Constantine fait l'objet d'une attention particulière, depuis quelques années, de la part des pouvoirs publics et surtout de celle du président de la République qui s'est engagé à sa réhabilitation au rang de métropole moderne. Des moyens financiers conséquents ont été dégagés pour son développement. Pour atteindre cet objectif, la mobilisation de tous les acteurs de la société est indispensable. Une période de réflexion de deux années minimum est nécessaire pour aboutir à une stratégie planifiée sur le court, le moyen et le long terme. Cette démarche aurait eu le mérite d'aboutir à des recherches architecturales et urbanistiques modernes, inspirées du riche patrimoine de notre médina. Hélas, celles-ci n'ont pas été exploitées. Pourquoi a-t-on mis aux oubliettes l'étude de l'école de Versailles, ou encore le Master Plan des Italiens qui avait pour but la restauration et la mise en valeur de la médina ? Pourquoi ce joyau architectural de l'Antique Cirta est livré à lui-même et aux pillards de ses matériaux nobles ? Pourquoi les propriétaires des maisons ne sont pas protégés par la loi, face aux indus occupants ? Pourquoi la force et les moyens employés pour le Bardo n'ont pas été employés pour Souika ? Pourquoi toutes ces agitations effrénées, où des projets disparates fleurissent, d'autorité, comme les deux hôtels qui ont privé le centre-ville d'un important espace vert, muré à jamais la vue panoramique sur la vallée du Hamma et les montagnes de Chettaba, cassé l'architecture et l'urbanité du cœur de Constantine ? Pourquoi avoir fermé un indispensable accès de la circulation au centre-ville par une placette faite de bric et de broc en béton et avoir abattu une trentaine de platanes centenaires qui consolidaient la stabilité du sol ? Pourquoi avoir violé la loi de visibilité des sites et monuments historiques en aveuglant l'Arcade Romaine et le mausolée de Massinissa par de hideux « arcs de triomphe », en plus de la fameuse profanation de ce grand roi numide, en 2006, qui a fait couler beaucoup d'encre ? Tout cela est le fruit du diktat de l'improvisation, de l'urgence et des inaugurations hâtives ! Un pont de plus à Constantine, c'est très bien, pourvu qu'il soit plus beau, plus moderne que celui de Millau, dommage qu'il ne soit pas l'œuvre d'une grande signature. A l'intérieur du périmètre urbain et de sa périphérie comme Bardo, les Oliviers et les Orangers, on devrait privilégier une architecture horizontale qui s'inspire du bâti algérien, avec un grand espace floral et végétal où les maîtres artisans trouveraient résidence pour leur métier et leur savoir-faire. Il est grand temps de sortir des projets administratifs qui ordonnent des constructions à la modernité « Taiwan » ! A mon humble avis, il est urgent d'aller doucement pour donner du temps au temps, et comme le dit si fortement Jean Nouvel : « Ne pas faire une rénovation au Bulldozer, ni de parachutage architectural, ni une architecture internationale où tout est semblable et non spécifique, il faut une architecture durable qui tient compte de la ville et de son patrimoine, qui a du sens, qui dialogue à distance avec l'architecture du passé. » Propos à méditer… L'auteur est Président de l'association de défense du Vieux Rocher