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MARIE-JOELLE RUPP :
�La vie de Serge Michel �tait cloisonn�e�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 12 - 04 - 2007

Pour l��crivain, sc�nariste, Jean-Claude Carri�re, Serge Michel est un �fant�me du si�cle�, �un coureur de grands chemins�. Pour la cin�aste Sarah Maldoror, c�est un aventurier des r�volutions. Et s�il est blanc, pour son ami Patrice Emery Lumumba, il a n�anmoins du c�ur, et il l�a noir, bien entendu. Pour certains, il se nomma Olaf ou Saint-Andr�.
A Rome, Monsieur Christian et pour les Suisses Docteur Xavier pendant la guerre de Lib�ration. Mais il est connu, y compris pour ses fils qui portent ce nom, sous le pseudonyme de Serge Michel par tous ceux qui ont particip� aux mouvements de lutte pour la lib�ration des peuples colonis�s en Afrique. Serge Michel est le pseudonyme de Lucien Douchet, internationaliste, militant de la d�colonisation en Alg�rie et autres pays d�Afrique. N� fran�ais en 1922 � Saint-Denis, dans la r�gion nord de Paris, il meurt alg�rien en juin 1997. Pour son enterrement au cimeti�re El Alia, � Alger, l�Alg�rie lui organise des obs�ques nationales. L�aventure politique � au sens noble du terme � commence pour lui au d�but des ann�es 1950 quand, las d�une vie sans perspective, il quitte la France pour r�inventer sa vie au Sud. A Alger, il se lie d�amiti� avec ce qu�il appelait �le pied gauche de La Casbah�, le petit groupe form� par Kateb Yacine, Issiakhem, Hadj Omar, Sauveur Galliero, Senac� C�est Ali Boumendjel qui l�introduit aupr�s de Ferhat Abbas. Il adh�re alors � la mouvance nationaliste mod�r�e et travaille comme caricaturiste et secr�taire de r�daction, � La R�publique alg�rienne, l�organe de presse de l�UDMA. Apr�s l�insurrection, il entre dans la clandestinit� et s�active � la propagande pour le compte du FLN. C�est ainsi qu�il portera en Suisse un certain nombre de documents comme R�sistance alg�rienne en vue de leur impression et de leur diffusion � travers l�Europe. En 1957, il gagne Tunis et int�gre l��quipe d� El Moudjahid sous la direction d�Abbane Ramdane. Il sera la voix fran�aise de l��mission radio diffus�e depuis Tunis �La Voix de l�Alg�rie�, et travaillera aussi comme sc�nariste sur les films de propagande tourn�s pour la commission cin�ma du GPRA. En 1960, le GPRA l�envoie aupr�s de Lumumba, le chef du gouvernement de la toute jeune R�publique du Congo, venu � Tunis chercher aide et assistance juridique, technique et militaire aupr�s des Alg�riens. Il sera son attach� de presse et deviendra son ami. Condamn� � mort par Mobutu, il s�enfuit et, de retour � Tunis, participe aux c�t�s de Mahieddine Moussaoui � la cr�ation de la premi�re agence de presse alg�rienne, APS. A l�ind�pendance, Salah Louanchi lui confie le recrutement des journalistes de ce qui deviendra El Cha�b puis la responsabilit� du journal. Il organise dans le m�me �lan un stage de journalisme visant � former la premi�re g�n�ration de journalistes alg�riens. Ce sera ensuite l�aventure d� Alger ce soir, premier quotidien du soir cr�� avec Mohamed Boudia en 1964, r�alisation pour laquelle il recevra le grand prix international des journalistes. Serge Michel, ce sera encore le cin�ma alg�rien, le Festival panafricain de la culture en 1969. Certains le verront partout, d�autres nulle part. Mais il est l� agissant discr�tement � la construction de la jeune R�publique alg�rienne. Lorsqu�� la fin des ann�es 1960, il quittera l�Alg�rie estimant ne plus avoir les coud�es franches pour r�aliser ses r�ves, il sera appel� au Congo Brazzaville pour une nouvelle aventure de presse avant la Guin�e Bissau et les �les du Cap- Vert. A la mort du pr�sident Boumediene, il rentre en Alg�rie et s�installe � Alger puis dans le M�zab qu�il quittera en 1994 sous la pression de la mont�e du fondamentalisme. Si l�on se perd parfois dans cette vie foisonnante, lui suit toujours cette petite lumi�re qui le guidera ans sa qu�te et sa conqu�te de libert�.
