Près de cinquante ans après les indépendances, l'Afrique n'a pas encore apuré le contentieux de la bonne gouvernance. Le continent défraie l'actualité, avec une inquiétante régularité, par des coups d'Etat à répétition, des confits récurrents entre pays voisins et des guerres civiles interminables. Peu de pays échappent à des turbulences de toute évidence suscitées et entretenues pour saper l'aspiration des peuples à l'émergence démocratique. Le tableau inciterait au pessimisme s'il n'y avait pas l'exemple de pays qui, à l'instar du Ghana ou de l'Afrique du Sud, nourrissent l'espoir d'une culture de l'alternance pacifique et librement consentie. Autrement, force est de constater que l'Afrique ne rompt pas avec cette image de présidents despotes et tyranniques qui accaparent des pays qu'ils dirigent comme des propriétés personnelles vouées à rentrer dans le patrimoine familial. C'est ainsi que les noms de plusieurs chefs d'Etat ont été cités, en France, comme passibles de poursuites judiciaires au motif de l'usage personnel qu'ils ont fait des finances publiques de leurs pays respectifs. Ces dirigeants n'auraient sans doute pas duré pendant des décennies au pouvoir s'ils ne bénéficiaient pas de puissantes protections extérieures. Ce sont des pays, nombreux, dont la France continue de considérer dans sa zone d'influence. Cela ne surprend pas dans la mesure où ce sont des pays qui recèlent des ressources colossales. C'est en Afrique que la France puise par exemple l'uranium nécessaire à la bonne marche de son complexe. Ce n'est peut-être plus la France Afrique sur laquelle le général de Gaule voulait avoir la haute main, mais ça y ressemble. Il serait naïf de croire un seul instant que la France envisage d'abandonner ses positions acquises en Afrique au profit de concurrents mis en appétit par le pétrole et les minerais disponibles à profusion sur le continent. Il ne serait donc pas productif que l'Afrique retrouve enfin la stabilité après avoir enduré pendant des siècles le traumatisme de l'esclavage, puis de la colonisation. Les présidents despotes, survivances de cette ère coloniale, sont précisément en place pour agir en fondés de pouvoir de l'ancienne puissance. Rien d'étonnant que des chefs d'Etat convaincus d'abus de publics circulent le plus normalement du monde et ne fassent pas l'objet de la moindre poursuite. C'est la citoyenneté africaine qui s'en trouve une fois de plus bafouée par une justice à géométrie variable qui sacrifie à la raison d'Etat au détriment de la dignité. Il reste la consolation, bien mince, de se dire qu'il reste le tribunal de l'histoire pour que soit faite la part des choses. On se souviendra alors que c'est pour que l'Afrique reste aux Africains que des héros comme Patrice Lumumba ou Amilcar Cabral ont fait le sacrifice de leur vie. Ce n'est pas dans ce continent aussi mis à mal que ces martyrs reviendront cette semaine.