Je raconte cette «anecdote» douloureuse qui me tenait à cœur et dont voici les faits : Alors que j'étais de passage à Batna en 1951, comme de coutume, je rendais visite aux amis responsables dans la localité. Ceux-ci me sollicitèrent pour être témoin avec eux d'un fait qui les avaient intrigués. En effet, un dénommé François, commissaire de police, nouvellement installé à Batna, affichait un zèle à traquer les militants nationalistes et à neutraliser leurs activités indépendantistes. Il choisit pour cible le premier responsable régional, en l'occurence Hachani Brahim qui est très actif, dynamique et un battant infatigable. Ce dernier était permanent du MTLD, il fit venir sa famille et s'installa dans la ville, place Herbillon, dans le quartier populaire. On activait en toute légalité, et tous les jours, il se rendait au siège du parti, au centre-ville, qui est gardé la nuit par un vigile. En arrivant ce jour-là, le veilleur trouva un pli qui a été glissé sous la porte. Il le remit au responsable local, Bouchkioua Younès. Ce courrier émanait du sinistre commissaire de police ; il s'agit d'une invitation adressée pour un rendez-vous au chef de daïra du parti, Hachani Brahim, lui demandant de se rendre au quartier du parc à fourrage, en dehors du centre-ville. C'était un piège pour ternir l'image du responsable MTLD, en le faisant passer pour un informateur au service des renseignements généraux. Mes amis donc, profitant de ma présence, me demandèrent de les accompagner au lieu du rendez-vous, en retrait pour ne pas être vus. Nous attendîmes la rencontre souhaitée par le commissaire. Après une longue attente, personne ne s'était manifesté, aucun des deux ne s'était présenté. En conséquence, nous avons conclu que c'était une cabale que les services de la PRG ont l ‘habitude de monter pour créer la suspicion entre militants au sein du parti. Nous avons, Younes Bouchkioua, Abdelhamid Boudiaf, Mustapha Bekhouche et moi-même rédigé dans ce sens un rapport adressé à la direction du parti à Alger. De notre part rien n'a transpiré, pour nous, une affaire classée. Malheureusement, le contenu de ce document a été mal interprété par certains, et a été divulgué, ce qui porta atteinte à 1 ‘honorabilité du responsable, Brahim Hachani. Certains responsables, mal intentionnés, ont manqué de discernement politique, ils sont tombés dans le panneau des services spéciaux ennemis. Il est navrant qu'un haut dirigeant qui ne s'était pas rendu compte de la grossière manœuvre policière ait publié dans ses mémoires ce mensonge éhonté, préjudiciable à l ‘honorable Brahim Hachani. J'avais abordé avec si Abdellah Bentobal, cette triste affaire. En tant que responsable avisé, il m'avait affirmé qu'il avait déjoué ce complot ourdi contre son ancien responsable politique auquel il vouait une grande considération. Pendant la révolution, «si Lakhdar» se trouvait dans le secteur, et il a été mis au courant de cette soi-disant «collaboration» de si Brahim. Conscient, vigilant et subtile, il donna à ses subordonnés des consignes pour mettre si Brahim à l'épreuve. Ce dernier a prouvé son engagement sans réserve, il a démontré sa bravoure dans ce combat. D'ailleurs, en 1950, au moment où une répression féroce s'abattait sur les militants, suite à la découverte de l'OS (organisation spéciale), Brahim Hachani, chef de daïra de la région de Batna, avait été chargé par le parti, avec quelques responsables locaux, d'aider Mustapha Benboulaid dans la prise en charge des « recherchés» qu'on surnommait les «irréguliers», pourchassés par les services de sécurité, afin de les acheminer vers le maquis des Aurès et les mettre en sécurité et à l'abri d'éventuelles arrestations. Il s'était acquitté sérieusement de cette tâche, si Brahim n'a jamais démérité. C'est ignoble d'avoir voulu le salir.