Téhéran (Iran). De notre envoyée spéciale Une forte participation est à noter depuis l'ouverture des bureaux hier matin à 8h. L'engouement était tel que la fermeture a dû être repoussée jusqu'à 23h. Ces gigantesques foules d'électeurs faisant la queue devant les nombreux bureaux de vote, comme ceux situés près de la mosquée L'hosseiniyeh Ershad et Rassoul, donnent déjà la mesure d'une participation record. Mir Hossein Moussavi, le modéré, représente le principal adversaire du président sortant Ahmadinejad, soutenu par l'ancien président Mohammed Khatami. Les adversaires de Ahmadinejad l'ont pointé du doigt pour sa politique concernant la poursuite de l'enrichissement de l'uranium et ses discours à l'encontre d'Israël, ont exclu le pays de la communauté internationale. Ils ont également questionné sa politique économique «expansionniste». Alors que Ahmadinejad repose sa stratégie sur le vote des classes défavorisées pour obtenir un nouveau mandat, Moussavi, lui, compte sur le soutien des réformateurs, les jeunes et les femmes. Les nombreuses manifestations populaires ayant émaillé cette campagne électorale ont créé un climat électrique, les tensions se sont renforcées avec les critiques acerbes adressées au président sortant Ahmadinejad, ce qui représente une première dans la République islamique d'Iran. Forte participation A la sortie du bureau de vote L'hosseiniyeh Ershad, proche du centre de Téhéran, Aria jeune père de 42 ans, sa petite fille dans les bras, commente : «Cette campagne présidentielle est vraiment différente de celle de 2005, car elle a poussé les Iraniens à manifester avec force leurs convictions. Les Iraniens sont sortis dans la rue et n'ont pas hésité à manifester leurs idées et positions politiques, du jamais vu dans mon pays (…) mais je reste inquiet car l'Iran se divise en deux grands partis, les pro-Moussavi et les pro-Ahmadinejad. Les résultats des élections vont déterminer l'orientation de notre gouvernement et sa politique intérieure et extérieure (…) Je vote Moussavi, car selon moi, Ahmadinejad n'a pas accompli ses promesses, il n'a pas su où étaient ses limites, par exemple son slogan de campagne de 2005 «servir du pétrole sur les tables du peuple iranien», n'est jamais devenu réalité !» Souheila, 26 ans, étudiante en droit islamique, discute bruyamment avec une mère de famille, les yeux rivés sur le portrait du président Ahmadinejad. L'Iran des uns et l'Iran des autres «Ahmadinejad est un homme juste. C'est un enfant du peuple, qui n'a jamais négligé les plus démunis (…) Nous les femmes, nous voulons être bien voilées. Nous voulons être respectées (…) Le dossier nucléaire est un point positif pour notre pays, ça nous permettra d'être en position de force, et l'Iran est un pays puissant, Ahmadinejad a travaillé dans ce sens pour le mettre en avant par rapport à d'autres pays dans le monde. Nous n'avons pas peur car nous sommes des musulmans.» D'autres groupes de jeunes garçons âgés de 19 à 21 ans, habillés et coiffés à l'occidentale, attendant patiemment, le sourire aux lèvres au milieu de la longue queue, le moment où ils pourront donner leur voix au candidat Moussavi. «Nous voulons le changement. Nous voulons Moussavi. Nous votons car nous pensons que c'est notre devoir de participer à faire avancer notre pays.» Pour la plupart d'entre eux, il s'agit-là de leur premier acte de vote. Nahal, 27 ans, étudiante en architecture n'est pas très discrète. Son foulard rose et noir d'où s'échappent des mèches brunes tombant sur des lunettes de soleil, tranche avec l'austère tchador noir, sa manucure et son habillement dénotent son extraction sociale plutôt aisée. «Je vote Moussavi, car je pense qu'il est le bon candidat pour ce poste. Il a promis d'attribuer trois postes aux femmes dans son futur gouvernement s'il est élu. Il veut travailler dans le sens de donner plus de droits à la femme et c'est une raison assez importante pour moi, pour voter Moussavi. Par ailleurs, je ne peux rien dire concernant Ahmadinejad car il est encore aujourd'hui le président de mon pays. Laissons le peuple iranien choisir son futur leader.» Cela étant dit, si les premières estimations chez la diaspora iranienne dans les pays occidentaux donnent Moussavi largement vainqueur d'Ahmadinejad, rien ne dit que cette tendance soit confirmée en Iran. Les résultats pourraient être connus aujourd'hui et le second tour se tiendra le 19 juin si aucun candidat n'obtient plus de 50% des voix.