Le Soir d�Alg�rie : Pour reconstituer cette biographie que vous nous livrez, vous avez d� d�fricher un demi-si�cle de lutte anticoloniale en Afrique. Comment vous est apparue cette p�riode d�exaltation � partir du d�senchantement d�aujourd�hui ?
Marie-Joelle Rupp : Un travail consid�rable pour moi qui partais, pour ainsi dire, de z�ro. J�ai d�abord abord� l�Histoire qui est aussi mon histoire, notre histoire, sous l�angle �motionnel, et m�me intime si j�ose dire. Au d�but de ma recherche, la d�colonisation �tait li�e pour moi � deux figures au destin tragique : le charismatique Patrice Emery Lumumba, celui que l�on surnomma le Che africain, et l�avocat Ali Boumendjel. Serge Michel ne cessait d��voquer leur m�moire et leur martyre illustrait pour moi l�histoire de la d�colonisation dans le sang et la douleur. Je me suis livr�e � un travail d�investigation � partir de quelques indices qu�il m�avait laiss�s : ses deux ouvrages Uhuru Lumumbaet Nour le voil�, ses interviews, ses articles de presse, sa correspondance priv�e, le souvenir de nos entretiens. J�ai travaill� ensuite sur les t�moignages que j�ai confront�s et recoup�s. Une soixantaine de t�moins et acteurs de ce que l�on a appel� les Trente glorieuses de la lib�ration des peuples colonis�s, en Italie, en Suisse, en Belgique, en Alg�rie, en France bien s�r. Travailler sur un personnage comme Serge Michel est tr�s difficile car sa vie �tait tr�s cloisonn�e et chacun n�en connaissait qu�un aspect que les autres ignoraient. Les ouvrages de r�f�rence, ceux de Mohamed Harbi, Gilbert Meynier, Benjamin Stora, Henri Alleg entre autres, m�ont permis de pr�ciser le contexte historique et de donner une r�elle assise � mon travail. Cette recherche �tait exaltante car tous les acteurs de cette �pop�e en gardaient une m�moire tr�s vive et tr�s color�e. J�ai litt�ralement v�cu les moments forts de l�Histoire : Tunis au temps du GPRA, L�opoldville et l�aventure congolaise, les 4 et 5 juillet 1962 � Alger, l�Alg�rie Mecque des r�volutionnaires du monde entier, le Panaf et la venue des Blacks Panthers et du Che. Quant au d�senchantement bien s�r, il �tait l� et les mots r�v�laient parfois l�amertume tout autant que les silences ou les non-dits. Mais chacun s�accordait � penser que ce qu�il avait fait alors, il fallait le faire car la s�gr�gation inh�rente � la colonisation �tait une insulte � l�humanit�. Apr�s, c��tait une autre affaire.
Il y a une dimension personnelle dans ce travail. Racontez-nous la rencontre avec le p�re.
Si je ne vous ai pas dit encore que Serge Michel �tait mon p�re, c�est qu�il m�a fallu avant de me livrer � cette recherche me d�livrer de tout l�aspect �motionnel. J�ai construit ma relation au p�re dans l�absence et dans l�attente. Serge Michel a quitt� la France peu apr�s ma naissance, �sur la pointe des pieds, comme un voleur d�butant�, confie-t-il dans Nour le voil�. Pendant plus de quarante ans, il n�a pas donn� signe de vie � sa famille. En f�vrier 1997, la Cha�ne III rediffuse le film documentaire du cin�aste ha�tien Raoul Peck, La Mort du proph�te, consacr� � Lumumba. Je d�couvre �berlu�e que mon p�re Serge Michel est toujours vivant. Je le retrouve quelques semaines plus tard dans la maison de mes grands-parents � Pierrefitte, dans la r�gion parisienne. Nous nous sommes connus quatre mois jusqu�� sa mort le 24 juin. Quatre mois surr�alistes dans l�attente des questions qui ne se poseront pas, des r�ponses qui ne viendront pas. Quatre mois de tendresse, de douleur, de r�cits exalt�s et au-del� du d�senchantement, de d�sespoirs et d�esp�rance entrem�l�s toujours et encore. Lui disparu, il me fallait partir � sa recherche. R�pondre aux questions que je n�avais pas os� lui poser. Qui �tait cet homme ? Quelle �tait sa qu�te ? Pourquoi �tait-il parti ? Quelle cause valait-elle que l�on quitte sa famille, sa patrie ? Quel �tait ce pays qu�il s��tait choisi ? C�est ce que j�ai essay� de comprendre sur les traces de Serge Michel.
