La question est de savoir vers quelle juridiction elle va orienter son action pour éviter d'être déboutée en la forme alors que sur le fond tout porte à croire qu'elle a de fortes chances d'avoir gain de cause. C'est tout le problème de la compétence, et donc de la procédure. A cet effet, il faut signaler que les règles de compétences visent à une répartition de celles-ci entre les différents ordres de juridiction et au sein même de chaque juridiction. Elles font partie du droit de procédure civile, qui constitue la réalisation en justice des droits et elles comportent trois éléments : l'action, la juridiction et l'instance. Le droit de procédure civile en Algérie a remarquablement évolué depuis le 1er code de procédure civile en 1966 ; révisé et complété à plusieurs reprises et refondu en 2009 ; c'est l'objet de la loi 2008-09 qui est entrée en vigueur le 25 avril 2009. Ce code général côtoie des codes spécifiques à certains domaines comme dans celui du transport maritime, depuis le code maritime de 1976 (1) modifié et complétée en 1998 (2). Notre intervention portera sur l'apport du nouveau code de procédure civile et administrative en rapport avec les dispositions spécifiques du code maritime pour mettre en évidence leur complémentarité et leurs divergences. La question sera examinée selon la distinction légale de la compétence d'attribution et de la compétence territoriale. – 1- La compétence d'attribution : La question est de savoir à quelle juridiction est attribuée la connaissance du litige en fonction de l'organisation judiciaire du pays, on l'appelle encore «Compétence Rationae materiae» – 1-1 Rappel de l'organisation judiciaire : – 1-1-1 l'organisation traditionnelle : L'organisation judiciaire actuelle comporte un double ordre de juridiction : administratif et judiciaire avec un arbitre, le tribunal des conflits. L'ordre judiciaire qui nous concerne plus directement ici comporte : – une juridiction de base : le tribunal avec des sections spécialisées au nombre lesquelles on trouve une section commerciale et une maritime dans certains tribunaux «maritimes». La compétence de chaque tribunal est limitée territorialement par la loi. – une juridiction d'appel : la cour avec des chambres spécialisées parmi lesquelles la chambre commerciale compétente pour connaître des appels, des jugements du 1er degré rendus en matière commerciale, y compris le transport maritime, il s'agit là également de juridiction à compétence territoriale limitée par la loi. – une juridiction de cassation : la Cour suprême structurée elle-même en chambres spécialisées dont la chambre commerciale et maritime. Elle a une compétence nationale, elle connaît des pourvois en cassation contre les arrêts des cours (voir tableau ci-dessous). A cette organisation traditionnelle, le code de procédure civile et administrative (CPC et A) a ajouté les pôles judiciaires spécialisés. – 1-1-2 Les pôles judiciaires spécialisés Prévu par l'article 32 CPC et A, ces pôles seront mis en place au niveau de certains tribunaux et auront une compétence exclusive dans les matières suivantes : commerce international, faillite et règlement judiciaire, banques, propriété intellectuelle, transport maritime aérien et assurance. Un texte réglementaire devrait intervenir pour fixer les sièges de ces pôles ainsi que les tribunaux qui leur seront rattachés. A noter qu'en matière de transport maritime, matière qui relève désormais de la compétence des pôles judiciaires spécialisés, il arrive souvent que le connaissement comporte dans les conditions de transport (verso de ce document) une clause compromissoire en vertu de laquelle, en cas de litige, les parties auront recours à l'arbitrage, ceci pour soustraire le contentieux au juge étatique normalement compétent. Qu'en est-il de l'opposabilité d'une telle clause au destinataire ? Il faut, ici, rappeler que la conclusion du contrat du transport se fait entre l'expéditeur et le transporteur, et que le destinataire n'intervient qu'au moment de la livraison de la marchandise ; juridiquement il s'agit d'un tiers, dès lors, par l'effet relatif des contrats une telle clause ne lui sera pas opposable. Lajurisprudence actuelle, aussi bien nationale qu'étrangère, va dans ce sens ; la raison est que le destinataire ne participe pas à la conclusion du contrat et que, par conséquent, il n'en a pas accepté les clauses y compris celle relative aux règlements des litiges. (3) A la lumière des nouvelles dispositions du code de procédure civile et administrative relatives aux pôles judiciaires spécialisés, le tribunal compris dans le pôle aura la compétence exclusive pour connaître des contentieux relatifs aux matières citées par l'article 32 de ce code. – 1-2-Commentaire : Cette organisation fait du tribunal le juge de droit commun du 1er degré et de la cour la juridiction de droit commun du 2e degré. – 1-2-1- Le tribunal juge de droit commun L'article 32 paragraphe 3 CPC et A confère au tribunal une compétence très étendue. Il (le tribunal) connaît de toutes les actions, notamment civile, commerciale, maritime, sociale, foncière et des affaires familiales pour lesquelles il est territorialement «compétent». Il exerce cette compétence au moyen de sections spécialisées dans chacun des domaines cités par l'alinéa 3 de l'article 32 du CPC et A. Le tribunal statue en premier et dernier ressort lorsque le montant du litige n'excède pas 200 000 DA. Au-delà de ce montant, il statue