Le Cfcm souffre d'un manque de lisibilité ainsi que de l'amalgame qu'il entretient. «On ne peut pas se contenter que du réel, on veut des rêves.» L'homme qui a dit ces mots n'est pas un poète, mais il en a la fibre. C'est bien un homme qui est au coeur de la religion musulmane. Intellectuel, médiatisé, il prône un Islam moderne, tolérant, débarrassé de ses «complexes». Cela explique pourquoi Soheib Bencheikh, homme au charisme inné ne peut s'accommoder d'un Conseil français du culte musulman, une structure quelque peu sclérosée et aiguillonnée, de surcroît par un Nicolas Sarkozy aux multiples casquettes. Ministre de l'Intérieur, ministre du Culte et candidat en puissance à l'élection présidentielle. Soheib Bencheikh évoque les raisons de l'échec annoncé du Cfcm tant ce dernier est loin d'être aussi représentatif que l'auraient souhaité ses initiateurs. Abritant en son sein quatre tendances, la Fédération française des musulmans de France (Fnmf, 19 sièges), la Grande mosquée de Paris (10 sièges), l'Union des organisations islamiques de France (Uoif, 10 sièges), à égalité avec la Grande mosquée de Paris, représentant la tendance conservatrice de l'Islam en France et le Comité de coordination des musulmans turcs de France (Ccmtf) minoritaire avec 1 siège seulement. Le Cfcm ainsi que ses 25 conseils régionaux du culte musulman (Crcm), dont les têtes de liste sont très convoitées lors des élections, donnent lieu à des luttes intestines et des disputes qui renvoient une image peu reluisante des représentants de la deuxième religion de France. Selon l'invité de L'Expression, cela se traduit par des réflexions qui mettent mal à l'aise, de la part des élus locaux français, lorsque l'intervention de ces derniers est sollicitée dans le cadre des projets qui concernent la communauté musulmane de France. Par ailleurs, le Cfcm souffre d'un manque de lisibilité ainsi que de l'amalgame qu'il entretient. Chapeauté par le ministre de l'Intérieur français qui est en même temps le responsable des cultes en France, il donne l'image d'un organisme manipulé et perd de sa crédibilité. Le Cfcm, dont la création a été planifiée, a été initié en 1999 par M.Chevènement, ministre socialiste de l'Intérieur, puis achevé par Nicolas Sarkozy. Près d'une vingtaine de personnalités ont été consultées pour sa mise en place. Le caractère antidémocratique et peu représentatif de son fonctionnement a donné naissance à une opposition farouche et des détracteurs déterminés du Cfcm. 4042 électeurs seulement ont été recensés sur une population musulmane estimée à 4.000.000 de personnes. La composante du conseil d'administration pour son premier mandat n'a pas été issue d'élections, coopté suite à des négociations, le CA présente un caractère non démocratique fortement contesté. Le Cfcm, dans sa composante actuelle et dans son essence même, véhicule plus une image d'instance politique que religieuse. La dernière élection, en 2005, qui a vu la réélection de Dalil Boubekeur, malgré la victoire de la Fédération des musulmans de France, a fait l'objet de tractations avec le ministère de Nicolas Sarkozy et a confirmé l'intrusion du politique dans la sphère du religieux; ce qui a pour conséquence de froisser le sentiment de ce dernier. Soheib Bencheikh plaide pour le choix d'un iman laïc désigné ès qualité et l'Islam en tant que religion, n'a pas besoin d'un organisme pour être représenté. Un Islam sans intercesseur tourné vers l'universalité.