Priorités n L'urgence consiste en le bannissement de certaines pratiques qui ont porté un sérieux coup à l'image de marque de la justice. Définir le rôle qui incombe à la justice, améliorer la perception qu'a le citoyen de cette dernière et réhabiliter la mission de l'avocat au sein de l'institution judiciaire, c'est, entre autres, ce qui ressort du point de presse animé hier au centre de presse du quotidien El Moudjahid par Me Abdelmadjid Silini, bâtonnier d'Alger, lequel, il y a lieu de le signaler, vient d'être réélu par ses pairs, à la tête du barreau d'Alger. Sans ambages, le conférencier fera un état des lieux des plus négatifs de la situation dans laquelle prévaut la justice algérienne. «70%, peut-être plus, parmi les justiciables se sentent lésés au regard de la prise en charge de leurs affaires et du dénouement de ces dernières devant les tribunaux», dira l'éminent bâtonnier. Pour ce dernier, et quoi que peuvent en penser certains, «la justice bénéficiait d'une bien meilleure indépendance dans les années 70 qu'elle ne l'est de nos jours». Selon maître Silini, le juge n'est actuellement pas indépendant. De nombreuses parties, à leur tête sa tutelle, s'immiscent dans son travail, n'hésitant pas à lui donner des directives, influant carrément sur le cours du procès. «Le comble, c'est que les magistrats soient notés par le ministère selon des paramètres qui ne sont pas définis de manière rigoureuse. Il ne faut pas se voiler la face, la fonction de juge est beaucoup plus administrative qu'autre chose. Le juge a toujours le sentiment que l'épée de Damoclès est suspendue au-dessus de sa tête et c'est pour cette raison qu'il fait tout pour ne pas déplaire à ses supérieurs hiérarchiques. Je vous le dis en toute franchise : actuellement, le magistrat songe plus à bien gérer sa carrière qu'à préserver les droits du citoyen», assènera l'intervenant qui, par le passé – il y a plus de vingt ans –, avait assumé la fonction de juge avant d'opter pour celle d'avocat car, à l'époque, «il fallait choisir entre verser dans la corruption ou crever de faim au regard des bas salaires en vigueur en ce temps-là.» Concernant les réformes qu'entreprend la justice algérienne, le conférencier se félicitera que de temps à autre, des séminaires, des stages de recyclage sont organisés, sous la houlette d'étrangers, en direction des magistrats algériens car « ce n'est qu'à ce prix que l'on pourra se frotter à autrui et mesurer le retard qui nous reste à rattraper», dira-t-il. Toutefois, Maître Silini tiendra à préciser que les avocats ne sont pas concernés par ses stages de perfectionnement et de mise à niveau. «Nous avons comme le sentiment que l'avocat est beaucoup plus considéré comme ennemi alors qu'il doit constituer un partenaire de premier plan. La justice est un tout indivisible. Pour que cette dernière réussisse, il est vital de conjuguer les efforts de tous», fera-t-il savoir. Dans la foulée, le conférencier reconnaîtra que la profession d'avocat est en déclin au regard de plusieurs facteurs dont les plus importants, à ses yeux, peuvent se résumer en l'hostilité de l'environnement et la faiblesse de la formation des avocats, comparativement à ce qui se faisait il y a 20 ou 30 ans. En conclusion, le célèbre bâtonnier exhortera les pouvoirs publics à écouter davantage les doléances du citoyen et les prendre en charge. «Les citoyens de ce pays ont suffisamment payé, particulièrement à l'apogée du terrorisme. Il est vraiment grand temps de s'occuper d'eux», conclura-t-il.