à charge d'appel devant la cour (article 33 CPC et A). Cette juridiction occupe donc une place prééminente puisqu'elle a une sorte de compétence virtuelle s'étendant à tout le contentieux privé. Comme indiqué ci-dessus, le nouveau code innove en créant les pôles judiciaires spécialisés au niveau de certains tribunaux qui ont une compétence exclusive dans les domaines suivants : commerce international, faillite et règlement judiciaire, banques, propriété intellectuelle contentieux maritime, transport aérien, assurance. A la différence du tribunal qui siège avec un juge unique, ces pôles statuent en formation collégiale de trois magistrats : il s'agit d'une innovation par rapport au droit de procédure civile antérieur. Mais, cette création risque de porter atteinte à la compétence virtuelle du tribunal. En effet, lorsque l'une des affaires en matière de propriété intellectuelle, par exemple, a été conférée à un tribunal du pôle judiciaire, la compétence du juge de droit commun s'efface devant ce tribunal. D'ores et déjà, en matière maritime, elles risquent de gêner l'application de certaines dispositions comme celles des articles 745 et 855 du code maritime. L'article 745 donne une compétence de principe, pour connaître de l'action au tribunal rendu compétent par les règles de droit commun, donc celles prévues par le CPC et A ; mais il apporte une exception importante qui semble battre en brèche la solution de principe en rendant compétent le tribunal de port de déchargement ci celui-ci est situé sur le territoire national. Quant à l'article 855 du même code maritime, relatif aux actions en justice nées du contrat de transport de voyageurs, et des bagages, il pose également le principe de la compétence de droit commun en l'assortissant d'une exception consistant en l'application en la matière de la convention internationale dont l'Algérie est partie, s'il s'agit d'un transport international. Au contraire, la saisie des navires ne semble pas poser problème en raison de la solution générale adoptée par l'article 687 § 2 du CPC et A et qui donne compétence au tribunal des biens à saisir. – 1-2-2- La cour juge de droit commun en appel : Selon l'article 34 § l du CPC et A, les cours connaissent de l'appel des jugements rendus en premier ressort, en toutes matières par les tribunaux Dire en «toutes matières», c'est faire de la cour le juge du droit commun du second degré quelle que soit la chambre compétente. Ce rôle de juridiction de second degré va même au-delà de l'appel des décisions des tribunaux puisque l'article 35 du CPC et A donne à la cour compétence pour connaître «des demandes en règlement des juges ainsi que des demandes en récusation dirigées contre les magistrats des tribunaux de leur ressort». Sont portés également devant la cour, les appels contre les ordonnances de référé ainsi que les appels contre les sentences arbitrales internes (article 1 033 CPC et A) ou internationales. Dans tous ces cas, la cour statue en premier et en dernier ressort. Reste à examiner la compétence territoriale – 2 -La compétence territoriale : Compte tenu de la manière dont sont réparties les affaires entre les diverses juridictions, le plaideur doit connaître quelle est parmi tous ces juridictions de même nature et de même degré, celle précisément devant laquelle il doit porter son action. Pour ce faire, il doit distinguer les règles de compétence générale et les règles propres à certains domaines particuliers. – 2-1 Les règles de compétence territoriale ayant une portée générale : L'article 37 du CPC et A pose le principe selon lequel «la juridiction territorialement compétente est celle du domicile du défendeur» – 2-2 Les exceptions à la compétence générale : Ces exceptions peuvent être classées en deux catégories : – 1re catégorie : Elle comprend tous les cas dans lesquels le CPC et A désigne un tribunal déterminé autre que celui du lieu de domicile du défendeur ; il s'agit des cas visés par l'article 40 de ce code. 2e catégorie : Figurent dans cette catégorie les cas dans lesquels, par son assouplissement de la règle de principe, le CPC et A ouvre une «option» au demandeur en lui offrant le choix entre deux ou plusieurs tribunaux. Pour une bonne compréhension de la question dont dépend le sort de l'action judiciaire, il est apparu plus méthodique de présenter ces exceptions sous forme de deux tableaux. Conclusion L'examen rapide des règles de compétence révèle que ces nouvelles dispositions posent le problème fondamental du sort des dispositions dont certaines d'entre elles sont, a priori, en contradiction avec celle du code maritime lequel réglemente une matière particulière, en contact avec le reste du monde spécialement en matière de transport qui reste pour l'heure dominée par les transports internationaux régis par un droit conventionnel et des usages fortement enracinés chez les «maritimes». La pratique des nouvelles dispositions mettra, sans aucun doute, en évidence ces contradictions entre les deux législations, il sera alors nécessaire de les prendre en charge le moment opportun. Le débat reste donc ouvert. L'auteur est Professeur Note de renvois : – 1) Ordonnance n° 76-80 du 23 octobre 1976 JO RADP n° 29 du 10 avril 1977. – 2) Loi n° 98.05 du 25 juin 1998 JO RADP n° 47 du 27.06.1998. – 3) Récemment encore la Cour de cassation française a rappelé cette solution : cass. chambre commerciale financière et économique 16/12/2008 cil. Web. Cour de cassation