Serge Michel, c�est aussi le cin�ma. Qu�y a-t-il fait et comment s�est-il retrouv� dans ce secteur ?
Ce fut d�abord le cin�ma militant pendant la guerre de Lib�ration. Il fait alors partie de la commission cin�ma du GPRA. Il est dialoguiste et commentateur des films de propagande destin�s � porter � la connaissance de l�opinion publique internationale la lutte du peuple alg�rien. A partir de 1965, il travaille pour Casbah Films, la soci�t� de production de Yacef Sa�di et introduit les cin�astes alg�riens en Italie. Il met ce dernier en relation avec Gillo Pontecorvo pour la r�alisation et la production du film La Bataille d�Alger. Puis il est assistant de Visconti sur le tournage de l�Etranger d�apr�s l��uvre de Camus avant de collaborer � la r�alisation de diverses productions alg�ro-italiennes au sein de l�ONCIC. Tr�s li� � Roberto Rossellini, il travaillera � Rome dans les studios de son fils � la fin des ann�es 1960. Sa derni�re contribution au 7�me art a lieu � la fin des ann�es 1980. Il met en relation Jean-Claude Carri�re � qui m�a fait l�honneur de pr�facer mon ouvrage � et le commandant Azzedine pour le tournage du film C��tait la guerre.
Quand vous dites � son propos �un libertaire dans la d�colonisation �, je serais tent� de vous demander, � la fois, ce qu�est un libertaire et ce qu�est la d�colonisation.
Serge Michel, un libertaire dans la d�colonisation, c�est le sous-titre choisi par mon �diteur. Un choix �clair�, j�en conviens. J�avais, pour ma part, h�sit� entre Gaouri moudjahid dans un premier temps � L��tranger, disait-il, dans ses moments d�amertume ou de lucidit�, c�est moi et non pas celui de Camus � et Un aventurier des r�volutions, avant de renoncer, aventurier pouvant �tre entendu dans un sens p�joratif et r�volution pr�ter � contestation.Certains m�ont dit � propos de Serge Michel qu�il �tait d�mocrate � ce qui n�est pas rien en Alg�rie � trotskyste, d�autres communiste. Lui ne se d�finissait que s�il y �tait tenu par des questions pressantes, toute appartenance �tant par d�finition limitative. Alors, il se disait libertaire et m�me anarchiste libertaire. Et c�est le terme, je crois, qui lui convient le mieux car c��tait cet attachement visc�ral � la libert� de penser, de s�exprimer, de d�sirer qui �tait le moteur de son engagement. D�ailleurs, le choix de son pseudonyme confirme ce positionnement : Serge comme Victor, r�volutionnaire russe, anarchiste avant de s�engager aux c�t�s des Bolcheviks, et Michel comme Louise, la vierge rouge de la Commune de Paris, haute figure de l�anarchisme. En tant que libertaire, pour qui la libert� individuelle n�a de sens que si elle s�accomplit dans la libert� de tous, la d�colonisation �tait un lieu privil�gi� d�action et la r�volution un mouvement perp�tuel non r�ductible � un �v�nement, mais toujours � recommencer. D�s lors, les contradictions ne pouvaient �tre que flagrantes entre ses aspirations libertaires et la discipline inh�rente � la lutte r�volutionnaire et � la mise en place d�un ordre post-colonial.
Destin �trange et fascinant que celui de Serge Michel qui se r�sumerait par cette image entre deux extr�mes : �tre enterr� soit dans le carr� des indigents en France soit dans celui des martyrs en Alg�rie.
En France, il �tait d�muni de tout. Sa qu�te continuelle de l�utopie �tait incompatible avec le profit. Il n�a jamais trahi son id�al. Il racontera comment des grands noms de la finance am�ricaine lui proposeront en vain des parts dans les mines de diamant pour intervenir en leur faveur aupr�s du chef du gouvernement congolais. Pour la France, c��tait un tra�tre. �Ces tra�tres qui ont sauv� l�honneur de la France� titrait Dominique Vidal dans un article paru dans le Monde diplomatique en septembre 2000. Il avait reni� ses origines et pris part au combat aux c�t�s du FLN. En Alg�rie, il �tait un h�ros. Non pas un martyr. Il est enterr� au carr� des chr�tiens � encore un paradoxe �. Je crois que l�Alg�rie m�ritait bien de recevoir celui qui lui avait consacr� sa vie. J�ajouterai n�anmoins que la pompe des obs�ques nationales de Serge Michel en 1997 ne cesse aujourd�hui encore de m�interroger, m�me si l��v�nement donne � ce personnage la dimension qu�� mon sens il m�rite dans l�histoire de la nation alg�rienne.
