Le premier responsable de la wilaya de Boumerdès a tenu ces propos lors d'une séance consacrée par l'APW au tourisme. La synchronisation des fermetures enregistrées depuis l'année dernière dans plusieurs wilayas du pays en dit long sur le caractère global de cette « mesure ». Boumerdès. De notre bureau L e wali de Boumerdès persiste et signe : il n'autorisera jamais l'ouverture de commerces de boissons alcoolisées à l'échelle de la wilaya. Sa réponse à la question d'un élu du FFS, M. Mokrani en l'occurrence, mercredi dernier lors de la session extraordinaire de l'APW, est sans équivoque : « Je ne donnerai jamais de nouvelles autorisations pour la commercialisation d'alcool. Mieux, je ne raterai aucune occasion pour fermer des établissements existants si l'occasion se présente. » Le wali avait fait part de cette position à la même tribune il y a exactement une année. Il faisait la même déclaration après avoir été interpellé par un élu d'un parti islamiste sur les « problèmes que créent les gens qui boivent dans leurs véhicules sur la route du front de mer ». On l'aura constaté mercredi dernier à l'APW : M. Merad refuse de mettre de l'eau dans son vin pour s'épargner l'ivresse de la moralisation islamiste galopante de la société. Fait paradoxal, le premier responsable du département a tenu ces propos lors d'une séance consacrée au tourisme. « Ne me dites pas que les touristes ne viendront pas chez nous parce que nous n'offrons pas d'alcool. Voyez Dubaï : il n'y a pas d'alcool, mais le pays grouille tout de même d'étrangers. » M. Merad ignore-t-il ou feint-il d'ignorer qu'il existe à Dubaï des établissements qui commercialisent des boissons alcoolisées ? Mieux, il y a des discothèques et des boîtes de nuit dans ce pays arabe et musulman, résolument tourné vers l'Occident afin d'assurer sa survie à l'imminent épuisement des réserves pétrolières. La technologie importée leur a fait construire des bars avec une décoration intérieure en glace qui donne une très basse température que peuvent apprécier les gens qui viennent des pays froids en y sirotant un whisky. Cela, tout le monde peut le vérifier rien qu'en effectuant une petite recherche « Dubaï nightclubs » via Google. Le tourisme est avant tout une culture. C'est surtout la tolérance. Un touriste est un homme ou une femme qui dispose d'une somme d'argent qu'il est prêt à dépenser en contrepartie d'un certain plaisir. D'une liberté. Evasion fiscale Mais il est clair que les walis eux-mêmes ne décident pas de leur propre chef. Sur ce sujet, ils semblent obéir à une feuille de route émanant des autorités supérieures de l'Etat. La synchronisation des fermetures enregistrées depuis l'année dernière dans plusieurs wilayas du pays en dit long sur le caractère global de cette « mesure ». Partout, les pouvoirs publics ont exploité des irrégularités découlant de changements dans la réglementation pour fermer des bars et autres commerces d'alcool. A Boumerdès, 3 établissements ont été fermés depuis l'arrivée de Brahim Merad à la tête de la wilaya, il y a une année ; l'un d'eux pour « ne pas avoir payé le loyer depuis quelques années » à l'administration, justifie-t-on. Un autre pour avoir continué à exploiter durant des années l'autorisation initiale délivrée par la wilaya d'Alger. « Depuis que Boumerdès est érigée au rang de wilaya, nous avons continué à travailler normalement et à payer nos impôts sans qu'aucune partie ne nous invite à renouveler l'autorisation auprès de la wilaya de Boumerdès. Jusqu'au jour où ils sont venus nous notifier la décision de fermeture », nous a déclaré le fils du patron dudit bar quelques jours seulement après la fermeture. Ce n'est pourtant pas la demande qui manque sur l'alcool à Boumerdès. « Nous allons à Alger, Rouiba ou Tizi Ouzou pour boire. Il n'y a pas longtemps, deux de mes amis ont été victimes d'un accident de la route la nuit en revenant de Tizi Ouzou. S'ils avaient où boire ici ils ne seraient pas allés se tuer sur la route. Le wali et ceux qui lui dictent cette voie n'ignorent pas cela ; ils préfèrent exercer une répression. Ceci est le seul mode de gestion du pouvoir en place », commente un élu local. Pourtant, cela n'arrange en rien les affaires de la cité : c'est le manque d'espaces autorisés où les gens peuvent boire tranquillement qui a induit la prolifération des commerces non autorisés qui, sans diminuer le volume d'alcool vendu, favorisent l'évasion fiscale. Et c'est le Trésor public et le citoyen qui en pâtissent. En outre, le wali et ses chefs créent une crise là où il ne devrait pas y en avoir, encourageant ainsi une spéculation innommable. Résultat : l'alcool se vend cher à Boumerdès. De telles mesures et pareils propos ont induit une pression des milieux islamistes sur les bars et les points de vente d'alcool au chef-lieu même de la wilaya de Boumerdès. En effet, des descentes ont été enregistrées chez les commerçants de boissons alcoolisées de Oued Tatareg ces deux derniers mois. « Trois vendredis consécutifs, des individus venus droit de la mosquée sont venus nous menacer et nous fermer », témoignent des commerçants. Pourtant dans les années 1990, les responsables locaux étaient incités à encourager l'ouverture de bars dans toutes les communes de la wilaya. « Je me rappelle qu'en 1994 ou 1995, j'avais reçu une correspondance du ministère de l'Intérieur incitant à favoriser et à encourager la commercialisation d'alcool afin de lutter contre l'islamisme », nous a déclaré un ex-président d'APC. Les temps ont changé. Les déclarations du wali de Boumerdès renseignent sur la confusion entre l'application des lois de la République et la volonté d'un individu.