Un climat de peur plane à nouveau sur la ville de Berriane. Les forces combinées – police et gendarmerie – poursuivent les opérations d'arrestation tous azimuts. Il y a même des octogénaires parmi les personnes interpellées l Leur seul tort est d'avoir arpenté quelques rues de la ville. Le feuilleton des événements de Berriane est parti pour durer. Des violences intercommunautaires aux rafles des forces combinées, cette ville de quelque 30 000 âmes semble devenir une zone de troubles par excellence. Les affrontements de la semaine dernière qui se sont soldés par une dizaine de blessés parmi les services de sécurité, dont un gendarme ayant perdu l'usage d'un œil, ont alourdi le climat de tension qui règne dans la ville depuis plusieurs mois. Mais le fait le plus marquant est la réaction musclée des forces combinées qui se sont lancées dans une sorte de « chasse à l'homme », d'abord dans les quartiers malékites ensuite dans les secteurs mozabites. Les arrestations se font à la pelle. Sans distinction aucune. Des témoins à Berriane indiquent qu'il suffit qu'une personne traverse une rue fréquentée par les « radicaux » des deux communautés pour qu'elle soit interpellée. Quotidiennement, des personnes se font arrêter. Certaines sources parlent de 150 arrestations opérées depuis mardi dernier. D'autres avancent le chiffre de 50, entre malékites et mozabites. La situation est bien confuse. Rien que de lundi à mardi, une vingtaine de personnes ont été arrêtées. Les interpellés sont de tous les âges. Il y a même des octogénaires. Selon une source digne de foi, 14 des personnes arrêtées passeront samedi prochain devant le tribunal pénal de Ghardaïa pour attroupement sur la voie publique avec arme blanche. Si le mal qui frappe Berriane est grand, la riposte des services de sécurité semble démesurée. Les opérations menées depuis jeudi dernier pour repérer les semeurs de troubles n'ont épargné personne. Les éléments de la police et de la gendarmerie postés dans les moindres coins de la ville ont instauré une sorte de couvre-feu, où le citoyen lambda ne peut plus circuler librement et sans crainte de se retrouver en prison. « Les habitants ont parfois peur de sortir. Ils ont peur des rafles », témoigne un résidant. Au laxisme affiché au début de la crise –à intervenir pour départager les deux parties en conflit– succède la gestion par le chaos. Ces interventions musclées des gendarmes et policiers sont, aux yeux des observateurs, loin d'apporter la solution à la profonde crise qui secoue la région depuis 2007. L'utilisation de la force pour faire face à des situations conflictuelles, à des émeutes ou autres manifestations populaires n'ont fait que creuser le fossé entre le peuple et l'Etat avec tout ce qui le symbolise. Les habitants de Berriane ne cachent pas leur crainte que la situation s'envenime davantage. Cette vague répressive intervient au moment où les appels à la paix se multiplient. Des appels qui visent à préserver les derniers accords de réconciliation, arrachés par les notables des deux communautés et qui ont permis une accalmie de quelques mois. Réhabiliter les voies du dialogue intercommunautaire n'est nullement chose aisée. Par ses méthodes, le gouvernement montre ses limites dans la gestion des crises et surtout son incapacité à être le principal médiateur entre les différentes composantes ethniques, sociologiques et politiques du pays. Preuve en est, cette crise entre malékites et ibadites qui perdure depuis plus de deux ans. Les différents déplacements des membres du gouvernement dans la région n'ont finalement été d'aucun apport à la résolution de ce différend. Au lieu de chercher d'autres solutions, les gouvernants accusent tantôt la main étrangère, tantôt les partis de l'opposition. Et voilà qu'ils peinent toujours à franchir cette zone de turbulences.