Propos recueillis par Bachir Aggour Serge Michel
Serge Michel, un id�aliste dans l�action
Les plus anciens parmi les journalistes de la presse nationale se souviennent sans doute de ce �gaouri� au visage anguleux, � la longue silhouette efflanqu�e et � la tchatche m�diterran�enne. Missionn� par le FLN par l�entremise de Salah Louanchi, il cr�e, d�s l�ind�pendance, le quotidien Al ch�ab. En 1963, il met sur pied le premier stage de journalistes professionnels avant de fonder, avec Mohamed Boudia, en quatre jours, le quotidien du soir, Alger, ce soir. On le voyait hantant les corridors des r�dactions, les arri�re-salles des annexes et le brouhaha des imprimeries au point d�en devenir un �l�ment du d�cor. Comment la presse alg�rienne aurait-elle pu rena�tre � l�ind�pendance sans Serge Michel ? La question ne semblait m�me pas devoir se poser. On pourrait croire qu�il a toujours �t� l� et, de fait, il a toujours �t� un peu l�. Peu parmi les jeunes coll�gues qu�il formait savaient cependant d�o� venait ce journaliste touche-�-tout qui avait plaqu� sa France natale pour se lancer, � corps perdu, dans la bataille pour l�ind�pendance de l�Alg�rie puis pour sa construction. Pour reconstituer la biographie de cet homme de gauche fran�ais des ann�es 1940 devenu, par go�t de l�aventure et par r�probation des injustices coloniales, un combattant ind�pendantiste alg�rien, il a fallu � Marie-Jo�lle Rupp, sa fille retrouv�e au terme d�une vie, une motivation �intime �, la classique recherche du p�re, qui allait se transformer, chemin faisant, en curiosit� puis en connivence militante. En 1997, elle d�couvre que ce p�re, entrevu une seule fois quand elle avait quatre ans, �tait encore vivant. Elle l�apprendra en regardant un documentaire � la t�l�vision. Elle le cherche et le d�couvre dans un garni avant qu�il soit transf�r� dans un h�pital, d�o� il ne sortira que pour soumettre ses proches au dilemme suivant : �tre enterr� � la sauvette au carr� des indigents en France ou � El Alia et en grande pompe � Alger ? Ce sera Alger et un deuxi�me et dernier d�part vers sa patrie d�adoption, avec qui il aura eu autant de d�m�l�s qu�avec sa patrie de naissance. On peut imaginer l�intensit� des retrouvailles entre le vieux briscard rescap� d�au moins trois guerres et d�un certain nombre de coups d�Etat, sans compter les d�convenues personnelles y attenant, et sa fille qui aura pass� sa vie � attendre et � chercher, tenaill�e par la peur de ce qu�elle risquait de d�couvrir. Ils se questionnent mutuellement pendant quatre mois et, petit � petit, Marie-Jo�lle Rupp s�aper�oit de deux choses. La premi�re est qu�ils n�auront jamais, son p�re et elle, le temps de tout se dire, la mort travaillant quotidiennement contre eux. La seconde est une r�v�lation : le travail d��criture personnelle � vis�e th�rapeutique ne suffira pas. Elle cherchait un p�re et elle d�couvre un continent, l�Afrique, � un moment capital de son destin. Serge Michel, ce p�re qui a plant� son pardessus sur le port de Marseille esp�rant le troquer contre une peau neuve, a laiss� derri�re lui Saint-Denis, sa ville natale, son nom, Lucien Douchet, ses parents, sa compagne et sa fille, pour t�ter l�aventure de l�autre c�te de la mer. Il arrive � Alger au d�but des ann�es 1950. Apr�s avoir �mat� les �meutes de 1945, la colonisation est alors partie pour un bon bout de temps de �tranquillit�. Du coup, les in�galit�s n�ont jamais �t� aussi franches mais le mouvement national alg�rien, revenu des illusions des r�formes politiques, s�aiguise en acceptant d�sormais l�id�e de l�action arm�e comme voie menant � l�ind�pendance. Serge Michel arrive dans un chaudron. D�s l�abord, il fr�quente les milieux nationalistes, le jour les Udmistes de Ferhat Abbas, chez qui son ami Ali Boumedjel l�a introduit, et le soir la bande � Kateb Yacine, qui �cumait La Casbah inventant l��picurisme militant. Il travaille comme caricaturiste, maquettiste, secr�taire de r�daction et continue, comme du temps de son