait jamais rencontré auparavant. Durant une heure et demie d'échanges, la confrontation tourne à l'impasse. L'ancien numéro 2 du service de la recherche et de l'investigation du DRS maintient son accusation contre Hasseni et ce dernier dément avoir un lien avec le meurtre de Ali Mecili. Entre alors dans la salle des confrontations le deuxième témoin, Hichem Aboud. C'est Aboud qui a été à l'origine de la réouverture du dossier Mecili suite à l'interview qu'il avait accordée en juin 2001 à l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur dans laquelle il affirmait que l'ordre de tuer l'avocat franco-algérien émanait du général Larbi Belkheir, alors directeur de cabinet de la présidence. Entendu en juillet 2001 par un juge parisien, Aboud maintient ses propos. Depuis l'arrestation en août 2008 de Mohamed Ziane Hasseni, il soutient que ce dernier n'est mêlé ni de près ni de loin à cet assassinat. Jeudi 4 juin, sa version initiale n'a pas bougé d'un poil : le capitaine Rachid Hassani est bel et bien le commanditaire du crime et non le diplomate Hasseni. Lorsque le juge demande à Hichem Aboud s'il connaissait la personne assise à sa droite, en l'occurrence Ziane, Aboud répond par l'affirmative. Ces deux-là se connurent en 1985 (voire en 1986) lorsque Ziane était conseiller au ministère de l'Habitat. Plus tard, ils se croiseront à l'époque où Ziane travaillait au service du protocole de la Présidence. Le juge : « C'est pas lui le capitaine Hassani Rachid ? » Aucun doute, ce n'est pas lui répond Aboud. C'est que ce dernier connaît également le capitaine Rachid Hassani dont il est cousin, originaire comme lui d'Oum El Bouaghi, dans les Aurès. « Il ne peut pas y avoir la moindre confusion entre les deux hommes », tranche Aboud. La confrontation se poursuit sans que l'affaire n'avance d'un pouce. Au bout de trois heures de dialogues, Samraoui évoque un détail qui constituera un tournant dans le dossier. Au juge, il dira en substance : « Pour protéger son cousin, Hichem Aboud n'a pas mentionné que le capitaine a été en poste à Bamako en 1988. » Le juge demande alors à Aboud si son cousin le capitaine Rachid Hassani était effectivement en poste au Mali en 1988. « Affirmatif », répond-il. Le magistrat se tourne vers Mohamed Ziane Hasseni pour lui demander s'il a séjourné au Mali comme diplomate ou comme touriste à la date indiquée par Samraoui. Hasseni répond par la négative. Il ne s'est jamais rendu en 1988 au Mali ni en qualité de diplomate ni pour un séjour privé. A ce moment de la confrontation, le témoignage de l'ex-colonel prend du plomb dans l'aile. Le juge relance Samraoui : « Maintenant qu'il est établi que Mohamed Ziane Hasseni n'a pas été en poste au Mali en 1988, est-ce que vous maintenez que Ziane est le vrai capitaine Rachid Hassani ? » Là, intervient le tournant. Samraoui parle : « En entrant aujourd'hui dans cette salle j'avais 99% de certitude que c'était bien lui. J'ai laissé 1% pour le doute. Maintenant, je suis à 50-50, parce que j'ai des doutes sur le timbre de la voix et non la physionomie… » L'assistance éclate de rire. Commentaire d'un des avocats de Hasseni : « Nous avons gagné 50% du chemin. » La défense intervient pour contester les accusations de Samraoui en précisant que ses témoignages sont truffés de mensonges et de contradictions. Antoine Comte, avocat de la partie civile, rectifie le tir en soulignant que Samraoui s'est montré honnête dans la mesure où il a émis des doutes sur l'identification de Mohamed Ziane Hasseni. Le juge fait remarquer à Mohamed Samraoui que depuis le début de cette affaire, son témoignage est basé sur des déductions plutôt que sur des convictions et qu'il s'est souvent trompé sur la physionomie des gens et des documents qu'on lui a présentés.L'ancien colonel explique alors à l'assistance avoir subi des pressions, du chantage et des tentatives de corruption pour témoigner en faveur de Mohamed Ziane Hasseni. De quelle nature sont ces pressions ? Il n'en dira pas davantage. Compte tenu de ce nouvel élément qui est intervenu dans ce dossier – les doutes de Samraoui sur l'implication de Mohamed Ziane Hasseni dans l'assassinat de Mecili –, le juge d'instruction, Alain Philibeau, décide donc d'organiser une nouvelle réunion à Paris à laquelle serait physiquement présent Mohamed Samraoui. Les avocats de la défense acquiescent. L'avocat de la partie civile demande au juge de prendre les mesures nécessaires pour permettre au colonel Samraoui, objet d'un mandat d'arrêt international délivré contre lui en octobre 2007, de se rendre en toute quiétude dans la capitale française pour assister à cette nouvelle confrontation. Sans doute, la dernière avant que l'affaire Mohamed Ziane Hasseni ne connaisse son épilogue.