Journées d'étude au Centre d'information et de développement des sciences sociales et humaines (CRIDSSH) à Oran. Intitulé « Les héritages de Mammeri », les journées d'étude, organisées mercredi et jeudi derniers au Cridssh par le Haut commissariat à l'amazighité, en collaboration avec les associations Numidia d'Oran et la Ligue des arts cinématographiques et dramatiques de Tizi Ouzou, ont permis l'initiation, loin du mythe, d'un débat sur la vie et l'œuvre de l'écrivain, tout en essayant notamment de clarifier la notion d'engagement dans la littérature. « C'est presque à contrecœur, affirme par exemple Youcef Merahi du HCA, que Mouloud Mammeri a accepté en 1980 d'être propulsé au-devant de la scène politique du moins, du combat pour la reconnaissance de la culture et langue amazighes. » Il a été invité par les étudiants pour donner une conférence sur les Poèmes kabyles anciens, également l'intitulé d'un de ses ouvrages (un autre pan de l'œuvre de l'auteur de L'Opium et le Bâton), mais l'interdiction qui lui a été signifiée par les autorités de l'époque, sans que cela ne soit officiel (c'est-à-dire par écrit), a été l'élément déclencheur des événements qui allaient dépasser le cadre strictement estudiantin pour devenir un mouvement populaire revendicatif de la démocratie. M. Merahi s'est basé sur l'entretien que Tahar Djaout a consacré à l'écrivain au sujet duquel il rappelle qu'il a toujours été frustré de ne pas utiliser la langue de ses ancêtre pour écrire ses romans. D'où son investigation académique pour la sauvegarde du patrimoine oral. L'autre date pour laquelle Mammeri a été mêlé à une polémique qui le dépassait est celle relative à la parution en 1952 de son premier roman, La Colline oubliée. Cet aspect a été bien développé par Noureddine Saâdi de Constantine, qui a restitué non seulement le débat dans son contexte historique, mais aussi dans l'histoire de la littérature et celle du roman en particulier. De quoi s'agit-il ? A sa sortie La Colline oubliée a été très vite accueilli très favorablement par la critique littéraire française autant en France qu'en Algérie et même par les journaux coloniaux. Cette reconnaissance et les prix qui ont été décernés (et que l'auteur a refusé d'aller prendre par peur de récupération politique) ont soulevé une réaction violente (verbalement parlant) de l'élite intellectuelle nationaliste et communiste algérienne, accusant l'auteur de cette œuvre intimiste de ne pas prendre en considération, à l'intérieur du roman, les notions de combat pour l'indépendance. « Cette conception qu'on se fait de la littérature est, d'une part, historiquement datée et, de l'autre, n'est pas propre à l'Algérie », note le conférencier qui, en mettant en avant les deux questionnements « qu'est-ce que l'engagement d'un écrivain et quelle peut être l'utilité d'une œuvre ? », va expliquer, se basant sur les écrits de l'époque diffusés d'un côté comme de l'autre, que les enjeux politiques vont très vite transcender la littérature.