adolescence oisive o�, �pris de dada�sme, il fr�quentait Michaux, � taquiner la plume, le fusain et, pour calmer l�une et l�autre, la muse. Cette approche initiatique devait servir � comprendre tout � la fois les d�chirements qui agitaient le mouvement national et les divergences id�ologiques qui le constituaient. Lorsque Serge Michel se retrouve � Tunis pour travailler aupr�s de Abbane Ramdane et Frantz Fanon, il est en plein dans ces turbulences constitutives de la R�volution alg�rienne. Mais, un moment, il y �chappe : Lumumba demande au GPRA de lui �pr�ter� ce qu�on appellerait aujourd�hui un conseiller en communication pour am�liorer son image, mal re�ue par les m�dias occidentaux. Ce sera Serge Michel. Le leader africain et le �blanc� deviennent de vrais amis. Serge Michel, qui ne quitte plus d�une semelle son � prot�g� � , manque de peu succomber au coup d�Etat. Retour en Alg�rie : l�aube de l�ind�pendance fait d�Alger La Mecque des r�volutionnaires. Serge Michel est journaliste, et il fr�quente les Blacks Panthers , les leaders du Frelimo, ceux du PAIGC et des autres mouvements de lib�ration africains r�fugi�s � Alger. Amilcar Cabral, Agostino Neto viennent prendre le th� avec lui. Che Guevara, de visite � Alger, est interview� par Serge Michel pour Alger, ce soir. Cela donne une nuit de palabres. Puis vient le coup d�Etat de Boumediene. Serge Michel participe � la production de La bataille d�Alger, le film de Gillo Pontecorvo qu�il avait mis en contact avec Yacef Sa�di. Quelques ann�es plus tard, il sera contraint de quitter l�Alg�rie pour se r�fugier en Italie. C�est un autre exil, plus dur que l�exil initial car il est plus facile de quitter une patrie donn�e que d��tre brutalement d�poss�d� de celle qu�on a contribu� � construire. A Rome, il se remet au cin�ma, dont il a eu une premi�re exp�rience pendant la guerre de Lib�ration en contribuant � la naissance du �cin�ma alg�rien� avec la r�alisation des films de propagande du FLN puis du GPRA. La fin des ann�es 60 m�nera notre aventurier � sillonner l�Afrique avec des haltes au Congo, en Guin�e Bissau et au Cap-Vert o� il cr�e des journaux et des �coles de journalisme, forme des personnels sp�cialis�s, conseille en communication. Chass� d�Alg�rie avec ce premier go�t d�amertume sur les l�vres, il poursuit sur les terres vierges de l�Afrique fra�chement d�colonis�e cette utopie qu�il a commenc� � pister d�s l�adolescence. La fin de cette histoire ? Ayant tout perdu, familles et nombre de ses amis, ses biens si tant est qu�il n�en ait jamais eu, Serge Michel est de nouveau en Alg�rie au moment o� le pays entre dans la zone de turbulences. M�me � Gharda�a, o� il a trouv� refuge, l�int�grisme le poursuit. Il est forc� de jeter sa gourme et de revenir, pour ainsi dire, sur les lieux de sa naissance, qu�il avait fuis. C�est � ce moment que Marie-Jo�lle Rupp accouche de son p�re, le personnage de son livre, apr�s l�avoir pist� � son tour � travers tous les itin�raires o� l�a conduit un irr�m�diable id�alisme. La somme de travail contenu dans cet ouvrage est proprement impressionnante. L�auteure a d� compulser une centaine d�ouvrages, de documents divers, de films. Elle a interview� � peu pr�s autant de t�moins. Elle nous retrace, � travers cette biographie, un demi-si�cle de combats anti-colonialistes exaltants et quelques ann�es de d�senchantement r�volutionnaire. Au terme de ce voyage qui est un d�but plus qu�une fin demeure cette question : quelle place l�utopie peut-elle encore occuper dans un monde qui semble �tre revenu de tout ? La vie de Serge Michel, port�e par un enchantement nuageux, y r�pond par cette autre question : et si l�utopie n��tait que l�autre nom du bonheur, qui n�est lui-m�me qu�une disposition int�rieure ?
B. A.
(*) Marie-Jo�lle Rupp, Serge Michel, un
libertaire dans la d�colonisation, pr�face
de Jean-Claude Carri�re, Ibis-
Press, Paris, 2007.
On peut consulter aussi le site : www.serge-michel.com


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