«Il y a des petits problèmes, mais ça fonctionne.» 9h, entrée nord, près du zoo, les agents de sécurité se préparent et les talkies-walkies crépitent. Tout comme à l'entrée sud, sur le boulevard Belouizdad, où l'imposante enceinte est surmontée d'une faute de goût, des kilomètres de barbelés, comme s'il s'agissait d'une caserne. «Ce n'est pas pour que les animaux ne s'échappent pas, mais pour que les vandales ne s'introduisent pas», explique l'un des agents de sécurité parmi la centaine d'agents déployés sur les lieux pour surveiller les 10 000 visiteurs recensés en moyenne par jour (voir El Watan du 20 mai), dans ce jardin qui appartient à la wilaya, donc au ministère de l'Intérieur. Première victime collatérale, Farid, le plus vieux lion d'Algérie, s'est éteint quelques jours après la réouverture du zoo. «Son cœur a lâché, il était très âgé», explique Hania, l'une des deux jeunes vétérinaires du zoo, qui refuse de faire un lien entre l'assaut des visiteurs et l'arrêt du cœur de Farid. Rafistolé Dans la salle de soins très moderne du zoo, Samira, l'autre vétérinaire, tient un tout petit fennec dans les mains qu'elle refuse de céder, pendant qu'un lapin récemment rafistolé traîne un peu partout. Elle aussi refuse de faire le lien entre l'afflux massif d'un public auquel Farid n'était pas habitué et sa mort : «Il avait 21 ans, un record chez les lions, qui vivent en captivité en moyenne une quinzaine d'années.» Farid n'était pas uniquement un lion, ou le doyen des lions, c'était le dernier à avoir encore du sang du lion de l'Atlas, ce fameux lion «algérien», qui essaimait toute l'Afrique du Nord. Les autres lions des zoos du pays viennent de la savane africaine, d'importation. C'était donc le dernier et pas des moindres : «On était douze pour le transporter», explique l'un des 18 animaliers du zoo. Mais où est-il ? Il dort dans le grand congélateur en attendant d'être empaillé et de figurer dans le petit musée à l'entrée du zoo, où les stars y sont allongées pour l'éternité. Comme Jacqueline, une alligator qui détient le record mondial de longévité de son espèce, et qui dort, naturalisée dans le musée. C'est là que finira Farid, après une carrière bien remplie, même s'il n'a pas eu de progéniture, avec toutes les femelles qu'il a eues durant sa longue vie. «Sa mère lui a marché sur son appareil génital quand il était petit, c'est sûrement pour ça», explique un animalier. Mort, pas de descendant, plus de lions algériens. Ceci explique peut-être cela. La cage de Farid n'est pourtant pas vide, puisqu'il y a Farida, la lionne et dernière compagne de Farid. «Elle est très triste depuis la mort de son mâle. Quand il a été malade, c'est Farida qui s'est occupée de lui et il s'est rétabli», explique un animalier spécialiste des fauves. Car il y a d'autres lions, des tigres et des panthères dans le zoo, répartis dans l'une des quatre zones. La plupart des enclos ont été retapés, à l'image de la volière dont la toiture a été refaite en polycarbonate pour filtrer les rayons du soleil. Des bassins ont été installés dans les cages pour les fauves, du sable pour les fennecs, des rochers pour le mouflon à manchettes et des troncs d'arbres pour les félin s. Enclos, cages et bassins sont nettoyés tous les jours et pour la cuisine, c'est du luxe. Des plannings avec des rations pesées pour chaque animal, trois chambres froides, des aliments contrôlés par un vétérinaire, des carcasses entières de mulets livrées pour les fauves. Perruches, mainates et canaris ont tous leurs variétés de graines spécifiques et certains ont même au menu des fruits et légumes frais, comme le perroquet à qui on râpe les carottes. Natacha, l'ours brun, a droit à des tartines de miel et les singes aux biscuits, pas plus de deux fois par semaine. Oreilles dressées Pour les soins médicaux, même chose, avec une nouvelle clinique high tech comprenant une salle d'examen avec appareil de radio, électrocardiogramme, générateur d'oxygène, appareil d'échographie et un four pour la stérilisation. Une salle de chirurgie où les animaux sont opérés avec moniteur, bistouri électrique, aspirateur chirurgical et lampe à lumière froide pour ne pas brûler les plaies. Sauf que de l'avis même des vétérinaires, leur formation n'est pas très adéquate. Hania et Samira sortent de l'école (ENV), avec des connaissances théoriques : «Nous n'avons rien appris sur les fauves, par exemple», explique Hania, qui attend comme Samira une formation. «On apprend sur le tas, on consulte sur internet et on est en relation avec d'autres zoos qui nous aident.» Farid aurait-il pu être sauvé ? « Non, trop vieux, on s'y attendait.» Mais peut être Farida attend-elle un petit, annoncent-elles prudemment, ayant constaté ses mamelles hypertrophiées : «Il faut attendre, on a peur d'utiliser l'échographie parce qu'il faut d'abord l'endormir», explique Hania, montrant un long fusil noir hypodermique doté de seringues anesthésiantes. Farid aurait fait un petit avant de mourir ? Ce serait alors le dernier des derniers lions à avoir encore du sang du lion de l'Atlas. Mais peut-on faire des petits à un âge aussi avancé ? «Oui, c'est pour ça que ça s'appelle un lion», explique l'un des animaliers qui s'occupe de Mouloud, un autre lion, qui a les oreilles dressées. «C'est le haut-parleur qui l'inquiète», explique l'animalier. Effectivement, il est 11h, le zoo va ouvrir ses portes au public. L'animalier donne un dernier coup de tuyau, pendant que le haut-parleur déclame les innombrables consignes de civisme. L'animalier s'éclipse pour laisser la foule face à ces superbes créatures. «Les animaux ne sont pas toujours ceux que l'on croit», rigole-t-il. |Carnet rose| |On a parlé des décès, comme celui du lion Farid, d'un alligator et d'une petite autruche, mais au zoo du Hamma, il y a aussi des naissances. Comme Seylon, 11 ans, la panthère tachetée, qui a donné vie il y a un mois à Sunday (né un dimanche), première naissance de ce type en Algérie, un événement puisqu'en captivité les félins ne se reproduisent que très rarement, surtout à un âge aussi avancé, le père, Néro, ayant 14 ans. Un faon est né le 21 avril dans l'enclos des gazelles Dorcas, cinq écureuils de Barbarie ont suivi et un singe magot est né il y a tout juste une semaine, on peut le voir accroché au ventre de sa mère. Le caneton de Barbarie, né il y a dix jours, abandonné par sa mère mais couvé par une autre cane, vit en solitaire dans le bassin central. D'autres heureux événements sont attendus : une femelle Milan noir est en train de couver et deux femelles devraient mettre bas d'ici peu chez les daims. Toute cette population bénéficiera-t-elle de logements sociaux ? Prière transmettre les dossiers à la wilaya.|