La justice a pour fonction de juger les justiciables et c'est bien la première fois en Algérie qu'elle est elle-même appelée à la barre, qu'elle consent à s'autojuger et à se regarder dans la glace. En cela, le séminaire de formation organisé lundi par le ministère de la Justice et qui a regroupé les magistrats du parquet et les juges d'instruction constitue une véritable révolution dans le fonctionnement de l'institution judiciaire qui casse ainsi un vieux tabou qui avait fait des magistrats des hommes infaillibles et intouchables. Le déballage auquel se sont livrés aussi bien les procureurs que les juges d'instruction qui se sont dit pour la première fois publiquement les vérités en face sur les dysfonctionnements constatés dans la gestion de l'appareil judiciaire est un premier pas important dans l'effort de réhabilitation ou de refondation du système judiciaire. Qui n'a pas eu à se plaindre des lenteurs de l'appareil judiciaire ou des décisions de justice qui rendent les recours en appel presque systématiques, alourdissant de ce fait la gestion des tribunaux qui voient ainsi des affaires traîner parfois des années à leur niveau, passant dans l'indifférence totale et le mépris du justiciable d'une chambre à une autre, d'une cour à une autre, dans un dédale sans fin. L'aveu du ministre de la Justice devant les magistrats présents à cette rencontre a de quoi donner des frissons dans le dos. « La moitié des chambres d'instruction est mal gérée », a reconnu M. Belaïz. Ce qui signifie en plus clair que les dossiers ficelés au niveau de ces structures où se tracent les sillons de fonds de la recherche de la vérité ne bénéficient pas dans la moitié des cas de toutes les garanties en termes de moyens, de coordination entre les différents maillons du système judiciaire, d'efficacité et il ne faut pas se le cacher parfois aussi de compétences des magistrats. Une audience où sont enrôlées en une seule journée plus d'une centaine d'affaires où se mêlent le petit larcin et le délit grave peut-elle raisonnablement constituer un gage de sérénité pour les magistrats chargés de juger les affaires qui leur sont soumises ? Ployant sous le poids des affaires en souffrance, les tribunaux sont devenus des machines à broyer les dossiers. Le rendement du magistrat s'apprécie au niveau de la chancellerie au nombre de dossiers traités ou expédiés et non par rapport à ses compétences et à son professionnalisme. C'est cette vision archaïque et administrative de la justice que la réforme engagée dans ce secteur entend bannir.