La Fédération laïque des citoyens de sensibilité musulmane Mosaïc est née le 12 juin, après des mois de gestation. La nouvelle fédération se veut l'alter ego laïc du Conseil français du culte musulman (CFCM). La presse française pressent que cette naissance signe le point de départ de ce qui deviendrait un Conseil représentatif des institutions musulmanes (un « Crim » !), à l'instar du CRIF pour la communauté juive de France. Le docteur Maraouane Bouloudhnine, président de Mosaïc, répond à nos questions. Laïc et sensibilité musulmane, pouvez-vous expliquer le sens de ces deux termes accolés ? Le mot laïc s'adresse à la fédération, il ne s'adresse pas aux musulmans. Nous sommes en France qui bénéficie d'une exception, la laïcité, donc toute association citoyenne doit être laïque et républicaine. Pour ce qui est de la sensibilité musulmane, cela renvoie à un ressenti, à la culture et à l'attrait de la civilisation musulmane qui a éclairé le monde pendant plus de huit siècles. Par moments, on a l'impression qu'une structure comme la vôtre surfe sur la vague d'islamophobie qui prévaut parfois en France. N'avez-vous pas peur d'être qualifié d'islamophobe ? Il y a aujourd'hui une majorité de musulmans en France ou de Français de sensibilité musulmane, même s'ils ne sont pas pratiquants, qui ont besoin de ne plus voir leur image bafouée par certains. J'ai toujours considéré que la responsabilité est d'abord la nôtre. Avant de rejeter la faute sur l'autre, il faut d'abord nous regarder et nous dire où nous avons été fautifs. N'avez-vous pas peur d'une instrumentalisation politique que l'on pourrait vous reprocher ? Nous ne sommes pas soutenus par l'UMP, mais par l'Etat. Je n'ai absolument pas tenu à aller voir les partis politiques, même si je leur ai envoyé le dossier, mais j'ai tenu à ce que l'Etat, et je tiens à remercier la qualité d'écoute et l'honnêteté de Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, valide la procédure. Ce n'est pas un aval de parti politique que nous avons cherché, c'est un aval politique. Vous réfutez clairement l'idée que votre fédération soit l'ébauche en France de la création d'un conseil représentatif d'institutions musulmanes, un CRIM, à l'instar du CRIJ pour les juifs ? Je pense qu'aujourd'hui la composante de sensibilité musulmane a atteint un degré de maturité tel que nous n'avons plus besoin de mimétisme pour faire quelque chose. C'est un raccourci de dire que c'est un CRIF musulman, et c'est une erreur monumentale de s'approprier quelque chose qui ne nous appartient pas. Mais vous serez d'accord à dire, qu'au bout du compte, le résultat est le même, une institution musulmane laïque représentative des musulmans ... On ne sera représentatif qu'une fois qu'on aura réussi à fédérer un maximum de gens. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. On est prudent quant à l'appellation. Ce sont les médias qui nous ont donné le nom de Crim. La presse, si vous voulez qu'on réussisse, il ne faut plus nous appeler comme ça. C'est très important. On sent dans votre discours du 12 juin une fibre nationaliste sur les valeurs de la République française, dont on a pu sentir qu'elles ont pu être rejetées par certaines franges musulmanes, mais est-ce qu'au départ, n'y avait-il pas eu historiquement un rejet de ces mêmes musulmans par la France ? Cela ne sert à rien de parler du passé. Il faut vraiment qu'on avance avec sérénité et respect de chacun. La France s'est réveillée un peu tardivement en disant : « On a 5 à 6 millions de musulmans qu'est-ce qu'on fait maintenant ». On travaille ici, on participe à la richesse de ce pays. Il serait juste qu'on prenne toute notre place, pas plus et pas moins. Sans esprit de revanche. L'histoire est ce qu'elle est. Des pays se sont fait la guerre pendant 100 ans et aujourd'hui, ils sont ensemble et partagent des valeurs communes. C'est dans cet esprit que nous voulons avancer. Vous dites que vous ne voulez pas revenir au passé, mais vous-même ne remontez-vous pas dans votre discours inaugural à l'esprit de Cordoue ? Ne pourrait-on pas aussi remonter à un passé plus récent qui fait encore mal ? On remonte jusqu'à Cordoue pour dire à nos amis que la laïcité, nous connaissons, et que si l'Islam n'était pas grand, jamais un Maimonide n'aurait vu le jour dans un pays musulman. Que représente la fédération ? Il y a trois collèges dans la fédération : un collège des associations, un collège des personnes physiques et un collège des personnes morales. Nous avons des membres dans toutes les régions et, dès que les subventions publiques nous seront versées, nous ferons deux fois le tour de France pour structurer chaque région, soit 22 régions plus les DOM-TOM. On se donne 18 mois pour organiser, avant 2010, le congrès constitutif. Bio express : Le président Marouane Bouloudhnine est d'origine tunisienne, arrivé en France en 1982, il a accompli des études de médecine à Montpellier, il a été chef de clinique à la faculté de Montpellier après un séjour aux USA. Il est aujourd'hui chirurgien orthopédiste, spécialisé en chirurgie de la main et de l'épaule. Depuis cinq ans à Nice, il a créé le centre d'urgence main. Depuis mars 2008, il est conseiller municipal, délégué à la santé et aux sportsè de la mairie de Nice, dirigée par Christian Estrosi (UMP). Dans le groupe fondateur de Mosaïc, la diversité est de mise avec des Tunisiens, Algériens, Marocains, Sénégalais. En savoir plus : http://www.federationmosaic.com/